Méthanisation Le ministère temporise les annonces
En visite au Salon de l’agriculture ce lundi, le secrétaire d’État à l’Écologie, Sébastien Lecornu, ne fait pas d’annonce officielle mais indique des pistes pour de futures mesures. Pourtant, les pressions s’accentuent sur la filière.
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Le groupe de travail national sur la méthanisation aboutira-t-il à des propositions ambitieuses ? Il est désormais permis d’en douter. Le ministère de la Transition écologique avait prévu des premières annonces pendant le Salon de l’agriculture, qui dure certes encore six jours, mais Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, est venu ce lundi au parc des expositions de la porte de Versailles, les mains presque vides. Les seules pistes dans les mesures envisagées relèvent de la simplification.
L’Administration est ainsi priée de faire des efforts pour accepter de revoir des points de la réglementation sur les installations classées, dite ICPE, sur l’autorisation unique des installations, ouvrages, travaux et activités, dite IOTA, sur la sortie du statut de déchet, sur le biogaz porté. En parallèle, il est question de stabiliser les tarifs, d’améliorer les tarifs de conversion de la cogénération vers l’injection et d’appeler à une mobilisation du monde financier pour assurer l’accompagnement des projets.
Des mesures qui fédèrent
Du Syndicat des énergies renouvelables (SER) à GRDF en passant par la FNSEA, les pistes annoncées « vont dans le bon sens » et fédèrent les membres du groupe de travail national autour d’un projet commun. Pourtant, sur le terrain, le monde agricole et les méthaniseurs demandent bien plus.
Certes, l’annonce d’Emmanuel Macron concernant le fléchage de 100 millions d’euros pour les projets de méthanisation avec l’appui de la Banque publique d’investissement (BPI) a rassuré. Mais c’est peut-être là justement que le bât risque de blesser. Peu de cas sont faits autour du financement des projets et les banques sont pointées du doigt.
La banque sur la défensive
Pour preuve, lorsque les banques sont accusées de frilosité en plein atelier de méthanisation sur le stand de la FNSEA, une voix du Crédit Agricole réplique dans le public : « Ce n’est pas vrai, on n’est pas frileux. » Et Florence Dousset, responsable en charge de la méthanisation à la banque, d’ajouter qu’« il faut un projet rentable et bien monté, on a un devoir de conseil si le projet n’a pas d’intérêt pour le client. On a participé aux deux tiers des installations, on est à 20 % d’autofinancement et 80 % de prêt », assure-t-elle. Mais alors, où se situe la vérité entre la voix du Crédit Agricole et celle des porteurs de projets qui annoncent plutôt 70 % d’apports de capitaux par les banques ?
Faire jouer la concurrence
À l’heure où ce sont les agriculteurs qui inventent les projets et qui sont les premiers à prendre des risques, de nombreux projets restent dans les cartons. Selon plusieurs protagonistes de la filière, c’est aux agriculteurs de faire jouer la concurrence et de faire baisser les prix !
Le président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France est d’ailleurs sur cette ligne, précisant que « dans plusieurs pays d’Europe le coût d’une installation est de 5 000 € du kilowattheure, mais on trouve [en France, NDLR] du 8 000 à 9 000 € du kilowattheure, ça ne devrait plus exister ».
Priorité à l’injection
À ce jeu commercial s’ajoute un contexte évolutif sur les aides : la priorité est donnée à l’injection de biométhane, au détriment de la cogénération. En plus de la récente prise en charge de 40 % des coûts de raccordement par l’État, il est demandé de subventionner en priorité les projets d’injection. En parallèle, il est de plus en plus considéré que les nouveaux tarifs doivent pallier les apports qui ne seraient plus assurés par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). L’agence est vouée à moins s’engager et à cibler ses soutiens. En 10 ans, elle a déjà versé 270 millions d’euros pour la méthanisation, à environ 80 % pour de la cogénération. Son taux d’aide est d’en moyenne 15 %, ce qui a maintes fois motivé l’engagement des banques.
Affaire à suivre
À ces pressions s’ajoutent celles de l’acceptabilité sociale, notamment, dont Christiane Lambert a fait part en privé à Sébastien Lecornu. « On doit être capable de mieux concerter et d’informer les populations », a-t-il convenu plus tard lors de l’atelier. Une nouvelle réunion du groupe de travail devait se tenir dans l’après-midi ce lundi 26 février. Selon le secrétaire d’État, des mesures seront dévoilées tout le long du mois de mars.
Vincent Gobert
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