3. Un territoire vivant autour de l'AOP 3. Un territoire vivant autour de l'AOP

Vincent Carrié (photo ci-contre) ne voit que la beauté du plateau de l'Aubrac. « Pour moi, la montagne n'est pas une contrainte ! » La ferme qu'il a reprise en 2011 est à 900 m d'altitude. Ses 65 ha d'herbe sont mécanisables, en plus d'être en grande partie accessibles au pâturage. En outre, il a la chance d'être sur la zone du Laguiole AOP. Alors tant pis s'il n'a pas pu s'installer sur l'exploitation allaitante de ses parents, trop petite pour l'accueillir.

Ses 220 000 l de lait, produits par quarante vaches, sont collectés et transformés par la coopérative Jeune montagne. Etant seul, il délègue l'élevage des génisses pour se consacrer au troupeau laitier. Autant travailler le mieux possible : le prix du lait plafond peut atteindre 560 €/t.

Pourtant, il s'en est fallu de peu que la tradition fromagère locale ne disparaisse un demi-siècle plus tôt. L'élevage aubracien se spécialisait massivement dans la viande, au point de faire perdre à la race aubrac ses qualités laitières. La création de la coopérative Jeune montagne en 1960 et la structuration progressive de la filière autour d'un cahier des charges et d'une AOP maintient et relance la production laitière et fromagère, en recourant à la race simmental. Question d'image et de lien au terroir, la coopérative incite aujourd'hui à réintroduire des aubracs dans les troupeaux. Même s'il faudra quelques années de sélection pour relever leur niveau de production.

TRANSMISSION ACCOMPAGNÉE

La coopérative fait vivre 75 fermes (120 actifs) et une centaine de salariés. Elle assure la pérennité des exploitations laitières en évitant le basculement en système allaitant à la faveur des transmissions. « Elle accompagne le cédant et le repreneur en versant une aide financière, apprécie Vincent. Un jeune qui s'installe seul reçoit par exemple 20 000 €. Elle nous offre des avances de trésorerie et un soutien technique. »

Tout proche à vol d'oiseau, le Gaec Cestrières est le seul autre producteur de lait parmi les soixante exploitations du canton. « Si on n'avait pas un produit à forte valeur ajoutée, on ne produirait plus que de la viande sur le plateau », assure Bertrand Cestrières. A part les 25 limousines qui valorisent les parcelles éloignées, le Gaec vit à deux familles avec 336 000 l. Inenvisageable avec une filière standard. Mais le lait a beau être bien payé, pas question de produire plus pour gagner plus, à moins d'augmenter son troupeau et ses surfaces. « Le cahier des charges limite la productivité à 6 000 l/vache et impose un minimum de 120 jours de pâturage et un plafond de 1,8 t/va-che d'aliment », résume l'éleveur. Une contrainte ? Plutôt un atout vis-à-vis des consommateurs. « Les gens qui achètent nos fromages ne recherchent pas qu'un goût mais une manière de produire et un terroir. »

DES RÉFORMES EN FORME

Les bénéfices se répercutent sur la viande. « A 6 000 l/an, nos vaches ne sont pas usées », souligne Bertrand. Depuis un an, il travaille avec les boucheries Hugo Desnoyer. « Elles cherchaient des vaches finies à l'herbe ou au foin. Le cahier des charges est moins strict que celui pour le lait, ce qui permet de mieux valoriser nos réformes sans changer de pratiques. »

Les contraintes naturelles sont presque un non-sujet. Pourtant, le climat est rude. Pour être autonome en foin, sachant que les rendements ne sont pas les mêmes à 900 m qu'en plaine, les 96 ha du Gaec sont en herbe, les céréales et la paille sont achetées. « Il ne faut pas rater sa récolte de foin sinon on galère pour faire du lait les six mois d'hiver ! Le séchage en grange, que nous avons installé en 2004, permet d'avoir plus de sécurité. » Le dénivelé reste gérable : seuls 20 ha sont très pentus et un tracteur de pente a été acheté en Cuma. Et « ce n'est pas parce qu'on est en montagne qu'on est isolés !, sourit l'éleveur. Grâce aux filières locales de qualité, il y a de l'emploi et tout se greffe autour. »

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