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Témoin « Le territoire fixe l’identité »

Périco Légasse, journaliste et critique gastronomique

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Quel lien faites-vous entre territoire et identité ?

« Le territoire est une surface que l’on occupe, un environnement géoclimatique avec ce qu’il en ressort de culturel, puisque l’organisation de la nature nous prédispose à être ce que nous sommes. L’air, l’eau, la terre génèrent une forme de vie, d’habitation et d’agriculture, et la synthèse de cet ensemble constitue la civilisation. Le territoire fixe l’identité et façonne l’homme. Dès lors que ce lien à la terre n’est plus établi, dès lors que je ne me sens plus appartenir au territoire sur lequel je pose mes pieds, la porte est ouverte à toutes les dérives, à tous les malentendus et à tous les malheurs.

Cet attachement n’est-il possible qu’à la campagne ?

Le territoire qui transmet l’identité, c’est une osmose qui se fait : je deviens le citoyen du lieu que j’habite, que je travaille, qui me nourrit. On s’intègre mieux en cultivant un champ de blé que dans une tour à faire des chiffres sur un ordinateur… On peut développer un sentiment d’appartenance dans une barre d’immeuble, mais cet élément de territoire ne génère pas une identité car on ne peut plus le travailler. Couvert de béton, il ne peut me donner que ce que la société y a mis : machines, commerces…

Qu’ont en commun les territoires à forte identité ?

Le ferment commun est écologique. C’est la conscience de la nécessaire préservation de la biodiversité. Chaque bout de territoire est un petit trésor. L’objectif est d’en vivre le mieux possible, c’est-à-dire d’en tirer une forme de richesse tout en préservant la source, et de le transmettre. Il ne s’agit pas de revenir à la cueillette ou à la chasse mais d’avoir l’économie la plus performante et la plus cohérente par rapport aux réalités locales.

L’économie globale est-elle une menace ?

Le grand marché signe la mort du territoire, et à plus forte raison des terroirs, dès lors qu’il vient non plus pour permettre de commercer mais pour créer du profit comme unique objectif. Notre système économique repose sur une mise en compétition. On fait entrer les territoires dans un moule juridique et économique en transformant les sols en usine, sans se soucier de leur spécificité. L’agriculture française meurt de cette financiarisation. La classe politique doit comprendre que la croissance dans l’économie de libre-échange n’est plus compatible avec le développement des territoires.

Quelle politique mener ?

La puissance publique doit s’octroyer le droit de réaménager les territoires. Non pas de façon jacobine, pour tout piloter depuis Paris ou Bruxelles, mais dans la diversité de la régionalisation. Oui à de grandes régions dotées de vrais pouvoirs décentralisés, à condition que le découpage soit cohérent, contrairement aux aberrations actuelles. Je n’ose pas parler de fédéralisme mais je crois que ce pays s’en sortira quand on redonnera à chaque territoire son identité et sa légitimité historique, ainsi que la capacité pour les populations qui y vivent de s’autogérer, en fonction de leurs besoins et de leurs spécificités et dans la limite du droit républicain. »

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