Relations commerciales Coup de pression sur les indicateurs de prix
Les indicateurs devant servir à la construction des prix seront proposés par les interprofessions. Ainsi le veulent les députés, qui ont adopté un amendement en ce sens le 23 mai 2018.
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Les députés ont adopté dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 mai 2018, l’article premier du projet de loi sur les relations commerciales, destiné à renforcer le rôle des agriculteurs dans la négociation du prix. Au cœur de cet article consacrant l’inversion de la construction du prix, figure l’utilisation d’indicateurs de coûts de production et de prix des marchés. Un sujet qui a animé les débats dans l’Hémicycle, hier. Et pour cause : à la suite de syndicats agricoles, des élus de tout bord se sont inquiétés que la version initiale du texte permettent aux parties d’« utiliser tous indicateurs disponibles ou spécialement construits par elles ».
Proposés par les interprofessions
« Les indicateurs utilisés dans les contrats doivent être neutres et indiscutables, estime le député Grégory Besson-Moreau (LREM). Pour cela, il est essentiel qu’ils proviennent des organisations interprofessionnelles, lieu d’échange et de consensus entre les différents maillons des filières. La loi doit être ferme en ce sens. » L’élu a réussi à faire adopter un amendement en ce sens, empêchant les parties les plus puissantes d’imposer leurs propres indicateurs.
Le texte voté prévoit donc désormais que les indicateurs soient diffusés par les organisations interprofessionnelles. Et, à défaut, par l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) ou FranceAgriMer. Pour le député Marc Fesneau, président du groupe Modem à l’Assemblée, il conviendra « peut-être » de revenir sur cette mesure pour en vérifier la compatibilité avec le droit communautaire…
Contre l’avis du gouvernement et du rapporteur
Le rapporteur Jean-Baptiste Moreau s’est d’ailleurs opposé à cette précision, prétextant un amendement à venir sur le sujet, visant à « permettre aux interprofessions de demander l’avis de l’OFPM pour construire les indicateurs en cas de difficulté. […] En revanche, ces derniers ne pourront en aucun cas être validés par une autorité publique, en vertu de la liberté contractuelle et des missions des interprofessions encadrées par l’OCM, organisation commune des marchés agricoles. Il y va également du principe de responsabilité des opérateurs. Ce serait en effet le meilleur moyen de dédouaner les interprofessions, qui nous expliqueront qu’elles n’arrivent pas à se mettre d’accord et que l’État doit fixer les indicateurs. »
« Par ailleurs, a-t-il ajouté à l’adresse de ses collègues, je voudrais que vous cessiez de penser que Leclerc, ou telle autre entreprise appartenant à la grande distribution ou à l’industrie, pourrait choisir ses indicateurs comme elle l’entend, puisque ceux-ci doivent être validés par les interprofessions. Cela exclut que les indicateurs puissent être définis par un opérateur, au doigt mouillé, en fonction de ses desiderata. » Même avis défavorable pour Stéphane Travert.
« Insuffisant ! »
Dans un communiqué du 24 mai 2018, la Coordination rurale se félicite « de voir son acharnement aboutir à la prise en compte des coûts de production et de leur évolution pour la détermination du prix dans les contrats ». Mais elle tempère : « Cela demeure malheureusement totalement insuffisant face à la réalité du marché et cela ne garantit toujours pas un prix respectant ces coûts de production, ceux-ci ne représentant qu’un critère parmi d’autres ! »
De son côté, le secrétaire général adjoint de la FNSEA, Patrick Bénézit, a salué ce recadrage sur les indicateurs, tout en s’inquiétant de la posture du député Moreau. « Les parlementaires ont très bien réagi. Espérons que cela continue. »
Le député Fesneau note à ce propos que « la partie sera encore plus animée quand nous aborderons le titre II du projet de loi », consacré aux attentes sociétales et environnementales. « Il faudra être vigilant pour trouver un équilibre entre les charges supplémentaires qui en sortiront et les gains issus du titre I, explique-t-il. Or les considérations sociétales traversent tous les groupes de députés, rien n’est garanti en l’espèce ! » Les débats se poursuivront tout le week-end, avant un vote mercredi.
Alain CardinauxPour accéder à l'ensembles nos offres :