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Installation « Les banques doivent nous faire confiance »

Son installation, prévue le 1er janvier 2018, à Chevincourt, dans l’Oise, est compromise. « La banque vient de refuser mon prêt », témoigne Alexandre Gibault.

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« J’ai 25 ans. J’ai été élevé par des agriculteurs qui m’ont tout appris. Et aujourd’hui, je veux m’installer. »

La carrure aussi forte que ses convictions, Alexandre Gibault rêve de devenir agriculteur depuis qu’il est tout petit. Mais s’il a été élevé sur une ferme du Pays basque, ses parents ne sont pas issus du milieu agricole. « Forcément, c’est plus dur pour nous qui ne venons pas du milieu. Mais, moi, j’ai quand même eu de la chance. »

Une rencontre, il y a quelques années, a fait basculer sa vie : « Un agriculteur très sympa de l’Oise m’a pris sous son aile. Il m’a appris le métier des vaches à viande, il est spécialisé en charolaises. Mais, désormais, il s’apprête à partir à la retraite. » Depuis trois ans, ils préparent ensemble la transmission de l’exploitation. « Anticiper, c’est très important. Il faut se préparer longtemps à l’avance », rappelle au passage Alexandre, dont la date d’installation a été fixée au 1er janvier 2018.

« Les cours de la viande doivent remonter »

Seulement, malgré toutes les précautions prises, entre les deux parties, ça n’a pas suffi : « La banque m’a annoncé il y a deux jours qu’elle refusait ma demande de prêt. Et mon installation est aujourd’hui compromise. » En cause : la surface de son exploitation, selon lui. « On fait de la polyculture-élevage sur 72 hectares. Aujourd’hui, le plus gros poste du revenu émane de l’élevage. Mais s’il me permet de dégager un salaire, c’est à peine un Smic : environ 750 euros par mois. Ça n’est pas suffisant pour la banque… Pour moi non plus. Mais pour pouvoir m’installer, j’aurais besoin que les cours de la viande remontent. »

La rentabilité en jeu

« Trop de risque ! », lui a en effet rétorqué sa banque. « Mais moi, je n’ai pas le choix ; je vais malheureusement demander à une autre. Les banques n’ont plus confiance. Pourtant, il faut bien nous aider. Le pire est que le problème, ce n’est pas le coût, puisque mon cédant me transmet notamment ses terres bien en deçà du prix moyen à l’hectare de la région… Non, le problème, c’est le risque. »

 

 

L’AVIS DU CENTRE DE GESTION

Philippe Mahieux, du CER France 60. © R. Aries/GFA

Il est plus compliqué d’avoir des prêts aujourd’hui, parce que les montants de cession des exploitations ont augmenté. Sur la région où une forte demande existe, les prix de cession du foncier notamment, autrefois à 5 000 €/ha, tournent plutôt autour de 8 000-10 000 €/ha. Cela nécessite de fait de l’autofinancement. Car les prêts bancaires sont, quant à eux, restés au même niveau globalement. Le problème est là.

Quand le prix n’est pas en jeu, l’étude économique est déterminante. Quand un plan d’entreprise ne garantit pas un revenu, les banques ont besoin de plus garanties, elles demandent aux jeunes plus d’autofinancement. Et si le projet n’est pas suffisamment viable, le jeune doit regarder s’il n’existe pas un moyen de faire autrement, par exemple de créer une autre activité… S’il fait de la viande, passe-t-il en direct ? etc. La question est : quelle valeur est-il possible d’ajouter ? Il faut rendre son projet viable.

Le conseil : Il faut garder une sécurité qui s’appuie sur le ratio annuités/EBE (excédent brut d’exploitation). Dans la mesure du possible, si on est entre 30 et 40 % c’est mieux. Parce que dans le cas où les prix baissent, on a quand même une garantie. Si le projet affiche un rapport annuités/EBE de 50 à 60 %, cela signifie qu’il y a trop d’endettement par rapport à la perspective de rentabilité. Et cela, c’est un problème. Il faut être vigilant sur la notion de rentabilité.

 

 

L’AVIS DU BANQUIER

Il est important d’anticiper toutes les zones d’incertitude. Le banquier va être attentif à la capacité du jeune à piloter son projet. C’est plus difficile à évaluer dans le cas d’une transmission familiale, lorsque les parents sont très présents, la réalité du chef d’entreprise est plus difficile à percevoir. Mais si le banquier s’intéresse aux dossiers, c’est l’homme, derrière le projet, qui l’intéresse d’autant plus. Et même avec un dossier mal ficelé, celui qui a des convictions peut être déterminant. Il faut persévérer.

Le conseil : le banquier ne doit pas être consulté au dernier moment, une fois le projet arrêté. L’anticipation permet d’être gagnant. Il est préférable pour tout porteur de projet d’associer très en amont le banquier et le conseiller de gestion.

Rosanne Aries

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