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Rapport homme-animal La domestication de l’animal remise en cause

Le centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture a publié deux documents sur l’évolution des rapports homme-animal depuis la domestication. Un travail qui tombe à pic au moment où 26 associations de défense animale viennent de créer la plateforme de réflexion « l’animal politique ».

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Dans le premier document, le centre d’études revient sur l’évolution de la question animale dans nos sociétés. Le second trace cinq scénarios possibles. Revenons sur la première étude pour comprendre comment le regard de la société a changé. La domestication a modifié le règne animal, en séparant les espèces domestiquées et les espèces dites « sauvages ».

Regard en arrière

Elle a aussi changé les sociétés humaines : les domestications animales (et végétales), au cœur de l’apparition de l’agriculture à l’époque néolithique, ont favorisé le passage d’une ère de subsistance à un monde de surplus. C’est l’homme qui fixe la place de l’animal, qui définit le caractère « nuisible » ou non des animaux. L’animal est considéré en fonction de ses utilités, positives ou négatives.

Le statut juridique des animaux a beaucoup évolué ces dernières décennies. Le droit moderne, issu des réformes napoléoniennes, considérait l’animal comme un « bien » à la disposition de son propriétaire et soumis aux mêmes règles que les autres biens. Il s’appuyait sur l’idée de « l’animal machine » développée par Descartes. Mais d’autres approches se sont imposées au XIXe siècle, insistant sur la nécessité de prendre en compte la souffrance des animaux.

Les mouvements de défense des animaux se structurent

Au XXe siècle, des mouvements de défense des animaux se sont structurés, avec une accélération dans les années 1990. La société est alors progressivement passée de la notion de « protection animale » à celle de « bien-être » animal. Selon l’étude du centre de prospective, cette notion dépasse l’absence de mauvais traitements pour prendre en compte la possibilité d’exprimer le « comportement normal de l’espèce ».

D’un point de vue juridique cependant, les animaux sont toujours soit « animaux domestiques », soit « animaux sauvages ». Les premiers bénéficient d’un statut, renforcé par la dernière modification du code civil de 2015 qui les définit comme êtres « doués de sensibilité ». L’animal sauvage n’a pas de statut en tant qu’individu (res nulli), sauf s’il appartient à une espèce protégée.

Le regard de l’opinion publique change

L’opinion publique aussi a modifié son regard sur le règne animal. Après une cohabitation dans les villes mêmes, de nombreux urbains n’ont plus de contact avec les animaux d’élevage vivants. Leurs visions dépendent des médias qui conditionnent leurs jugements. La « juste place » des animaux est aussi devenue un enjeu majeur de l’aménagement des territoires. La frontière entre les mondes sauvages de plus en plus administrés et les mondes domestiques s’étiole.

Au sein même des animaux domestiques, l’élevage est de plus en plus écartelé entre industrialisation et retour du lien « homme, animal et nature ». Selon les auteurs de l’étude, la meilleure connaissance technique du troupeau, la plus grande maîtrise de son hétérogénéité est allée de pair avec un éloignement croissant de l’éleveur vis-à-vis de ses bêtes et un agrandissement constant des troupeaux. On a assisté, dans le même temps, au retour à des races rustiques, à l’essor de l’élevage biologique.

L’animal de compagnie de plus en plus présent

Autre constat, le mode de consommation de viande s’éloigne de plus en plus du lien à l’animal. Enfin, pendant que les animaux d’élevage devenaient de moins en moins visibles et proches des consommateurs, une autre catégorie d’animaux se développait : on compte aujourd’hui en France 63 millions d’animaux de compagnie contre 26 millions en 1988. Cette fréquentation assidue des animaux a « entraîné une « montée en personnalité » de certains animaux dits de compagnie ».

Résultat : trois catégories d’animaux se distinguent aujourd’hui : les animaux de rente, les animaux de compagnie et animaux sauvages. Et la « question animale » surgit dans les débats. Philosophes, militants, journalistes remettent en cause ces séparations et le traitement différencié réservés aux catégories d’animaux. L’élevage en particulier, ses impacts, positifs et négatifs, sont de plus en plus questionnés.

M.-G. M.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le premier document du centre d’études et de prospective intitulé « Le rapport Homme Animal : évolutions passées et enjeux d’avenir » et le second « Le rapport Homme Animal : cinq scénarios à l’horizon 2030 ».

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