Rémunérer la conservation des sols
Fabien Driat a généré près de 667 certificats carbone en deux ans sur son exploitation. Réduction du travail du sol, couverts et allongement de la rotation sont les bases de son système de grandes cultures, stockeur net.
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Fabien Driat produit des grandes cultures sur 305 ha à Jessains, dans l’Aube. Il a engagé son exploitation dans un programme de rémunération carbone avec Soil Capital, en excluant les surfaces en prairies permanentes et les jachères.
« Cela faisait longtemps que j’étais à la recherche d’une démarche qui rémunère les bienfaits que l’on apporte à la société, explique-t-il. En augmentant le taux de matière organique dans mes sols, je savais que je stockais du carbone. » La souplesse et les garanties que propose la start-up l’ont convaincu. Son premier bilan, réalisé sur la récolte de 2021, a montré qu’il était stockeur net. Cela s’explique par les pratiques progressivement mises en place sur l’exploitation ces dernières années. Ils reprennent les trois piliers de l’agriculture de conservation des sols (ACS).
Semis direct sous couvert
D’abord, l’arrêt du labour en 2001. « Le travail du sol est synonyme de minéralisation de la matière organique, et d’émissions de gaz à effet de serre », indique-t-il. Ensuite, l’allongement de la rotation, passant de l’enchaînement colza/blé/orge d’hiver à plus de diversité. Le cycle s’étale désormais sur cinq ans : colza associé à des légumineuses implanté en semis direct (SD) ; blé en SD ; orge d’hiver ou de printemps en SD ; pois de printemps, lentille, féverole ou soja ; blé en SD.
Enfin, et surtout, « le couvert est le moyen le plus efficace pour rendre une culture stockeuse », estime-t-il. Leur mise en place en interculture permet d’augmenter la biomasse produite sur un cycle, donc le carbone stocké dans le sol. Entre chaque culture chez Fabien Driat, le sol est couvert avec des repousses (colza), des mélanges multi-espèces, ou du sarrasin en dérobée. Les couverts sont aussi une bonne occasion de mettre en place des légumineuses. Qu’elles soient implantées en cultures principales ou en interculture, « elles ont un impact positif sur le bilan carbone », appuie l’agriculteur. La fertilisation azotée est en effet l’un des principaux postes d’émissions. Autre levier favorable : la réalisation d’apports organiques, moins émetteurs que des apports minéraux.
« La rémunération n’est pas l’objectif premier, mais une conséquence. »
En 2021, Fabien Driat a généré 242,5 certificats carbone (2). 193 d’entre eux ont été valorisés en moyenne à 32,95 €, pour un total de 6 359,35 €. Le reste des certificats (20 % du total) est mis « en réserve » par Soil Capital : ils ne seront valorisés qu’au bout de dix ans. Étant stockeur net dès le premier diagnostic, le calcul des certificats émis est réalisé par rapport à la base de référence régionale. « La rémunération du carbone n’est pas l’objectif premier, mais une conséquence des pratiques », juge Fabien Driat.
Conversion en bio
Pour la seconde année du programme, qui concerne la récolte de 2022, le bilan a évolué pour plusieurs cultures. Blé, orge de printemps et orge d’hiver sont ainsi devenus stockeurs nets, alors qu’ils émettaient auparavant plus qu’ils ne stockaient. « Davantage de biomasse a été produite grâce à des couverts en plus avant le blé et l’orge de printemps, explique Fabien Driat. Leur mise en place n’avait pas été possible durant l’été 2020, qui avait été très sec. Cela représente 1 t CO2e/ha stockée en plus. L’orge d’hiver, conduite en bio, a produit moins de biomasse mais n’a pas nécessité d’apport d’azote. » En effet, l’exploitation a entamé un processus de conversion en agriculture biologique durant l’année 2022. Pour les autres cultures (colza, pois, féverole, lentille), le bilan est resté relativement stable (stockeur net). « Le bilan de 2023 sera intéressant car il reflétera une production totalement bio », relève Fabien Driat, qui a « bon espoir » de constater une amélioration. Il s’interroge toutefois sur le maintien du bio si le labour redevient obligatoire.
Finalement, le bilan global s’est amélioré : 424,32 certificats générés en 2022, dont 338 qui seront commercialisés à 27,5 € au minimum (soit un versement de 9 295 € au minimum). Il est à noter que les diagnostics, à réaliser chaque année, coûtent 980 € à la charge de l’agriculteur.
Aujourd’hui, la rémunération carbone se chiffre en moyenne à environ 40 €/ha. « Avec la conversion en bio, j’ai bon espoir d’atteindre 80 à 100 €/ha », estime l’agriculteur, qui a prévu d’intégrer des légumineuses pérennes (luzernes et du trèfle) dans sa nouvelle rotation. Dans l’hypothèse d’un marché du carbone plus mature, Fabien Driat se plaît à imaginer un système intermédiaire entre le conventionnel et le bio : une baisse de rendement modérée serait compensée par la rémunération carbone.
(1) Méthode d’estimation des éléments restitués par les cultures intermédiaires. (2) Un certificat correspond à 1 tonne d’équivalent CO2, ou 1 tCO2e.
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