Compétitivité « Il faut laisser les concentrations se faire »
Dans une étude présentée le 21 mars 2018, l’économiste Nicolas Bouzou appelle à une concentration des acteurs de l’amont agricole pour répondre aux défis du XXIe siècle.
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« Sur quasi tous les secteurs de haute technologie, l’Europe a un retard irrattrapable. Mais en ce qui concerne les hautes technologies agricoles, on a peut-être encore une carte à jouer », a soutenu l’économiste Nicolas Bouzou lors d’une conférence organisée à Paris, le 21 mars 2018 au cercle de réflexion agriDées (ex-Saf). Il présentait une étude de son cabinet Asterès, prônant la concentration des acteurs de l’amont agricole, seule stratégie valable, selon lui, pour rester compétitif sur le marché des innovations.
« Les exploitations doivent continuer de se regrouper »
Pour Nicolas Bouzou, les nouvelles technologies sont une réponse au double défi alimentaire et environnemental, mais les investissements à prévoir sont lourds. « Tous les maillons de la chaîne de valeur – industriels, semenciers, coopératives, agriculteurs eux-mêmes, etc. – vont devoir investir beaucoup, beaucoup d’argent dans les prochaines années », prévient-il.
Du côté des agriculteurs, une seule solution est avancée : « Les exploitations doivent continuer de se regrouper. » Malgré des études contraires, en particulier en élevage, l’étude maintient que « les agriculteurs qui ont pu s’agrandir ont dégagé les économies d’échelle nécessaires à la poursuite et à la modernisation de leurs entreprises ».
« Dans l’agrochimie, on est déjà sur des oligopoles »
Même schéma pour les coopératives : « Ce sont des réseaux, et le propre des effets de réseaux, c’est que plus vous êtes gros, plus vous attirez de nouveaux acteurs, note Nicolas Bouzou. Cet effet boule de neige incite les coopératives à grossir. » Idem chez les semenciers, où les technologies génétiques demandent « des capacités de traitement absolument extraordinaire » et, donc, beaucoup d’argent. « On a besoin d’avoir des acteurs importants, sinon on va tout simplement sortir de ce type de marché », insiste fortement l’économiste.
Il poursuit son raisonnement : « Dans l’agrochimie, il n’y a plus beaucoup de gros acteurs. Ceux qui font plus de la moitié du marché mondial doivent être 6 ou 7. On est déjà sur des oligopoles. » Une situation qu’il estime tout à fait « normale ». « Ce qui serait dommageable, c’est qu’il n’y en ait pas d’acteurs européens. »
Le jour de Bayer
Il juge à ce propos la politique de la concurrence européenne dépassée. « Elle est restée sur un paradigme qui est celui de l’économie du XXe siècle : la concurrence libre et parfaite, c’est-à-dire l’idée selon laquelle plus il y a d’acteurs et plus ils sont petits, mieux c’est. C’est beaucoup moins valable aujourd’hui car on a besoin d’avoir des acteurs aux capacités d’investissement très importantes. »
Fini l’atomisation des acteurs, les temps seraient donc aux marchés oligopolistiques. Il faut croire que la position a été entendue à Bruxelles, puisque ce même 21 mars 2018, la Commission européenne a approuvé, sous conditions, le projet d’acquisition de Monsanto par Bayer. Le géant Bayer qui se trouve être, par ailleurs, le principal soutien financier de l’étude portée par Nicolas Bouzou.
Alain Cardinaux
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