Filière Quatre défis pour la bio
S’il ne veut pas faire la part belle aux importations, le secteur bio français doit changer de braquet. Tel est l’avis de Coface qui pointe quatre facteurs clés de la mutation : l’innovation, les rendements d’échelle, la concentration de la distribution, et la rémunération par le marché.
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La consommation de produits bio augmente plus vite que l’offre. Au point même d’être limitée par le manque d’approvisionnement au premier semestre de 2017, selon l’Agence bio. Que faire face à cette situation pour ne pas laisser les importations faire leur nid en France ? Changer de dimension, propose un rapport que Coface, spécialiste de l’assurance crédit, publie ce 12 décembre 2017.
« Les contours de cette mutation dépendront largement de quatre facteurs clés : la capacité de la filière à innover, l’accroissement des rendements d’échelle des producteurs, l’évolution de la structure des acteurs de la distribution et celle du financement de la filière entre pérennité des aides publiques ou rémunération par le marché. »
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Innover pour accroître les rendements
Coface souligne que les surfaces cultivées en bio ont des rendements généralement inférieurs au conventionnel. De 19 % à 25 %, avec un écart pouvant dépasser 30 % pour certaines cultures comme celle des céréales. « S’il est souhaitable pour tous les secteurs, le recours à l’innovation s’avère l’être d’autant plus pour la filière bio, afin de compenser ses vulnérabilités en allant davantage vers une agriculture de précision. »
L’expert de l’assurance crédit estime que ce saut technologique ne concerne pas que la production, et qu’il pourrait simplifier la logistique en aval. Il cite en exemple « La Ruche qui dit Oui » « qui favorise les circuits courts, en se passant de l’essentiel des intermédiaires pour rapprocher les consommateurs et les producteurs agricoles ».
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Réaliser des rendements d’échelle
« Si la productivité des exploitations engagées dans l’agriculture biologique a progressé entre 2013 et 2016, […] elle reste nettement inférieure à celle du conventionnel, souligne Coface. Si cette intensité supérieure en facteur travail peut être positive, car synonyme de davantage de créations d’emplois, […] elle représente également un défi pour sa rentabilité. »
Que proposent les rapporteurs ? D’augmenter les rendements des exploitations pour accompagner la croissance de la demande. C’est même un « un enjeu crucial » de leur point de vue. Mais pour eux, cette capacité d’accroître l’offre locale de produits bio ne passe pas uniquement par une augmentation des conversions. Ils estiment également nécessaire d’augmenter la taille des exploitations.
« Malgré la réticence d’une partie des acteurs craignant que [la bio] ne soit dénaturée par une industrialisation excessive de la production, l’agrandissement des exploitations semble inévitable en raison de la nouvelle dimension de la filière. » Avec à la clé des économies d’échelle, moins de « risques de résidus de produits chimiques des surfaces environnantes ».
Selon Coface, ces agrandissements assureraient aussi un gain en matière de logistique. « La filière pâtit également d’un relatif manque de structuration, inhérent à un jeune secteur, malgré […] quelques initiatives notables », comme celle de Biolait dans le secteur laitier.
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Concentrer le secteur de la distribution
Le rapport part d’un constat : le paysage des distributeurs bio français est diversifié. Et l’essor de ce segment représente « une opportunité que les acteurs conventionnels veulent également saisir ». Autrement dit, la grande distribution qui, présente de longue date sur ce marché, intensifie ses efforts pour conquérir des parts de marché.
Les distributeurs spécialisés tiennent la dragée haute aux enseignes généralistes pour le moment. Mais rien ne permet « d’écarter la possibilité d’une forte percée des principaux groupes français de la grande distribution à moyen terme, tant leur pouvoir sur le marché français est important. » Ils ouvrent aujourd’hui des enseignes 100 % bio, et Carrefour ou Leclerc ne cachent pas leur ambition de devenir leader.
Comment leur faire barrage ? « Face à ce choc possible, les réseaux historiques spécialisés de la distribution bio pourraient se rapprocher de certains acteurs afin de réaliser des économies d’échelle et de répondre de façon coordonnée à la montée en puissance des groupes de la grande distribution. »
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Rémunérer la filière par le marché
Le rapport fait un rappel des aides accordées à l’agriculture biologique (conversion, maintien, crédit d’impôt), et des décisions politiques récentes qui ont bouleversé le paysage. « La question de fond soulevée par ces décisions politiques est le mode de rémunération de l’agriculture biologique et le moment du passage d’un modèle reposant largement sur les aides publiques à un financement par le marché. »
« Le principal argument avancé par le gouvernement et par les organisations soutenant la rémunération de la filière par le marché, comme la FNSEA, est la forte croissance de la demande de produits biologiques. Mais, selon bon nombre d’acteurs du secteur, la rémunération par le marché nécessite que la filière soit mature et solide, sous peine de devenir particulièrement vulnérable aux fluctuations du marché. »
La question de la rentabilité des acteurs de la bio reste centrale dans la mesure où en cas de financement par le marché, il s’agira de compenser les pertes de revenus dues à la suppression des dispositifs publics par une hausse des rendements ou des prix. Et à ce petit jeu-là, même si le consommateur se dit prêt à payer plus cher, il y a des limites. Et le risque de retomber dans la même spirale avec les distributeurs que dans les filières conventionnelles.
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