Lait bio Petit et performant en système tout herbe
Sur une structure relativement modeste, Stéphane Mancel développe une activité de lait bio valorisante économiquement et moralement. Il pratique aussi la vente directe de cidre et de bœuf en caissette.
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«Sur notre exploitation, nous avons toujours été obligés d’être économes », résume Stéphane Mancel, éleveur laitier qui pilote une ferme de 45 vaches normandes pour 280 000 l vendus en système herbager bio à Moulines, dans le sud de la Manche.
Une cellule de séchage
De fait, l’exploitation familiale s’est « traînée » depuis le début des années 1980 un « petit quota », qui a malgré tout progressé de 115 000 l à un peu plus de 200 000 l à la fin des années 2000. « La croissance s’est toujours faite petit à petit et sans surinvestissement. Un virage a toutefois été pris en 2007. J’étais installé depuis 2001, retrace l’agriculteur de 46 ans. Mon père devait partir à la retraite. J’avais lu les livres d’André Voisin (1) et visité des installations pionnières de séchage en grange dès le début des années 2000. L’herbe est quelque chose que je voulais développer, mais sans être trop dépendant des entreprises de travaux. Par ailleurs, je souhaitais en finir avec les corvées d’ensilage. J’ai donc profité de la mise aux normes pour agrandir le bâtiment d’origine et créer une cellule de séchage de foin en grange de 200 tonnes. Le coût était de 150 000 € à charge pour l’exploitation. »
L’éleveur prélève le foin sur toute la hauteur de la cellule (trois coupes) pour avoir un aliment équilibré en fibres et en valeur alimentaire. © Alexis Dufumier
Grève du lait
Le bâtiment, la salle de traite rallongée à 2 × 5 postes, et le séchoir sont encore en fonctionnement aujourd’hui. Le séchoir marche uniquement par air ventilé et récupération de chaleur sous la toiture. Un préfanage des récoltes à 60-65 % d’humidité est nécessaire.
Les débuts sont compliqués, avec beaucoup de pluie en 2007. Une deuxième année difficile suit en 2008. Puis vient 2009. En pleine crise du lait, Stéphane qui, encore aujourd’hui, refuse de rejoindre un syndicat agricole, fait la grève des livraisons. L’issue du combat est pour lui un échec qui sonne l’heure des choix. Au lieu de courir après les hausses de volume, il démarre une conversion à l’agriculture biologique au printemps 2010. Il change de laiterie pour adhérer à Biolait et développe également la vente directe de cidre et de bœuf en caissette.
Installé en bio, il détient aussi le label STG (spécialité traditionnelle garantie) « lait de foin ». © Alexis Dufumier
Parcellaire morcelé
Humainement, c’est un grand soulagement : « J’ai retrouvé du sens dans mon métier et de la reconnaissance morale et économique, se souvient-il. Désormais, on fait un lait haut de gamme, avec une empreinte carbone très faible. On crée de la valeur ajoutée sur le territoire. Je suis fier de ce qui est accompli sur la ferme. C’est pourquoi je suis fâché contre les végans. Leur discours extrémiste mérite d’être dénoncé beaucoup plus qu’il ne l’est. »
Malgré un parcellaire de 62 ha très morcelé, caractéristique du département de la Manche, et ses nombreux propriétaires fonciers, l’éleveur a adopté un système presque 100 % basé sur l’herbe. Il est d’ailleurs labellisé pour la production de spécialité traditionnelle garantie (STG) « lait de foin ».
Sécheresses à répétition
Ces dernières années, les épisodes de sécheresse fragilisent le système. Les rendements en herbe diminuent énormément, contrairement à ceux du maïs qui semblent mieux résister. « Ça nous remet en cause, reconnaît Stéphane. Je m’adapte. Je diminue fortement la production de céréales et je vais peut-être aussi freiner sur l’élevage de renouvellement. Je m’en sors bien économiquement, mais je ne fanfaronne pas. Je suis prudent, notamment au regard de ce que nous réserve la future Pac. Mes annuités sont amenées à réduire. Je gagnerai en souplesse de trésorerie pour faire face aux aléas et pourquoi pas pour déléguer et alléger ma charge de travail. Je suis père de cinq enfants. Je fais très attention à maintenir un confort de travail et un revenu acceptable sur l’exploitation. Je souhaite aussi que l’outil reste économiquement transmissible et attrayant pour un jeune qui aurait des projets. »
Alexis Dufumier
(1) Agronome français considéré comme le père fondateur de l’agriculture holistique. Auteur de Productivité de l’herbe, 1957, réédité en 2018, Éditions France agricole.
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