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Élevage contesté Démêler le vrai du fauxpour avancer

Trop d’informations approximatives, voire fausses circulent sur l’élevage. Elles pourraient décourager tout éleveur. Pour aller de l’avant, rétablissons quelques vérités.

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« L’impact de l’élevage sur le CO 2 dépasse celui du transport. » Faux. Cette affirmation choc - 14 % de gaz à effet de serre (GES) émis par le transport contre 14,5 % par l’élevage - a été publiée par la FAO en 2006. Depuis, ses auteurs l’ont rectifiée. Le chiffre du transport tenait compte des seules émissions directes alors que celui du bétail cumulait émissions directes et indirectes. En France, le Citepa (1) estime que l’agriculture et la sylviculture atteignent ensemble 19 % des GES et le transport 29 %. Dans ces 19 %, l’élevage serait responsable de 14 % des émissions.

« L’élevage peut réduire ses émissions. » Vrai.En France, l’évolution des pratiques (réduction des apports de fertilisants, augmentation de la productivité animale, optimisation de l’alimentation) a permis une baisse de l’empreinte carbone de 15 à 25 % entre 1990 et 2010, tout en maintenant les volumes de production (2). Et le potentiel de réduction se chiffrerait à 20 %. Dans les pays qui se sont développés entre 1961 et 2010, les GES ont baissé de 23 %, pendant que dans ceux en voie de développement (PVD), ils ont augmenté de 117 %. Selon un rapport de 2016 de la FAO, le potentiel de réduction mondial est de 30 %. Enfin, pour la troisième année consécutive, la France est classée première pour son alimentation durable.

 

« Arrêter de consommer de la viande réduira la misère dans les pays les moins avancés. » Faux. Le noyau dur de la pauvreté s’élève à un milliard de personnes, dont 800 millions d’agriculteurs-éleveurs. Pour eux, l’animal représente une production consommable, mais aussi du travail, de la fumure, un moyen d’épargne. Deux milliards d’humains utilisent la traction animale. Au Bangladesh, 90 % des bovins « travaillent » (traction ou travail de la terre). En Inde, il y a dix ans, 60 % des surfaces étaient labourées grâce aux bêtes, 20 % à la main, 20 % avec un tracteur. On pourrait baisser l’impact écologique des élevages des PVD en augmentant la productivité. En particulier, en luttant contre les maladies qui entraînent un énorme gaspillage de ressources. Dans les pays pauvres, la moitié des animaux en meurent. Dans les moins avancés (PMA), la demande croissante de viande, de lait ou d’œufs engendre un accroissement de leur nombre, donc des GES : en étant plus « efficaces », ces systèmes pourraient réduire de 70 % leurs émissions selon Jean-Paul Pradère, vétérinaire à l’Office international des épizooties - OIE (3). Le paradoxe des politiques de développement, selon ce spécialiste, est qu’elles aident peu l’amélioration de la productivité des élevages.

 

« Produire un kilo de viande réclame 15 000 litres d’eau. » Faux. Ce chiffre circule sur les plateaux de télé et dans les publications grand public. Mais ces 15 000 l englobent l’eau de pluie captée par les sols et les plantes (95 %). La « verte » retourne dans le cycle de l’eau. La « bleue » est celle qui est réellement consommée par les animaux et l’irrigation des cultures. La « grise » est utilisée pour dépolluer les effluents et les recycler. Si on tient compte des « bleue et grise », la communauté scientifique considère qu’il faut entre 550 à 700 l pour produire 1 kg de viande de bœuf (4). En eau utile, il en faut 50 l.

 

« L’élevage occupe les trois quarts de la surface agricole planétaire. » Vrai, mais… L’élevage utilise 75 % des terres agricoles planétaires, mais les deux tiers ne sont pas exploitables. L’unique moyen pour les valoriser est d’y élever des herbivores. S’en priver n’aurait pas de sens. Si on parle de surfaces cultivables, les animaux en disposent d'un tiers. Selon Jean-Louis Peyraud, de l’Inra, seuls 14 % des aliments mangés par les bêtes sont en concurrence avec ceux consommables par l’homme. Concernant la production mondiale de grains, la concurrence entre alimentation animale et humaine joue pour un tiers des volumes (5).

 

« Il faut de 2,5 à 10 kg de protéines végétales pour en produire un de protéines animales. » Vrai, mais… La compétition ne concerne que la fraction de protéines végétales qui serait consommable par l’homme. Or, 86 % des aliments ingérés par les animaux ne le sont pas - feuilles, résidus herbes, coproduits (6).

La capacité de l’élevage à produire des protéines est donc plus élevée que ce qui est dit. Il existe des systèmes producteurs nets de protéines : les volailles qui ont un indice de consommation très faible, le porc car l’essentiel de sa carcasse est consommable et qu’il valorise des coproduits (tourteaux, etc.). Quant aux ruminants, ils sont efficients lorsqu’ils valorisent de l’herbe. Enfin, si toutes les populations du monde adoptaient un régime végétalien, il faudrait davantage de terres cultivées pour nourrir la planète. Selon l’Inra, en dessous de 20 à 25 % de protéines animales dans la ration alimentaire mondiale, les ressources non consommables par l’homme seraient « gaspillées » et un surplus de terres exploitées serait nécessaire pour fournir les produits végétaux apportant l’énergie et les nutriments utiles à l’être humain.

 

« Les ruminants sont des nuisibles. » Faux. Ils sont mis à l’index à cause de leur fermentation entérique. Mais grâce à la rumination, ils transforment des sous-produits grossiers qui seraient brûlés. Ils valorisent des étendues arides (16 % des surfaces émergées sur la planète). Ils sont une force de travail et de transport. Le pâturage compense une large partie de leurs émissions de GES, maintient la faune, la biodiversité et le paysage.

 

« ll n’y a plus de pâturage en France. » Faux. La France compte 13 Mha de prairies et 700 000 km de haies (2). Un hectare de prairie permanente, c’est 160 m linéaires de haies, là où cette même surface labourable en compte 56 m. Les haies stockent 120 kg de carbone par mètre linéaire et par an, et les prairies de 500 à 700 kg. Grâce aux prairies et aux haies, l’élevage bovin compense en moyenne 30 % de ses émissions totales de GES. Cela varie de 49 % en montagne à 8 % si le maïs entre à plus de 30 % dans la ration en système laitier, par exemple (3).

Enfin, l’élevage maintient une faune et une flore diversifiée. Il y a de quarante à soixante-dix espèces d’oiseaux sur une exploitation et 1,1 t de vers de terre par hectare de prairie. L’utilisation des produits phytosanitaires est de 40 % inférieure face aux cultures en rotation (2).

« Le rapport du Giec (7) -  publié au mois d’août 2019 - préconise un régime végétarien. » Faux .Certains ont vite claironné que le Giec conseillait d’aller vers l’exclusion de l’alimentation d’origine animale. Ces experts ne recommandent jamais un type de régime alimentaire précis et encore moins pour tout le globe. Ils conseillent « des régimes équilibrés, comprenant de la nourriture à base de végétaux, tels que ceux à base de céréales secondaires, légumineuses, fruits et légumes, fruits à coque et graines. Et de la nourriture d’origine animale produite dans des systèmes résilients, durables et à faibles émissions de GES, qui présentent des opportunités majeures d’adaptation et d’atténuation tout en générant des bénéfices significatifs pour la santé humaine ». Selon le rapport, réduire la consommation de viande permet de résoudre des questions climatiques, de terrain, mais aussi de santé humaine. Pour rappel, 30 % de l’alimentation est gaspillée dans les pays développés.

Pour ceux en voie de développement, le Giec écrit qu’il est difficile de leur demander d’être végétariens, alors qu’ils n’ont pas assez de protéines. « Le changement de régime passe par la diversification nutritionnelle, y compris la consommation de viande, à des niveaux qui aident à être en bonne santé. »

 

« Manger moins de viande serait bénéfique pour la santé. » Vrai et faux. Il y a un milliard de personnes obèses dans le monde, mais aussi 800 millions qui souffrent de la faim. On ne peut donc pas avoir la même recette pour tous. En France, les médecins préconisent de passer de deux tiers de protéines animales dans nos rations à une répartition de moitié de protéines animales et moitié végétales.

 

« Les protéines végétales valent celles animales. » Faux. Les protéines, au même titre que les glucides et les lipides, sont des nutriments assurant des fonctions vitales pour notre organisme. Neuf protéines « indispensables » doivent être apportées par notre alimentation. L’Anses précise que celles animales ont une haute qualité nutritionnelle, plus riches en acides aminés indispensables que celles végétales. De plus, notre corps les absorbe mieux. Le meilleur moyen de ne pas faire l’impasse sur un acide aminé indispensable est d’associer protéines animales et végétales, en consommant de tout en quantité raisonnable. Côté minéraux, les animaux, en mangeant des végétaux, nous « mâchent le travail » : ils les rendent plus absorbables par l’homme. Le fer (ferreux) des bêtes est six fois mieux assimilé par notre organisme que le fer ferrique présent dans les végétaux. De même pour le zinc. Et il y a la vitamine B12, vitale, qui n’existe dans aucun aliment végétal. Certes, on peut prendre des compléments alimentaires. C’est d’ailleurs une part de l’argumentation des végans. Mais, selon le professeur Philippe Legrand, spécialiste en nutrition humaine et professeur de biochimie à l’Agrocampus de Rennes (35), « c’est s’obliger à avoir recours à une béquille chimique. »

« L’excès de consommation de produits issus d’animaux est également dangereux pour la santé. » Vrai. Une alimentation trop riche en protéines animales peut conduire à un apport insuffisant en fibres et excessif en graisses saturées. Les excès chroniques contribuent à la survenue de surpoids et de maladies, telles que l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2… Une forte consommation de viande rouge et de celles transformées (charcuterie, conserves, produits à base de viande) est associée à un risque accru de cancer colorectal. En France, le Haut Conseil de la santé publique recommande de limiter la consommation de viande rouge (hors volaille) à 500 g/semaine. Celle de charcuterie à 150 g. Il faut aussi réintroduire des légumes secs au moins deux fois par semaine.

 

« Être végétalien ou végan ne représente pas un danger. » Faux. Les végans ne consomment ni viande, ni poisson, ni lait, ni miel, ni œuf… L’éviction des aliments d’origine animale est une prise de risque pour la santé. Avec une alerte particulière sur la vitamine B12. Le végétalisme est à proscrire chez le nourrisson, l’enfant jusqu’à 18 ans, la femme enceinte, les personnes âgées. Il est à bannir pour ceux qui n’ont pas accès à une nourriture suffisamment variée et équilibrée. Ces carences créent des problèmes de développement cérébral, surtout chez le nourrisson et l’enfant, et des risques de dépression. Enfin, la consommation de soja en excès est déconseillée parce qu’il contient des isoflavones, perturbateurs endocriniens (8).

 

« Les « steaks » végétaux valent bien un steak issu d’un animal. » Faux . La reconstruction de « steaks » végétaux se fait avec beaucoup d’additifs et de technologie : douze ingrédients dans du faux fromage, davantage de gras, de sucre et moins de protéines dans un burger veggie (9). Ce marché a toutefois progressé de 24 % en un an. Tous les grands industriels et les grandes surfaces créent leurs offres de plats « veggie » : Côté végétal (Fleury Michon), Le bon végétal (Herta), Carrefour veggie (Carrefour), Bon et végétarien (Système U). Les fast-foods aussi ont leur offre : Impossible wooper, testé par Burger king dans le Missouri, ou Veggie, chez MacDo. Sans parler des recherches sur la viande artificielle, indûment appelée « clean meat ». Tout cela est loin de la nature et de la naturalité ! Et doit presque tout à l’industrie.

Marie-Gabrielle Miossec

(1) Centre interprofessionnel technique d’étudesde la pollution atmosphérique.

(2) L’Idele.

(3) La Revue scientifique et technique, 2014.

(4) L’Académie d’agriculture.

(5) L’Inra, « Quelques idées fausses sur la viande ».

(6) Le Gis « Élevages demain », 2017.

(7) Groupe international d’experts sur l’évolutiondu climat à l’ONU.

(8) UFC Que choisir, mai 2019.(9) 60 millions de consommateurs, décembre 2017.

Retrouvez le replay de notre webinaire du 19 septembre « L’élevage contesté : ensemble, démêlons le vrai du faux » en cliquant sur https://www.lafranceagricole.fr/actualites/replay-du-webinaire-du-19-septembre-lelevage-conteste-ensemble-demelons-le-vrai-du-faux-1,9,2488000237.html

 

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