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Du foie gras « cellulaire », sans canards ni oies

À l’instar des steaks de bœuf in vitro, une entreprise française veut mettre au point un foie gras garanti « sans gavage et sans abattage ».

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En décembre 2018, le site internet Meet Supreme (1), tout juste mis en ligne, crée la surprise en promettant un foie gras éthique, sans gavage ni abattage. Nicolas Morin-Forest, cofondateur de la start-up expliquait dans les colonnes du quotidien Libération, en février dernier : « On a créé le site au moment des fêtes, pour voir si le sujet suscitait de l’intérêt. »

Prélèvement dans l’œuf

Et ce fut le cas. Avec les nombreux mouvements et associations militant pour la fin de toute activité d’élevage, la viande produite en laboratoire suscite de l’intérêt, mais aussi des interrogations. Notamment sur les techniques utilisées pour la cultiver.

Dans le cas de notre foie gras, quelques cellules sont extraites d’un œuf de cane. Prélevées avant le développement de l’animal, elles sont encore indifférenciées. Elles sont mises en culture, avec des nutriments précisément choisis pour leur multiplication et leur différenciation en cellules de foie gras.

Jusqu’à présent, les entreprises travaillant sur la viande in vitro se concentraient essentiellement sur la reproduction de steak ou de burgers, même si certaines développent des saucisses ou des boulettes de viande.

Un produit tartinable est-il plus facile à produire qu’un steak ? « Le muscle est un tissu complexe par rapport au foie, mais la question qu’il faut se poser est celle de l’efficacité de multiplication des cellules, que ce soit pour le foie ou le muscle », précise Jean-François Hocquette, directeur de recherche à l’Inra.

Le leitmotiv est le même que pour toutes les autres initiatives de viande cellulaire : pas d’abattage ni de souffrance animale, réduction des gaz à effet de serre et de l’eau utilisée…

L’entreprise affirme n’avoir recours ni aux antibiotiques, ni au sérum bovin, ni à aucun autre produit d’origine animale.

La viande in vitro, un mirage ?

Mais la viande produite en laboratoire présente des limites. « Pour cultiver les cellules correctement, il faut leur apporter des hormones et des facteurs de croissance, ainsi que des nutriments, souligne le chercheur. Comme chez l’animal qui, lui, produit ses propres hormones pour sa croissance du foie ou du muscle. Que ce soit le muscle ou le foie, le fait que ce procédé de culture cellulaire puisse garantir la sécurité alimentaire n’est pas certain. » À terme, rien ne garantit une commercialisation de ces produits, qui nécessitent une autorisation de mise sur le marché. L’apport d’hormones est interdit pour l’élevage conventionnel. Il serait donc logique qu’il le soit aussi pour les cultures de cellules.

La start-up est, pour l’instant, en phase de recherche et développement. Elle ne communique plus sur le sujet dernièrement, attendant « d’avoir une première version de notre produit à montrer dans les prochains mois », explique Nicolas Morin-Forest. Il faudra donc encore patienter pour savoir si, côté goût, il tient ses promesses.

Léna Hespel

(1) Depuis, l’entreprise a changé son nom pour Gourmey.

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