Captages De la dénonciation aux négociations : France Captages poursuit la lutte
Pour sa cinquième réunion nationale, la fédération France Captages avait convié ses adhérents à découvrir un cas d’école autour du captage de Sidiailles, dans le Cher.
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C’est à Sidiailles, dans le Cher, que France Captages avait donné rendez-vous le 22 juin 2017 à ses adhérents pour souffler ces cinq bougies. Un lieu hautement symbolique. « Ici, vous allez constater ce que la puissance publique peut faire dans un captage d’eau potable », a lancé en préambule Jean-Pierre Lerude, agriculteur à la tête de l’association locale « Cydéalia eau et vie pour l’avenir ». De la pointe du Finistère à la campagne mosellane, une soixantaine d’adhérents ou sympathisants, agriculteurs pour la plupart, avaient fait le déplacement.
Pour la Fédération d’associations de propriétaires et exploitants riverains de captages d’eau potable, Sidiailles est un cas d’école. Désigné comme bassin pilote pour les MAET en 2005 et considéré comme exemplaire pour la qualité de ses eaux, le plan d’eau a connu des péripéties juridiques. Son aire d’alimentation s’étend sur 16 000 ha, dont 1 000 ha en périmètre rapproché et 300 en périmètre rapproché renforcé… avant que l’arrêté délimitant ces aires ne soit cassé par une décision de justice, sur requête de Cydéalia et de la commune de Sidiailles (dont Florence Lerude, l’épouse de Jean-Pierre, est maire).
Irrégularités de procédure
En cause : des irrégularités de procédure, notamment dans l’organisation de l’enquête publique, et des périmètres visiblement surdimensionnés. Une autre victoire a été gagnée par les agriculteurs locaux lorsqu’ils ont réussi à faire exclure la commune des zones vulnérables, démontrant que la teneur en nitrates était largement en dessous des seuils. Mais l’épée de Damoclès reste là, puisque de nouveaux périmètres vont forcément être dessinés autour du plan d’eau, qui, en plus d’être une source d’alimentation en eau potable, est une aire de baignade prévue pour accueillir 50 000 à 70 000 touristes.
« France Captages et Cydéalia ne contestent pas la légitimité des périmètres de captage mais veulent remettre de la science dans les débats, et que le travail de chacun soit respecté », martèle Jean-Pierre Lerude. Qui se demande où est la science quand une station d’épuration à base de filtres plantés de roseaux – au coût exorbitant – est implantée à moins de 35 m du plan d’eau ? Et quand l’ouverture d’un snack est autorisée au bord du plan d’eau sans prétraitement de ses effluents ?
« Mépris d’une petite poignée d’administratifs »
Difficile à supporter, pour des agriculteurs à qui on interdit d’épandre leurs effluents et de faire hiverner leurs animaux en périmètre rapproché renforcé, et qui doivent consulter un architecte des bâtiments de France pour installer une simple clôture, la zone étant classée « zone naturelle sensible »… Difficile également pour les particuliers qui, pour construire un petit abri de jardin, doivent demander l’avis d’un hydrogéologue agréé… Difficile aussi pour la maire de Sidiailles, qui endossera la responsabilité en cas de problème sanitaire,… mais qui n’a pas été consultée – pas plus que le syndicat d’eaux ! Elle note au passage que pour la station d’épuration, elle n’a vu « ni architecte, ni hydrogéologue agréé »…
Ce « mépris d’une petite poignée d’administratifs » fait « mal aux tripes » à Jean-Pierre Lerude, qui lance : « Soyons plus intelligents qu’eux ! » À peine a-t-il fini de parler qu’un camion venu chercher des poubelles passe sur la route, en toute légalité, à quelques mètres du plan d’eau… Deux poids, deux mesures disait-on ?
La question cruciale de la compensation du préjudice
Des périmètres de captage biscornus, beaucoup d’agriculteurs présents lors de cette rencontre pouvaient en parler. Mais l’instauration de périmètres de protection, en elle-même, est légitime. Alors quand le périmètre n’est pas contestable se pose la question cruciale de la compensation du préjudice. France Captages invite ses adhérents à se rapprocher d’avocats ayant l’habitude des recours administratifs mais aussi des négociations en matière d’expropriation, comme Emmeline Plets Duguet, venue intervenir sur la question des indemnisations. « Lorsqu’un périmètre impose des contraintes, le propriétaire et l’exploitant doivent tous deux être indemnisés à hauteur du préjudice subi », martèle la juriste. Elle conseille « de faire un recours gracieux avant un recours contentieux, ne serait-ce que pour gagner du temps ».
Ne pas rester isolé
Quelle que soit leur situation, les propriétaires ou exploitants concernés par un périmètre de captage ont tout intérêt à ne pas rester isolés. C’est ainsi que la fédération France Captages, née il y a cinq ans du rapprochement entre Cydéalia et C.A.P.T.A.G.E.S. 14, dans le Calvados, a fait des petits au fil des ans.
Outre les associations constituées localement autour de captages, elle accepte l’adhésion d’agriculteurs isolés. Entre deux coups de gueule, la réunion annuelle permet d’ailleurs d’annoncer quelques bonnes nouvelles pour redonner espoir. Ainsi, dans le fief de la présidente Clothilde Hareau (Calvados), un accord est en train de se dessiner sur des protocoles d’indemnisation pérennes, via l’attribution de foncier supplémentaire aux exploitants impactés par des servitudes. Et Jo, en Bretagne, est moins ennuyé par l’Administration depuis qu’il a « mis le dossier sur la place publique ».
Rendez-vous dans un an pour la suite du feuilleton…
Bérengère Lafeuille
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