Bio : une hausse des surfaces pourrait pénaliser les pays pauvres
L’augmentation de la surface de certaines productions en agriculture biologique serait favorable à la hausse du coût alimentaire dans les pays pauvres. C’est ce que conclut une étude de l’université UC Davis en Californie.
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Malgré des années plus difficiles, l’expansion des surfaces en bio reste un objectif important des politiques agricoles des pays développés, en particulier en Europe. Pour essayer de comprendre l’impact d’une augmentation importante de la sole en bio de certaines productions sur le pouvoir d’achat des populations, une équipe de chercheurs de l’Université UC Davis en Californie a publié une étude dans le journal scientifique European Review of Agricultural Economics.
Une hausse des prix du conventionnel
La première conclusion des chercheurs est qu’à un certain niveau, une hausse significative des surfaces en bio dans les pays riches aurait des répercussions négatives pour les consommateurs des pays pauvres. « Même si les consommateurs des pays riches peuvent trouver des bénéfices à une augmentation de la part des terres agricoles biologiques, les consommateurs des pays pauvres seraient probablement confrontés à des prix plus élevés des denrées alimentaires conventionnelles », analysent-ils.
Pour arriver à ce constat, l’étude s’est arrêtée sur le riz, le maïs, le soja et le blé pour ensuite modéliser une multiplication de leurs surfaces en bio. Résultat, si la part totale de ces cultures en bio augmente entre 3 et 15 % dans les pays riches, les pays pauvres pourraient subir une augmentation des prix alimentaires pouvant atteindre 6,3 %. Toujours du côté des chiffres, il faudrait, selon l’étude, une hausse de 3 % des surfaces cultivées totales dans le monde pour ne pas affecter les prix dans les pays pauvres, ce qui paraît difficile. Les chercheurs offrent toutefois une piste pour résoudre cette équation. Pour parvenir à augmenter la surface en bio en contenant les hausses de prix, il faut « des réductions significatives du gaspillage alimentaire et de la consommation de protéines animales », précisent-ils.
Les auteurs de l’étude relèvent par ailleurs que les politiques poussant à l’augmentation de la production en agriculture biologique reposent d’abord sur des considérations environnementales, non sans y apporter un jugement. « Les allégations environnementales elles-mêmes sont à la fois incertaines et controversées », estiment-ils, regrettant que « de tels débats ignorent généralement les impacts de l’expansion de la production d’aliments biologiques sur la production alimentaire totale en raison de leurs coûts unitaires plus élevés et/ou de leurs rendements inférieurs ».
Prudence dans la lecture
Interrogée par La France Agricole, Cécile Détang-Dessendre, directrice de recherche à l’Inrae, s’est elle aussi penchée sur l’étude en y apportant quelques précisions, notamment sur la controverse environnementale évoquée par les auteurs. « Il est vrai que sur la question des gaz à effet de serre, il y aura encore un débat tant que les rendements en bio sont notoirement plus faibles. En revanche, sur la qualité des eaux et la biodiversité, les preuves sont faites que l’agriculture biologique est favorable », insiste-t-elle.
Pour le volet économique, elle porte attention sur la nature même de l’étude. « Ce qu’il faut retenir de ces exercices de modélisation, ce sont les mécanismes, mais il faut juste faire attention à ce qu’on leur fait dire. L’étude montre que si les politiques ne concernent que la production agricole, sans viser la transformation de la consommation, les mécanismes de prix vont être importants pour les pays pauvres. Mais il ne s’agit que des mécanismes, pas des ampleurs », explique-t-elle.
Les auteurs admettent en outre que cette étude ne s’est pas penchée sur les cas particuliers de chaque pays, les englobant tous par des critères strictement économiques, ce qui peut être une limite. « Une hétérogénéité importante demeure, tant en termes de productivité agricole que de modes de consommation », tempèrent les chercheurs dans l’étude.
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