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Le jour où... « J'ai perdu la moitié de mon troupeau »

Alain Charbonneau, 62 ans, éleveur laitier dans le Maine-et-Loire

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« En 2013, comme chaque année, nous avons fait installer un silo boudin de triticale, dans une parcelle, près de la stabulation. Après l'intervention de l'ETA, lundi 19 août, nous avons vu que la bâche s'était étirée. À la fin du chantier, l'entrepreneur a mis du scotch, et j'ai complété le mercredi.

Le dimanche suivant, j'aperçois des fissures qui laissent couler le triticale. Il fait trop humide pour réparer la bâche, je reporte donc l'opération au lendemain, et sors mes vaches dans une pâture à côté. Vers 18 h, je reviens pour la traite. Les bêtes ont arraché la clôture, et sont en train de manger l'ensilage. J'ai appelé le vétérinaire, qui les a traitées immédiatement.

Mais, jour après jour, les vaches mourraient : 26 au total, soit la moitié du troupeau laitier. Seules quatre bêtes ont survécu. La perte des animaux a été très dure. Quelques mois plus tard, voyant mon troupeau affolé par des biches, j'ai compris que celui-ci avait certainement eu peur ce jour-là et qu'il s'était jeté dans les fils de la clôture. 

80 000 € de pertes

On a passé un temps fou à estimer précisément les pertes : environ 80 000 €. La pile des documents liés au sinistre était si haute que la voir me tordait les boyaux. Rapidement, nous avons acheté des bêtes, pour traire au plus tôt. L'assurance ne nous a pas du tout aidés. Nous avons essayé de faire reconnaître la faute de l'entrepreneur au tribunal.

« Voir la pile de documents liés au sinistre me tordait les boyaux »

Il s'était éloigné pour téléphoner pendant la pose du silo, sans surveiller l'avancée des travaux. Or celui-ci était installé trop près de la raie de charrue : il a glissé dedans, ce qui avait entraîné l'étirement de la bâche, puis les déchirures. On a perdu : les magistrats ont jugé que nous n'avions pas su éviter la divagation des animaux, tout en reconnaissant que l'entrepreneur aurait dû être plus attentif.

Nous n'avons rien touché, et la procédure a duré quatre ans. Aujourd'hui, les gens m'en parlent encore. Heureusement que notre ferme était solide financièrement, on a tenu le choc. Mais je suis encore en colère. J'avais besoin d'en parler. Alors, j'ai écrit un livre, intitulé Prudence, qui relate cette histoire. Je reste marqué par cet évènement».

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