C’est son avis La politique climatique peut nuire à l'environnement
En pleine effervescence pré-Cop21, Guillaume Sainteny, maître de conférences à l’Ecole polytechnique et ancien fonctionnaire du ministère de l’Ecologie, s’interroge sur le bien-fondé des politiques climatiques au regard des autres urgences environnementales (1).
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Hiérarchiser
les priorités
Le changement climatique occupe la scène. Mais est-il le problème le plus grave et le plus urgent pour l’environnement ? Dans les sondages, Français et Européens se disent d’abord préoccupés par la pollution de l’eau et de l’air. De même, de grandes organisations internationales, comme l’OCDE et le forum de Davos, s’inquiètent d’abord de ces pollutions et de la surexploitation des ressources naturelles.
L’organisation mondiale de la santé parle de sept millions de morts par an dans le monde à cause de la pollution de l’air. En France, elle entraîne des dizaines de milliers de décès prématurés. Peut-on en dire autant du changement climatique ? On s’attend à ce qu’il devienne de plus en plus meurtrier à l’avenir, mais la pollution de l’air aussi !
Du côté des coûts, la littérature scientifique internationale semble montrer aussi que la dégradation des sols et la pollution de l’air coûtent plus cher que le changement climatique.
Certes, on craint qu’au-delà d’un seuil critique, le réchauffement puisse entraîner des effets impossibles à maîtriser. Mais l’érosion de la biodiversité peut aussi faire s’écrouler des pans entiers de pyramides écologiques !
Les pays en développement sont particulièrement vulnérables au changement climatique. Ce sont aussi les plus touchés par les autres risques !
Les pays du Sud
exposés
Lorsque l’OCDE classe les cinq principales menaces environnementales pesant sur eux, le changement climatique arrive cinquième… La pollution de l’air risque d’entraîner de plus en plus de décès en Afrique du fait de l’explosion démographique, en raison notamment du mode de cuisson des aliments. Et l’autre cause de mortalité majeure dans les pays du Sud, à l’avenir, sera la pollution de l’eau.
Contrairement aux pays développés, les ressources naturelles sont l’unique moyen de subsistance d’une partie de la population des pays du Sud, et contribuent pour plus de 20 % au PIB de certains pays. La perte de biodiversité a un impact énorme pour eux ! De même pour l’érosion des stocks halieutiques, qui est bien plus due à la surpêche qu’au climat.
Objectifs antagonistes
Le climat pourrait être le moteur des politiques environnementales. Mais avec un Etat endetté et un budget de l’Environnement en baisse, tout ce qui est mis sur le climat est pris sur les autres domaines. On pense parfois qu’il suffit de lutter contre le changement climatique car il serait la cause des autres problèmes environnementaux. Or, il en est d’abord la conséquence : un quart des gaz à effet de serre sont émis par la déforestation et l’érosion. Commençons par préserver les forêts et les sols !
Par ailleurs, certaines politiques climatiques contredisent d’autres objectifs environnementaux. C’est pour émettre moins de CO2 qu’on a favorisé le diesel, qui émet d’autres polluants atmosphériques…
On a besoin de politiques climatiques qui ne nuisent pas aux autres politiques environnementales. Et qui s’intéressent davantage au volet adaptation, trop souvent relégué derrière le volet atténuation. Pourtant, c’est un moyen d’intéresser les acteurs économiques. Et si le changement est inéluctable, il faut s’y préparer.
(1) Auteur de « Le climat qui cache la forêt », Editions
Rue de l’échiquier.
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