Espèces invasives Une facture de 70 milliards d’euros par an
Les conséquences économiques, écologiques et sanitaires des espèces invasives sont telles qu’il devient urgent de légiférer et de trouver des moyens de lutte efficaces et durables.
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« L’impact économique des espèces invasives est énorme, de 70 milliards d’euros par an au minimum dans le monde, a affirmé Franck Courchamp, chercheur en écologie au CNRS lors d’un colloque organisé par le Comité parlementaire de suivi du risque ambroisie et autres espèces invasives, et la Fredon, le 8 décembre 2016 à Paris. Mais il ne s’agit là que de la pointe émergée de l’iceberg. Le coût non estimé est encore plus énorme car certaines espèces ou régions n’ont pas encore été étudiées. Par ailleurs, ce coût, économique, écologique et sanitaire, va augmenter avec l’accélération du commerce international et le changement climatique. »
Une longue liste
Ambroisie, renouée du Japon, berce du Caucase, datura stramoine, orobanche rameuse, Tuta absoluta, Drosophila suzukii, punaise diabolique, Xylella fastidiosa… Les espèces invasives qui ont des conséquences en agriculture ne manquent pas. Le collectif Sauvons les fruits et légumes de France « tire la sonnette d’alarme sur les conséquences économiques et environnementales catastrophiques des espèces invasives et alerte les pouvoirs publics sur les menaces immédiates pesant sur les productions françaises ».
Josselin Saint-Raymond, de l’Association nationale pommes poires, a illustré ces propos avec l’exemple de la mouche Drosophila suzukii. « Le diméthoate a été supprimé au début de 2016 sur cerises. Conséquence : au lieu de réaliser un traitement à demi-dose, on a appliqué 6 à 11 traitements à dose pleine avec d’autres phytos moins efficaces. Et outre l’utilisation plus importante de phytos, nous avons comptabilisé 30 à 50 % de perte de production de cerises. »
« Personne n’applique les arrêtés préfectoraux »
Concernant l’ambroisie, Philippe de Goustine, président de Stop Ambroisie, association de défense des intérêts des personnes souffrant d’allergies au pollen d’ambroisie en France, a regretté que les arrêtés préfectoraux pris pour rendre obligatoire la lutte ne soient jamais appliqués. Il dénonce un manque de volonté politique et demande que cette plante soit classée organisme nuisible pour une meilleure prise en compte.
Un décret et deux arrêtés devraient être publiés au début de 2017 sur la lutte contre l’ambroisie. « Malheureusement, il n’y a rien sur le rôle du maire dans le projet de texte », a regretté Pierre Diamantidis, élu du Grand Lyon. « Il aurait fallu faire comme pour la gestion des incendies. Si la parcelle n’est pas débrouissaillée, il y a une mise en demeure puis sans réponse, le maire fait faire les travaux et envoie la facture. Ainsi, si l’ambroisie dans une parcelle ou un terrain en friche n’est pas éradiquée par le propriétaire par exemple, le maire peut envoyer une mise en demeure. En l’absence de réponse, il pourrait faire réaliser les travaux de débroussaillage ou d’arrachage et envoyer la facture au faisant défaut. »
Du temps pour trouver des alternatives aux phytos
En agriculture, cette plante invasive est notamment présente en tournesol. « Depuis le début de 2010, rappelle David Gouache, de Terres Inovia, il existe des variétés tolérantes à certains herbicides qui permettent de lutter efficacement contre l’ambroisie. Malheureusement, ces produits sont sur la sellette alors qu’il n’existe pas encore de solutions alternatives efficaces. »
En attendant l’arrivée de nouvelles substances actives et de nouveaux moyens de lutte, des pistes comme l’agriculture de conservation sont expérimentées par les agriculteurs eux-mêmes. « Avec un couvert permanent sous le tournesol, la concurrence limite le développement de l’ambroisie, note Fabien Labrunie, agriculteur et président du réseau Base. Mais cette technique doit encore être éprouvée. Pour l’instant, le couvert concurrence également trop le tournesol… »
« L’agriculture de conservation pourra trouver des solutions alternatives aux phytos, mais on a besoin de temps, » a-t-il conclu.
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