Droits de douane Washington enterre la hache de guerre avec Pékin
La Chine et les États-Unis sont parvenus à un accord de principe pour réduire le déficit commercial américain le 20 mai 2018. Ils ont suspendu l’augmentation de leurs droits de douane respectifs, éloignant le spectre d’une guerre commerciale.
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« Nous nous sommes mis d’accord sur un cadre », déclare le secrétaire américain au Commerce Steven Mnuchin, évoquant un accord pour « suspendre les tarifs » douaniers pendant la mise en œuvre de ce cadre. Plus tôt, le vice-Premier ministre chinois Liu He, cité par l’agence officielle Xinhua, a annoncé que « les deux parties ne s’engageront pas dans une guerre commerciale et n’augmenteront pas les droits de douane respectifs ».
Des mois de tensions
Liu He était à Washington pour trouver une issue à ce conflit commercial. Ces déclarations tranchent après des mois de tensions, Donald Trump dénonçant une relation commerciale déséquilibrée, et en particulier le déficit des États-Unis avec la Chine : plus de 375 milliards en 2017 en raison, selon lui, de pratiques commerciales « déloyales », de transferts de technologies « forcés » ou encore de « vol de la propriété intellectuelle » des entreprises américaines.
Depuis la fin de mars, la Chine est frappée de droits de douane sur l’acier et l’aluminium. Elle était également sous la menace de taxes sur 50 milliards de dollars de marchandises qui aurait pu être mise en œuvre dès aujourd’hui. Liu He, qui a notamment rencontré Donald Trump, souligne que cet accord était une « nécessité ». Mais le secrétaire au Trésor précise que si la Chine ne tenait pas ses engagements, le président américain « pouvait toujours décider de remettre en œuvre » ses tarifs.
« Il faut en même temps tenir compte du fait que […] résoudre les problèmes structurels sur les relations économiques et commerciales entre les deux pays prendra du temps », réagit Liu He. Washington et Pékin avaient annoncé samedi avoir trouvé un consensus pour réduire le déficit américain. Pour ce faire, le géant asiatique s’est engagé à augmenter « considérablement » ses achats de marchandises américaines et à ouvrir davantage son marché.
Pas de chiffre
Les deux parties n’ont pas communiqué de montants alors que la Maison Blanche exige une réduction de 200 milliards de dollars de son déficit commercial. Sur ce point, Steven Mnuchin assure qu’il y a des objectifs précis », fixés « industrie par industrie » mais qu’il ne les rendra pas publics. Il insiste sur les engagements chinois pris dans des secteurs importants comme l’agriculture ou l’énergie. « Nous allons faire un suivi immédiatement », assure-t-il.
Ces annonces devraient satisfaire l’administration Trump à l’approche des élections de mi-mandat.
Pékin avait en effet jusqu’alors visé dans ses représailles les produits agricoles, dont le soja, produit dans des États favorables au président républicain. En revanche, les experts estiment que l’administration Trump a finalement obtenu finalement peu de concessions de la Chine, les problèmes de fond étant loin d’être résolus.
« Il est stupéfiant que deux séries de négociations intensives aient abouti au mieux à une trêve temporaire alors que les différences fondamentales sur le commerce et sur d’autres problématiques économiques demeurent irrésolues », réagit Eswar Prasad, spécialiste de la Chine et professeur de politique commerciale à l’Université de Cornell. « C’est au mieux un accord très préliminaire », ajoute Edward Alden, expert en commerce international au Council for Foreign Relations.
L’administration Trump crie victoire
Ces deux spécialistes soulignent que l’administration Trump est encline à crier « victoire » car Pékin a accepté le principe d’une réduction du colossal déficit commercial des États-Unis avec la Chine. Pour autant, tous les observateurs notent l’absence de données chiffrées. « Tout ce qu’ils ont est un vague engagement de la Chine à acheter plus de biens américains », résume Edward Alden, estimant que les États-Unis « n’ont obtenu pour ainsi dire rien ».
« La Chine a accepté d’acheter des quantités massives SUPPLÉMENTAIRES de produits agricoles et fermiers, ce serait l’une des meilleures choses qui puisse arriver à nos agriculteurs depuis de nombreuses années », a twitté Donald Trump. « Le problème n’a jamais été les agriculteurs américains. Les problèmes sont les technologies et l’industrie d’avenir. Clamer victoire sur l’augmentation des exportations agricoles est absurde, ridicule », observe Edward Alden.
Selon lui, l’annonce de ce consensus est à interpréter dans la perspective du sommet prévu avec le dirigeant nord-coréen le 12 juin. La Chine est le principal allié de la Corée du Nord. « Je pense que le sommet à venir est un facteur. La coopération chinoise est très importante pour faire de ce sommet un succès », a-t-il réagi. Finalement, dit-il, ce compromis pourrait refléter « un souhait de ne pas attiser le conflit commercial avec la Chine avant le sommet. »
L’Europe prudente
En Europe, ces annonces ont été fraîchement accueillies alors que l’Union européenne est elle aussi sous la menace de taxes sur l’acier et l’aluminium. « Les États-Unis et la Chine risquent de se mettre d’accord sur le dos de l’Europe si l’Europe n’est pas capable de montrer de la fermeté », prévient Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie. Les États-Unis veulent faire payer à l’Europe et aux pays européens les mauvais comportements de la Chine. Tout ça est totalement aberrant et incompréhensible pour des alliés. »
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