Dégâts de sangliers Exaspérés, des producteurs retournent une pelouse à Paris
Dénonçant l’inaction du gouvernement sur le sujet sanglier, une vingtaine d’exploitants de la Confédération paysanne, déguisés en sangliers, sont venus piocher la pelouse des Invalides.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Le soleil brille à Paris, des touristes en t-shirt et des cadres en costume profitent du beau temps pour déjeuner sur la belle pelouse du centre de la capitale. Soudain, débarquant de l’ombre des tilleuls, une horde de sangliers fonce sur eux en grognant.
La Confédération paysanne a frappé : au pied du dôme des Invalides, déguisés sous leurs masques de sanglier, une quinzaine d’exploitants se mettent alors à retourner le gazon. « C’est symbolique, explique Laurent Pinatel, porte-parole du syndicat. On veut illustrer ce que les paysans et les paysannes vivent au quotidien. »
Après chaque coup de pioche, les exploitants plantent un panneau : Haute-Saône – 425 643 €, Vienne – 295 638 €, Oise – 702 900 €. L’addition des dégâts de sanglier, d’après les chiffres de 2016, est salée pour de nombreux départements.
Ras-le-bol
« On veut que l’État prenne les choses en main, estime Gilles Delaunay, agriculteur dans l’Orne. Dans mon département, on est à 800 000 € de dégâts. » Parce que les dommages n’ont atteint que 800 € dans ses parcelles, il n’a pas pu être indemnisé cette année. « Pourtant, je ne peux plus faucher certaines prairies, au risque de ramener la terre dans les fourrages. » Le problème, pour lui, se trouve du côté des chasseurs.
Guy-Loup Botter, exploitant en allaitant dans le Haut-Rhin, partage ce constat. « Chez nous, les sangliers et les cerfs sont un fléau. » La sécheresse, cet été, a brûlé ses prairies. Et, quand elles ont recommencé à pousser à l’automne, les cerfs les ont labourés. Lui aussi martèle les revendications de la Confédération paysanne concernant le grand gibier : arrêter l’agrainage et augmenter le nombre de bracelets.
Plus d’action, et plus de place pour la Conf’
À quelques pas de l’Assemblée nationale, ce sont bien les élus que le syndicat souhaite interpeller. « Il nous semble que dans le projet loi de chasse et dans la mission parlementaire à venir, explique Laurent Pinatel, il faut prendre en compte les dégâts réels dans les fermes. »
Pour lui, le gouvernement doit par ailleurs jouer le rôle d’arbitre. « L’Etat doit demander à la fédération nationale de chasseur de diminuer la population, la pression de ces dégâts n’est plus tenable. » Si la situation actuelle perdure, prévoit-il, « les relations entre chasseurs et agriculteurs vont être catastrophique ».
Selon le porte-parole, cette action n’a pas de rapport direct avec les élections à venir dans les chambres. « On avait écrit une lettre à Emmanuel Macron au début de juillet, qui n’a pas été prise en compte. » La Confédération paysanne rappelle à cette occasion qu’elle aimerait être présente plus systématiquement dans les instances qui évaluent les dégâts de gibier.
Soutien des élus
Plusieurs députés ont fait le déplacement pour rencontrer les exploitants. Alain Perea (La République en marche), élu de l’Aude, prend le micro pour annoncer une mission parlementaire sur le sujet, qui sera lancée par le Premier ministre lui-même. Dans la foule, l’annonce ne convainc pas. « Trente ans qu’on nous promet des résultats, dénonce un exploitant sceptique, mais on n’a toujours rien. »
Pour Hervé Saulignac (PS), député de l’Ardèche, « le gouvernement n’a pas pris la mesure de ce qui se passe sur le terrain, ni de ce qui peut se passer dans les années à venir ». Dans sa circonscription, confie-t-il, la fédération des chasseurs condamne l’agrainage. « Il y a une prise de conscience, et les responsables locaux admettent qu’ils sont dépassés par le phénomène. » Des sujets délicats, comme la stérilisation et le piégeage massif, doivent être selon lui mis sur la table.
Chez tous les exploitants présents, le constat est le même : les annonces gouvernementales du début de septembre ne suffisent pas. Après une première réunion, les travaux du comité sont restés dans l’ombre, une discrétion dont le syndicat ne veut pas se contenter.
Ivan LogvenoffPour accéder à l'ensembles nos offres :