Le jour où… « J’ai affirmé mon homosexualité »
Olivier Guitel, céréalier dans les Yvelines, 52 ans.
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«Pendant quarante ans, je n’ai pas reconnu mon homosexualité. Elle était là, tapie, cachée sous le couvercle de la honte. Le jour où j’ai décidé de l’annoncer est l’aboutissement d’un processus.
Adolescent dans les années quatre-vingt, l’homosexualité avait une connotation si négative pour moi que je ne pouvais même pas me l’avouer à moi-même. Pourtant, les quolibets tels « Oh, la tantouze ! » étaient fréquents au collège. J’en étais terrorisé, de même que des bousculades violentes. Je n’osais pas en parler à mes parents agriculteurs. J’avais honte, je me sentais bon à rien, incapable. Contre toute attente, mon passage au lycée agricole fut plus tranquille. J’y ai découvert les cours de théâtre avec un réel plaisir.
Quand je me suis installé agriculteur, pour correspondre aux attentes parentales, je n’admettais toujours pas ma différence. Je me sentais enterré vivant. Je me suis marié, avec une femme que j’aimais, et j’ai eu un enfant. C’est à 40 ans, au cours d’un stage de clown thérapie, que ce fut une révélation, une évidence. Encouragé à me plonger dans ce que je ressentais, j’ai laissé émerger mes fragilités. Pour la première fois, je reconnaissais mon homosexualité. Je me suis aperçu que je trompais tout le monde, y compris moi-même.
Mon épouse, en qui j’ai une très grande confiance, fut la première personne à qui j’en ai parlé. Puis je l’ai dit à mes proches. Je ressentais une grande libération. Ma mère a accusé la nouvelle, n’osant sortir de la ferme pendant deux semaines, pour s’apercevoir ensuite que les voisins ne voyaient pas cela comme un problème. Finalement, le monde agricole est bienveillant et plus tolérant que l’on croit. Mon salarié m’a soutenu, touché de ma confiance.
Il fallait que cela explose
Je me suis fait accompagner pendant un an par un psychologue. J’ai mis fin à mon mal-être. Je suis devenu clown. J’ai failli arrêter la ferme. Mais je l’ai gardée en sous-traitant certains travaux. Je vis avec mon compagnon depuis dix ans. J’ai l’impression d’être en accord avec moi-même, à la bonne place, libéré d’une souffrance. Mon « coming out » est un parcours de vie qui m’a demandé d’être indulgent avec moi-même et de m’accepter tel que je suis, et non comme mes parents m’avaient rêvé. Il y avait urgence à le faire. Il fallait que cela explose, même si l’inconnu me terrorisait.
Propos receuillis par Marie-Pierre Canlo
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