Captages Des acteurs motivés, mais pas d’outils adaptés
Oui, la qualité de l’eau reste un vrai sujet de préoccupation. Eh oui ! il reste des progrès à accomplir. Mais dans un contexte économique difficile, l’accompagnement financier proposé n’est pas à la hauteur des enjeux.
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En France, 8 % de la SAU et un agriculteur sur dix sont concernés par une aire d’alimentation de captage d’eau potable. Conformément aux engagements de la conférence environnementale de 2014, un millier de ces captages ont été désignés comme « prioritaires ». « Aujourd’hui, on a bien avancé sur la délimitation, moins sur les plans d’action », indiquait Julien Turenne, du ministère de l’Agriculture, lors d’un colloque organisé le 29 juin 2016 à Paris par l’APCA (1) et l’AGPB (2).
Une mission d’évaluation de la politique menée sur les captages a conclu en 2014 que la qualité de l’eau potable distribuée en France était bonne, mais que ce n’était pas le cas de l’eau prélevée. Traduction : les actions curatives sont encore prépondérantes, alors que tous les acteurs de l’eau s’accordent à dire qu’une prévention des pollutions en amont est plus intéressante sur le plan économique comme environnemental.
Il y a encore des marges de progression, notamment au sein de la profession agricole. Ne serait-ce que sur la prévention des pollutions ponctuelles. « En Seine-et-Marne, département de grandes cultures, à peine un tiers des exploitations ont une aire de lavage et récupération d’effluents phyto aux normes », a admis le vice-président de la chambre d’agriculture.
S’appuyer sur les dynamiques locales
Du côté de l’Administration, on semblait être venu pour rassurer la profession sur la volonté de « privilégier les dynamiques de concertation locale ». « Il est possible d’agir par voie réglementaire, mais ce n’est pas la volonté du ministère de l’Écologie », a assuré en introduction François Mitteault, directeur de l’eau et de la biodiversité. Qui préfère « s’appuyer sur des stratégies locales », sans pour autant s’autoriser à « avoir des trous dans la raquette » dans les territoires où les acteurs peineraient à se mobiliser.
Du côté de la profession, on voulait montrer que le sujet est pris en main, et glisser, comme un message subliminal, que l’animation autour des captages est une compétence que les chambres d’agriculture entendent revendiquer. Des partenariats entre agences de l’eau et chambres d’agriculture, associant parfois d’autres instituts techniques, portent déjà leurs fruits : en témoignent les opérations ORQUE (opération de reconquête de la qualité de l’eau) menées dans le bassin Artois-Picardie, que Vincent Valin, de l’agence de l’eau, était venu présenter.
Il identifie comme clés du succès la définition d’un état zéro validé par l’ensemble des partenaires, le suivi des indicateurs permettant de quantifier et valoriser les efforts et la mobilisation de tous : agriculteurs, mais aussi artisans, industriels et particuliers. « Reconnaître que les agriculteurs ne sont pas les seuls responsables permet de faire bouger les choses », a confirmé le président de la chambre de la Somme.
Un deuxième pilier trop rigide
Il reste que les outils proposés pour faire évoluer les pratiques ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions. Si les techniques existent bien, le frein économique reste majeur. Les MAEC et les aides à l’investissement du deuxième pilier restent très cadrées, rigides, voire « élitistes ». Outre les insupportables retards de paiement, la rémunération des MAEC permet rarement de compenser les pertes découlant des interdictions décrétées autour des captages.
Et leur format « prêt à porter », malgré les déclinaisons régionales mises en œuvre, conviennent mal à une problématique réclamant des solutions sur mesure. « Ce n’est pas parce que quelque chose marche chez un agriculteur que cela fonctionnera chez son voisin », répètent inlassablement les élus agricoles, lorsque des ONG ou des administrations les matraquent avec des « expériences réussies de partenariats gagnant-gagnant ».
Les ministères de l’agriculture et de l’Écologie et les agences de l’eau se disent ouverts à l’expérimentation et prêts à la financer. « Dans les limites de la légalité », a précisé Julien Turenne, rappelant que « le risque, sinon, serait que l’agriculteur doive rembourser les aides en fin de compte… » Or l’interprétation française de ce qui est « légal » ou non aux yeux de la Commission européenne reste très frileuse, regrettent les organisations professionnelles agricoles.
Bérengère Lafeuille
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(1) Assemblée permanente des chambres d’agriculture.
(2) Association générale des producteurs de blé et autres céréales.
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