Dégâts de gibier « Ne confions plus l’intégralité de la régulation des sangliers aux chasseurs »
Cette année, il y a une aggravation des dégâts de sangliers en particulier sur les prairies, constate Thierry Chalmin, président de la commission de la faune sauvage et des dégâts de gibier de la FNSEA.
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Comment expliquez-vous l’augmentation des dégâts ?
Les chasseurs affirment qu’il y a plus de vers dans les pâtures qu’habituellement et que cela attire les sangliers. Moi, j’ai une explication plus générale : l’augmentation de la population de sangliers. Il est trop tôt pour établir des comparaisons chiffrées. Les statistiques relatives aux dégâts de gibier seront connues à la fin de l’été. Mais dans mon département, la Haute-Saône, au 30 janvier 2016, 60 dossiers de dégâts sur prairies avaient été déposés. À la même date cette année, nous en dénombrons 159.
En outre, on a connu trois hivers favorables et la reproduction s’est bien passée. Cette année, avec le froid de décembre et de janvier, les agents de l’ONCFS (1) ont constaté une mortalité plus importante de marcassins. Mais les laies reviennent déjà en chaleur et leur portée arrivera au printemps alors que la météo sera favorable.
Quels sont les secteurs les plus touchés ?
Il y a de gros dégâts dans le Sud-Est. Outre les prairies, les pertes touchent les cultures mais aussi les vignobles car les sangliers sont friands de raisins. Dans le grand quart nord-est, la population de sangliers est très importante et l’Ouest commence à subir la pression de ce gros gibier. Les sangliers s’approchent des habitations, labourent les jardins et provoquent l’exaspération des citoyens. Le risque d’accidents routiers est aussi plus important.
Certains territoires difficiles d’accès, comme en Ardèche, sont délaissés par les chasseurs dont la population est vieillissante. Mais ce n’est pas le cas partout. Les chasseurs ont la volonté de développer la population de sangliers, car c’est un gibier attractif. Pour eux, c’est un capital à préserver.
Les chasseurs ont voulu protéger la population de sangliers et sont dépassés.
Reprenons l’exemple de mon département, la Haute-Saône. Nous avons demandé la prolongation de la chasse de quatre dimanches en février. Les chasseurs y étaient opposés car ils estimaient avoir assez tué de sangliers et ils ne voulaient pas amputer le potentiel de l’an prochain. La préfète a coupé la poire en deux et a rallongé la saison de seulement deux dimanches.
Je me suis déplacé dans de nombreux départements. Le sentiment général est que les chasseurs ont voulu protéger la population de sangliers et qu’ils sont dépassés. Dans certains secteurs, nous sommes à un point de non-retour et la pression de la chasse ne suffira pas. C’est la situation du Gard ou du Var.
Quelles solutions préconisez-vous ?
Il ne faut plus confier l’intégralité de la responsabilité de la régulation des sangliers aux chasseurs.
Il faut trouver d’autres solutions que la chasse. Par exemple, réfléchir à stériliser une partie des laies.
Il y a 20 ans, les chasseurs se sont donné les moyens de développer les populations de sangliers. Ils nous disaient de ne pas nous inquiéter, qu’il n’y aurait pas de préjudice particulier. Aujourd’hui, ils adoptent la même stratégie avec le cerf. Nous ne pouvons pas l’accepter. Les pouvoirs publics doivent prendre la juste mesure de ce fléau. Comment tolérer de tels dégâts pour satisfaire le loisir d’une minorité ?
Le dialogue est-il rompu avec les chasseurs ?
Non, nous discutons avec nos partenaires chasseurs. Nous sommes condamnés à nous entendre car nous utilisons les mêmes territoires. Mais pas avec la même finalité : pour les agriculteurs, c’est un territoire de production, pour les chasseurs, un territoire de loisirs. Les dégâts de gibier anéantissent le travail d’une année, voire de plusieurs années, et pénalisent la rentabilité des exploitations déjà durement touchées par la crise.
Aurore Cœuru
(1) Office national de la chasse et de la faune sauvage.
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