1. Les acteurs historiques se détournent 1. Les acteurs historiques se détournent du machinisme
Réorientation des conseillers de chambre vers l’environnement et fermetures de stations expérimentales précipitent la fin du conseil traditionnel.
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ya-t-il encore un conseiller machinisme au bout du fil ? C’est la question que se posent de nombreux agriculteurs lorsqu’ils cherchent à obtenir une information sur un matériel ou une technologie en appelant leur chambre d’agriculture. Car le conseiller qui délivrait les bons tuyaux au téléphone sans rétribution n’existe plus.
Fin du conseil gratuit
« Il faut être rentable et justifier économiquement notre poste, explique un peu amer un conseiller proche de la retraite. Nous ne faisons plus de conseil par téléphone. Nous prenons rendez-vous et nous facturons notre prestation. Du coup, les agriculteurs nous sollicitent moins et les décideurs ont l’impression que le machinisme est un sujet qui n’intéresse plus. » D’où la réaffectation des crédits autrefois attribués au machinisme vers des secteurs plus en vogue comme l’agroécologie et la conversion au bio. Et la diminution logique du nombre de conseillers en agroéquipements. Une étude minutieuse des prestations offertes par les chambres d’agriculture montre qu’il y aurait moins de 20 conseillers machinisme à plein-temps dans les chambres d’agriculture de l’Hexagone, alors qu’ils étaient plus de 90 en 2000. Le désamour des chambres pour le machinisme se constate aussi à la lecture des formations financées par Vivea. Sur une même période, 2 032 concernent des sujets liés à l’environnement contre 192 tournées vers le machinisme, plus spécifiquement l’entretien et la maintenance. Et quand un agriculteur a la chance de disposer d’un spécialiste machinisme dans sa chambre départementale, encore faut-il que ce dernier se consacre au conseil.
Priorité au Certiphyto
« La mise en place du Certiphyto en 2012 a changé la donne pour les services agroéquipement des chambres, explique un ancien conseiller. Ce sont souvent les machinistes qui assurent ces formations, qui ont l’avantage d’être lucratives mais sont peu motivantes. Résultat, beaucoup de jeunes conseillers ont préféré partir chez un constructeur ou changer de service à la chambre, pour faire de l’agroécologie ou de la prestation drone, par exemple. » L’autre écueil qui guette les chambres est le départ à la retraite de plusieurs grandes figures du conseil. Des spécialistes qui se sont élevés au rang d’experts, mais ont rarement transmis tout leur savoir. « Tout l’enjeu, c’est de savoir ce que va faire un agriculteur qui n’a plus de conseiller dans son département, voire dans sa région, s’inquiète Philippe Van Kempen, du service élevage et agroéquipements de l’APCA. Le principe à défendre, c’est que les références objectives et les connaissances soient disponibles pour tous, y compris les plus petites structures. »
Moins de références pour les éleveurs
Et ce n’est pas gagné, car les stations expérimentales qui fournissent les références sont elles aussi menacées. C’est le matériel d’élevage qui est principalement sur la sellette, Arvalis-Institut du végétal réussissant à préserver une partie de l’expérimentation pour le matériel de cultures. La régionalisation et la baisse des subventions publiques ont eu la peau de plusieurs stations expérimentales, dont la célèbre ferme des Cormiers, référence de l’agroéquipement du Grand Ouest. Une partie de l’activité de la station de Saint-Aubin-du-Cormier (35) est transférée à Kerguéhennec (56). La station de Mauron (56) a elle aussi fait les frais de cette réorganisation et l’une des deux stations spécialisées dans l’élevage porcin (Crécom (22) ou Guernévez (29)) va devoir fermer ses portes. Au niveau national, c’est le BCMA (Bureau de coordination du machinisme agricole), véritable tête de pont des conseillers de terrain, qui a été dissous dans l’indifférence générale en 2014. Ses trois ingénieurs ont ensuite été ballottés de Trame à l’APCA et contraints de réduire leur champ d’intervention (lire ci-dessus).
Les organismes de recherche publique ne sont pas non plus épargnés par les fermetures. Ainsi le Cemagref (Centre national du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts) a commencé à tourner le dos aux agroéquipements en 2011, lorsqu’il est devenu l’Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture). Néanmoins, trois sites (Antony, Montoldre et Montpellier) poursuivent une activité dans l’agroéquipement. Mais la plateforme emblématique d’Antony (92) doit cesser son activité à court terme, sans garantie sur la poursuite de ses tests de tracteurs. Pour Philippe Imbert, inspecteur général de la recherche et auteur d’un rapport sur les plateaux techniques pour l’agroéquipement en 2016, « la fermeture de ces centres d’essai pourrait se traduire par un désarmement technique de la collectivité nationale ». En substance, il est temps de réagir, et vite.
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