Elevage laitier Partir plus tôt pour être sûr de transmettre
À 58 ans, Étienne Jouffe a anticipé son départ pour céder son élevage laitier de la ferme du Miroir à Sébastien Chauvelier.
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Au 1er février, c’est Sébastien Chauvelier qui sera à la tête de l’exploitation à Saint-Méloir-des-Bois (Côtes-d’Armor) après un an en contrat de parrainage passé aux côtés d’Étienne Jouffe, son épouse Brigitte et leur salarié. Exploitée par sa famille depuis quatre générations, Étienne est fier et heureux que la ferme du Miroir puisse être reprise plutôt que de partir pour l’agrandissement. Il a tout mis en œuvre pour y arriver, n’hésitant pas à anticiper la cession. « Dans le secteur, de nombreux exploitants ont plus de 57 ans. Dans cinq ans, il y aura beaucoup d’exploitations à reprendre et pas forcément assez de candidats », affirme Étienne, mis en alerte lors d’une journée sur la transmission organisée par la chambre d’agriculture en 2015.
Les derniers investissements (fosse couverte et silos) datent de 2015. © I. Lejas
Un système cohérent
Après avoir beaucoup donné physiquement, Étienne connaît des soucis de santé. « Je craignais que la ferme soit en danger s’il m’arrivait quelque chose. Je ne voulais pas gâcher quarante années de travail », confie l’agriculteur. Plutôt que de payer des assurances pour se faire remplacer, il a préféré trouver un successeur.
Et s’associer ? « J’y ai songé, mais je l’envisageais uniquement dans le cadre d’un nouveau projet. Pour une simple transmission, les objectifs des deux parties ne sont pas forcément les mêmes », estime-t-il. Il a d’ailleurs fait réaliser des études pour un éventuel passage en bio. Producteur de lait à la Laiterie nouvelle de l’Arguenon (LNA), livrant pour Laïta, l’éleveur a toujours milité pour un prix équitable entre tous les producteurs sans y parvenir, à son grand regret. Dès l’âge de 55 ans, n’ayant pas d’enfants intéressés par la reprise, il décide d’inscrire la ferme au répertoire départ installation (RDI) en 2017. Projet de diversification déstructurant l’exploitation, candidat sans bagage agricole…, les premiers contacts ne sont pas concluants.
Rénovée en 2000, la porcherie est fonctionnelle. © I. Lejas
De son côté, Sébastien Chauvelier consulte le RDI et visite l’exploitation en octobre 2019. « Un bâtiment au milieu de 40 ha de pâturage, c’est tout ce dont je rêvais », se remémore le jeune homme de 36 ans. Originaire de la Sarthe, avec des grands-parents agriculteurs, il a toujours souhaité s’installer après des études agricoles (BTS technico-commercial en agrofournitures et licence professionnelle) et des expériences de commercial en concession de matériels agricoles et en magasin de bricolage.
Très vite, les deux hommes se rendent compte qu’ils sont sur la même longueur d’onde, avec un raisonnement économique avant tout. Le système est basé sur le pâturage avec un niveau d’étable correct (8 600 kg/VL/an), un coût alimentaire raisonné (maximum 80 €/1 000 l) et un parc de matériel adapté. Les vêlages sont groupés à l’automne pour avoir le pic de lactation lorsque les vaches sont en bâtiment et qu’elles reçoivent des concentrés afin de limiter les coûts. Dès le mois de février, les bêtes repartent à l’herbe. Un schéma qui fonctionne et que Sébastien a bien l’intention de poursuivre. « Le système se rapproche du bio sans en avoir les contraintes. Je préfère du conventionnel qui fonctionne plutôt que du lait bio dans lequel j’ai des doutes sur la capacité du consommateur à y mettre le prix », résume celui qui a passé six ans dans la grande distribution.
Un élevage bien équipé
Points forts de l’exploitation aux yeux de Sébastien : « Il n’y a pas d’investissement en bâtiments et matériels à faire. » La salle de traite date de 1963, mais elle a été régulièrement aménagée passant de 2 × 4 en 2 × 6, puis 2 × 8, pour finir en 2 × 10 double équipement. Les stabulations des vaches et génisses ont été agrandies au fil de l’évolution. En 2015, Étienne a réinvesti dans la couverture de la fumière, la construction de nouveaux silos et d’une fosse.
Le contrat de parrainage a été signé en février 2020. Six mois plus tard, Sébastien, sa femme et ses deux enfants ont intégré la maison de la ferme pour une transition en douceur. Étienne et Brigitte habitent dans la ville voisine.
Pour la reprise, cédants et repreneur ont trouvé un terrain d’entente équitable. « J’ai fait en sorte que Sébastien s’installe comme si c’était l’un de mes enfants », conclut Étienne Jouffe.
Isabelle Lejas
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