Gestion des paysages Ancrer l’élevage au sein d’un parc naturel
Dans la Brenne, Sébastien Heslouis et son frère Christophe réussissent à conjuguer activité économique et entretien du paysage grâce à leur élevage allaitant.
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Au cœur des 3 300 étangs de la Brenne, une trentaine de salers pâturent en plein hiver. « Ce n’est pas une race typique de la région, mais elle est rustique. On sacrifie 2 hectares de pâture pour que nos vaches soient dehors toute l’année », souligne Sébastien Heslouis. Technicien en environnement, le jeune homme a arrêté son emploi en bureau d’études pour s’installer comme paysan en 2006, à Rosnay (Indre). « C’était un projet fou, mais le cadre de vie est en adéquation avec mes convictions », dit-il.
Accès difficile au foncier
En effet, il fallait oser s’installer avec vingt-deux vaches sur quelques hectares à faible potentiel, sans bâtiment. « C’est une reprise hors cadre familial. Mon père est fils d’éleveur dans la Manche, mais la ferme n’était pas disponible. En revanche, celle de mes grands-parents maternels en Brenne l’était. » En quinze ans, Sébastien a développé son exploitation. Aujourd’hui, il élève quatre-vingt-dix mères salers et aubracs et leur descendance, qu’il vend en broutards ou en direct de la ferme. Son frère Christophe l’a rejoint en 2013. Le Gaec dispose de trois bâtiments : deux stabulations et un bâtiment de stockage de paille et de foin, recouvert de panneaux photovoltaïques (100 kWe). « À deux associés, nous arrivons à prendre cinq semaines de congés par an, et nos revenus disponibles fluctuent entre 20 000 et 24 000 € par an chacun. Ça me suffit », ajoute l’éleveur.
Les dégâts de gibier sont importants sur ces sols hydromorphes. 60 % de la surface de l’exploitation est touchée. La population de sangliers a doublé en vingt ans dans l’Indre.. © A. Richard
Comment le Gaec de la Carrière a-t-il réussi son pari au cœur de la Brenne ? « Le parc naturel régional (PNR) m’a confié la gestion de prairies permanentes. Ici, c’est le seul moyen d’avoir accès au foncier. La chasse se développe tellement que les terres ne sont plus abordables pour les agriculteurs. Un propriétaire peut espérer vendre un hectare de 6 000 à 7 000 €, alors qu’au niveau agronomique, la terre ne vaut pas plus de 1 500 à 2 000 € », se désole Sébastien.
Le PNR de la Brenne propose des baux environnementaux, avec un fermage diminué de moitié en contrepartie d’un cahier des charges à respecter. Sur les 200 ha de pâturage du Gaec, 180 ha sont en prairies permanentes, dont 50 ha situés dans la réserve naturelle de Chérine, et 80 ha dans le PNR. Sébastien mène son troupeau en partenariat avec les gardes et conservateurs des réserves. « Toutes les semaines, nous définissons ensemble le programme de pâturage, en fonction des oiseaux qui nichent ou du développement des roselières, explique-t-il. Mon élevage est un outil de gestion des paysages. » À l’exception d’une MAEC système herbager, Sébastien ne touche pas d’aide spécifique pour ce travail d’entretien.
Dans ce système extensif, la productivité est basse, avec un chargement entre 0,4 et 0,75 UGB/ha selon les secteurs protégés, contre 1 UGB/ha en moyenne nationale. Ces terres à faible potentiel, environ 3 t/ha de foin, situées à une quinzaine de kilomètres autour de la ferme, engendrent beaucoup de déplacements et de frais de carburant. Sans oublier les dégâts de grand gibier : « Selon l’expertise des chasseurs, j’ai 110 ha de remise en état en 2020. La pression des sangliers est démesurée. »
Le Gaec de la Carrière s’est regroupé avec treize autres agriculteurs pour commander vingt-sept bâtiments photovoltaïques, en 2015. © A. Richard
Face aux sécheresses
Pour s’approvisionner en paille, les frères Heslouis ont établi un partenariat avec un céréalier. Ils lui achètent 30 ha en andain, entre 22 et 28 €/ha. « Nous n’avons pas de contrat, mais les tonnages sont stables chaque année. En revanche, nous avons contractualisé la fourniture en luzerne et en trèfle violet », souligne Christophe. Après plusieurs sécheresses, les exploitants tentent d’augmenter leur stock de foin, de 2 à 3 t/UGB. « Avant le printemps 2020, nous n’avions plus de foin, poursuit-il. Nous avons dû vendre dix vaches. »
Face au changement climatique, les éleveurs exploitent des milieux annexes, notamment les bordures d’étangs, et achètent de l’herbe sur pied (lire l’encadré). « La répartition de la mise à l’herbe est différente. Il faut compléter en foin de juin à septembre, voire jusqu’au 15 octobre, comme en 2019. Mais nous avons de l’herbe jusqu’à Noël », note Sébastien.
Au sein du PNR, les clients sont peu nombreux, mais fidèles. Pour minimiser les coûts, les frères se sont rapprochés de leur voisine, productrice de porcs, pour les produits de salaison. « On ne cherche pas à se développer, plutôt à maintenir notre système. C’est un choix de vie, d’habiter et d’entreprendre ici », conclut Sébastien.
Aude Richard
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