2. Le capital des exploitations grossit 2. Le capital des exploitations grossit et pèse lourd sur les repreneurs
La valeur du capital à mobiliser et à financer pour l’acquisition d’une exploitation ne cesse de progresser. Elle est devenue un frein à l’installation.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
S’il fallait 250 000 € pour acheter et faire tourner une exploitation en 1988, il en faut désormais 376 000 €. Ainsi, en trente ans, le capital à engager pour une exploitation moyenne a augmenté de plus de 120 000 €, soit + 50 % (figure 1), relève Didier Caraès, économiste des chambres d’agriculture, qui a travaillé sur les données comptables du Rica (1). Ce capital est composé des immobilisations (bâtiments et matériel pour 55 %, cheptel et un peu de foncier) pour 269 000 €, et du besoin en fonds de roulement (BFR) pour 107 000 €, qui représente l’investissement annuel (2).
Une exploitation moyenne en France vaudrait donc 376 000 €. Et encore, c’est en sous-évaluant le coût du foncier qui apparaît de moins en moins au bilan (3), estime Didier Caraès. Si tout le foncier était compté, l’exploitation approcherait 690 000 € (4). Ce n’est qu’une moyenne, puisque le montant des immobilisations peut aller du simple au double selon la production (figure 2). En ajoutant leurs BFR spécifiques au montant des immobilisations, le capital moyen à engager serait de 290 000 € en production de céréales-oléoprotéagineux, 345 000 € en bovins viande, 385 000 € en bovins lait, la palme revenant à l’élevage porcin et à la viticulture (environ 530 000 €).
Accélération depuis dix ans
Certes, ces données purement comptables ne sont pas identiques à la valeur de cession d’une exploitation (lire page précédente). Mais elles mettent bien en évidence la croissance du capital à mobiliser pour s’installer. Jusqu’en 2007, le capital progresse lentement, du fait des investissements dans des mises aux normes et de l’augmentation des prix des actifs. Mais à partir de 2008, la croissance s’accélère. À la faveur des pics haussiers du revenu, les exploitations ont beaucoup investi. En trente ans, les valeurs des « bâtiments et installations » et du matériel ont doublé, atteignant respectivement 70 000 et 80 000 € (valeur nette comptable, en €, de 2014). Le capital à investir n’a jamais été aussi élevé.
Agrandissement
« Les exploitations mobilisent de plus en plus de capitaux mais leurs revenus ne progressent pas. C’est le grand écart », constate l’économiste (figure 1). Une fois les prélèvements privés du chef d’exploitation déduits, le revenu agricole restant permet un taux de rémunération du capital d’à peine 1 % actuellement. Pour autant, le ratio capital/ha ou capital/UGB reste stable : le capital a donc augmenté parallèlement à l’agrandissement des exploitations. En revanche, le capital par exploitant enfle, passant de 180 000 € en 1995 à 245 000 € en 2014 (5).
Des jeunes très endettés
Cette situation pénalise directement les candidats à l’installation et pose deux problèmes : l’accès au métier et la résilience en cas de crise. Avec un taux d’endettement de 45 % en moyenne, les moins de 40 ans sont plus fragiles que leurs aînés. Plus d’un sur cinq doit même s’endetter à plus de 65 %. Une position très à risque quand il faut traverser de mauvaises années. « Le poids de l’endettement, parfois aggravé par la surévaluation des entreprises, est une des origines principales de la défaillance des exploitations, relève Guillaume Favoreu, membre du réseau Experts-Emergens et conseiller d’entreprises chez Optimes.
Un système en bout de course ?
« Aujourd’hui, ce modèle d’exploitations familiales pourrait avoir atteint une limite. A force d’investissement et d’agrandissement, la transmission des exploitations agricoles françaises est devenue difficile », met en garde Didier Caraès. Pour les nouveaux arrivants comme pour les cédants qui comptent sur la cession pour compléter leur retraite, ce problème est crucial. Et la démographie le rappelle : en 2014, 115 000 chefs d’exploitation avaient plus de 57 ans. Beaucoup d’entreprises attendront donc des repreneurs. Des solutions sont peut-être à chercher dans des efforts de décapitalisation et le recours à des financeurs extérieurs. Plus spécialement encore en temps de crise, l’évaluation et la transmission des exploitations est un enjeu majeur.
(1) Données Rica 2014, exploitations professionnelles, toutes tailles et orientations confondues.
(2) Le BFR représente les stocks et créances qui ne sont pas financés par des dettes à court terme.
(3) Le foncier détenu à titre privé n’apparaît pas dans le bilan. Dans ceux du Rica, le foncier est valorisé au prix d’acquisition, non réévalué, pour 44 000 € en 2014.
(4) En ajoutant 310 000 €, l’équivalent de 78 ha à 4 000 €/ha pour compléter le foncier déjà au bilan (44 000 €) et atteindre une SAU moyenne de 89 ha.
(5) Pour 1,44 unité de travail non salariée par exploitation.
[summary id = "10022"]
Pour accéder à l'ensembles nos offres :