Diversification De l’entraide, de l’huile et des cosmétiques
Charlin Hallouin mutualise son matériel et travaille avec ses voisins. Une solution qui lui a permis de maintenir la production de céréales et d’oléagineux malgré un accident.
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«Nos huiles s’utilisent pour les massages, les cheveux secs ou en crème de jour pour hydrater la peau », explique Charlin Hallouin. Avec sa carrure costaude, cet agriculteur de 33 ans s’y connaît en cosmétiques : « Je dois être le seul agriculteur du département à avoir les mains aussi douces », plaisante-t-il.
Sauter le pas
Après huit ans comme conseiller en centre de gestion, Charlin s’est installé comme céréalier sur 167 ha en octobre 2017, à Danzé (Loir-et-Cher), lorsque son père a pris sa retraite. D’abord en tant que double actif, puis rapidement à 100 % sur l’exploitation. « J’ai toujours eu envie de reprendre la ferme familiale. Lorsque j’exerçais les deux métiers, j’avais l’impression que les décisions stratégiques de la ferme m’échappaient. Alors, j’ai sauté le pas en trouvant une diversification qui dégage au moins un Smic. »
La ferme de Charlin propose des huiles alimentaires. © A. Richard
Une gamme « bien-être »
Charlin écarte l’idée de la transformation des céréales en farines et pâtes, activité déjà très présente dans le département, et s’intéresse aux oléagineux. Son père cultivait du colza et du tournesol. Il ajoute à sa palette culturale du lin, du chanvre, de la caméline et investit 60 000 € (dont 35 % de subvention de la région et du pays vendômois) pour la presse, la cuverie et l’aménagement du bâtiment. Il commercialise différentes huiles natures ou aromatisées (basilic, piment, truffe, ail…).
Un jour, il tente d’appliquer de l’huile de tournesol sur l’eczéma de son fils. « Le lendemain, il n’avait plus rien ! On n’en revenait pas. C’est comme ça que l’on s’est lancé dans les huiles cosmétiques. » Avec sa femme Pauline, conjointe collaboratrice, ils travaillent une gamme « bien-être » avec trois huiles cosmétiques, ainsi qu’une bouillotte à base de graines de lin, conçue par une couturière locale.
La ferme de Charlin propose également des huiles cosmétiques. © A. Richard
La HVE pour communiquer
Le père de Charlin est un pionnier de l’agriculture de conservation. Depuis trente ans, les terres ne sont pas labourées. Son fils travaille sur la baisse des pesticides. En trois ans, il a diminué les herbicides de 60 % (1,3 IFT en moyenne). Depuis un an, il est certifié HVE (haute valeur environnementale) : « En circuits courts, il est difficile d’expliquer l’agriculture raisonnée. Avec le label HVE, c’est simple. Et on peut accéder à la restauration collective. » Sur le terrain, cela se traduit par la recherche de solutions agronomiques. En 2019, les altises attaquent la caméline. Le jeune homme l’associe alors à des lentilles, qui servent à la fois de leurre pour les insectes et de tuteur pour les plantes. « En plus, c’est un produit que je peux valoriser en le vendant à la ferme », ajoute-t-il.
Le couple fourmille d’idées tant pour les cultures que pour la transformation. Cependant, en février 2020, un mois avant le confinement, c’est l’accident. Charlin se casse la jambe. Il reste trois semaines à l’hôpital, deux mois alité et souffre d’une invalidité qui persiste depuis un an et demi. Le céréalier marche avec difficulté et ne peut toujours pas conduire un tracteur. Heureusement, en 2008, son père s’était rapproché de deux voisins, un polyculteur-éleveur et un céréalier, pour mutualiser le matériel dans une société en nom collectif (SNC) « A3 Services ». Celle-ci achète le matériel, le fioul, paie l’entretien et l’assurance, puis facture des prestations aux trois exploitations.
Des charges de mécanisation réduites
Sur les 400 ha, les charges de mécanisation s’élèvent ainsi à 270 €/ha, bien en dessous de la moyenne régionale. « À trois, nous ne pouvions pas monter une Cuma, et la SNC est plus simple qu’une copropriété. Je ne vois que du positif : des charges de mécanisation faibles, du matériel neuf et adapté à l’agriculture de conservation, des décisions prises à plusieurs et de l’entraide », insiste Charlin. Les parcelles ne sont pas regroupées en un assolement en commun, mais les agriculteurs essaient de semer les mêmes cultures l’une à côté de l’autre.
L’exploitant accidenté a effectué un contrat de travail avec ses voisins, via le service de remplacement, pour les travaux des champs. Il se consacre aujourd’hui à la partie transformation, administrative et commerciale avec son épouse ; des missions qui lui plaisent et sont couronnées de réussite : lors du premier confinement, les ventes d’huiles à la ferme ont atteint des records.
Aude Richard
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