Occitanie (Ariège) Peut-on vivre avec l’ours en montagne ?
L’ours a été réintroduit dans les Pyrénées et s’y reproduit rapidement. Le partage de l’espace avec les troupeaux est difficile.
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Jeune éleveur d’ovins viande, installé depuis 2002 à Saverdun, au pied des Pyrénées, François Marfaing monte chaque année son troupeau sur l’estive d’Auzat, avec cinq de ses collègues. Six cents brebis et trente-cinq vaches se retrouvent ainsi sur 700 ha, surveillées par un berger et par les éleveurs qui montent régulièrement. « Sur les 150 brebis que j’emmène chaque année, je perds habituellement trois à cinq bêtes, raconte-t-il. Mais cet été, ce sont 38 mères qui ont été tuées et une trentaine qui ont avorté. Nous avons retrouvé des cadavres tout l’été. Au début, on ne comprend pas ce qui se passe, les brebis ne veulent plus aller sur certaines zones. Puis on découvre que le Réseau ours brun de l’ONCFS (1), sans nous avoir prévenus, a placé des pièges sur des arbres pour récupérer des poils d’ours, à proximité du lieu où dorment les brebis. Cela attire les plantigrades et ce sont les endroits où l’on déplore le plus d’attaques. »
Statistiques faussées
Pourtant, sur les 38 brebis perdues, seuls deux cadavres ont été attribués à l’ours car, cachés par les arbres, ils étaient suffisamment conservés pour que l’ONCFS confirme une attaque et enclenche l’indemnisation de l’éleveur. Les autres carcasses ont été dépouillées en quelques minutes par les vautours qui n’ont laissé que les os. Pas étonnant, dans ces conditions, que les statistiques des prédations attribuées aux plantigrades restent basses !
« On a voulu réintroduire l’ours dans les Pyrénées, mais on n’a pas mis en place de mesures pour estimer les dégâts, poursuit l’éleveur. Même lorsque les gardes-chasses font une journée d’expertise, ils n’ont pas le temps de voir toutes les brebis. Tout prend du temps en montagne, il faut marcher, contourner… Le système de contrôle et d’indemnisation n’est pas adapté. On nous dit qu’il faut parquer les brebis, mais les fortes concentrations entraînent des maladies. Les bêtes doivent pouvoir se déplacer, s’abriter s’il pleut, se coucher où elles veulent. Quant à l’idée de les enfermer la nuit, cela ne résout pas tout car l’ours ne chasse pas que la nuit. »
François Marfaing produit en contre-saison, pour éviter le pic d’agnelage du printemps et mieux valoriser sa production. Si l’on ajoute les brebis et les agneaux perdus, les mères qui ont avorté et ne mettront bas qu’à Pâques, leurs agneaux vendus moins cher et le cheptel à racheter, il aura perdu 30 000 € de chiffre d’affaires cette année. « Mais le plus dur, c’est d’être victime et de passer pour un coupable, sous prétexte qu’on surveille mal ses brebis, ajoute-t-il. Les experts qui assurent le suivi de l’ours le défendent, et l’on sent toujours une hostilité à notre égard. Et lorsqu’on pose des questions au ministère, on ne reçoit pas de réponse. C’est à croire que l’État veut supprimer l’élevage en montagne ! »
(1) Office national de la chasse et de la faune sauvage.
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