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Exportation Le blé français dans la course

La France, compétitive ? Sa forte présence sur les marchés internationaux milite dans ce sens. La stabilité de sa production reste son plus fort atout.

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Dix pays dominent l'échiquier mondial en produisant 85 % de la production de blé, dont l'Union européenne (1), la Chine, l'Inde, les Etats-Unis et la Russie. A l'exception des pays de l'UE, les principaux consommateurs de blé se situent en Asie, en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient (ANMO). Or, la production dans ces deux derniers bassins reste faible.

Des échanges de plus en plus intenses – en cinquante ans, les volumes exportés ont été multipliés par 3,5 – tentent de lisser ces incohérences. Huit pays orchestrent 90 % des exportations et 32 % des importations de blé sont absorbées par l'ANMO, qui a détrôné l'UE dans sa place de premier importateur mondial dans les années soixante.

France : quatrième exportateur mondial

L'UE, en s'agrandissant et grâce à l'instauration d'une politique agricole commune incitatrice à la production, est devenue le premier producteur et le deuxième exportateur mondial de blé. La France détient la place de premier producteur européen et de quatrième exportateur mondial.

Depuis les années soixante, l'Hexagone est passé d'un déficit structurel à une situation excédentaire et produit aujourd'hui 35 millions de tonnes (Mt) sur 5 millions d'hectares, soit 54 % des surfaces agricoles. 60 % de la production est exportée, principalement à destination de l'alimentation humaine. 40 % du blé français atterrit en Europe.

« Le blé fourrager, qui représente 20 % de la récolte française, se destine au marché intérieur ainsi qu'à l'Allemagne, le Benelux et le Royaume-Uni.

Pour le Portugal, l'Espagne et l'Italie, c'est du blé meunier. Vers les pays tiers, la France est le premier fournisseur de l'Algérie, où 70 % du blé importé est d'origine hexagonale. Viennent ensuite le Maroc et l'Afrique subsaharienne », explique François Gatel, directeur de France Export Céréales. Certains de ces pays ont hérité des habitudes de consommation de « pain français ».

« Le blé hexagonal y trouve donc sa place. Alors qu'au Nigéria, on importe du pain d'Allemagne puisque les habitudes de consommation sont au pain de mie, qui nécessite un blé plus protéiné », précise François Gatel.

Approvisionnement régulier des marchés

Si la France se positionne sur les marchés internationaux, c'est qu'elle détient des avantages comparatifs pour la production de blé.

• « La stabilité de la production, qui assure un approvisionnement régulier aux autres pays, est une des clés de cette réussite », affirme Thierry Pouch, économiste à l'APCA (2). Sur dix ans (2000-2010), l'écart relatif entre la meilleure récolte et la plus basse atteint 56 % aux Etats-Unis, 108 % en Russie, 94 % en Argentine, 158 % en Australie. En France, elle est de 35 % seulement et la variabilité moyenne de la production n'a pas dépassé 15 % entre 1998 à 2013.

• Avantage pédoclimatique. Cette constance dans la production s'explique par les caractéristiques pédoclimatiques : des sols profonds, riches en éléments et disposant d'une bonne rétention, ainsi qu'un climat tempéré, avec une température moyenne de 12,5 °C et une pluviométrie moyenne de 750 mm.

Ces conditions limitent des situations de stress comme le risque de gel en hiver. Les rendements s'en voient aussi favorisés. Au contraire, l'Australie ou encore les pays de la mer Noire sont plus exposés à des événements climatiques extrêmes, avec des impacts considérables sur les moissons.

Logistique rodée

La liste des atouts ne s'arrête pas là. La façade maritime est ouverte sur la mer Méditerranée, l'océan Atlantique et la mer du Nord et s'appuie sur de nombreux ports (Dunkerque, Le Havre, Rouen, Port La Nouvelle...). « Les organismes stockeurs ont démontré leur professionnalisme, notamment cette année, en réalisant un bon travail de tri et d'allotement », malgré une récolte qui ne comptait que 46 % de blé panifiable exportable sans réfactions, rapporte Christian Pees, président de Coop de France métiers du grain. Finalement, « les exportations sont favorisées par une politique libérale qui exclut les taxes à l'exportation », expose Nicolas Ferenczi, chargé des affaires internationales à l'AGPB (3).

Cependant, ce sont des politiques volontaristes depuis 1957 qui expliquent la spécialisation de la France dans la production de blé et sa capacité à exporter, au détriment des protéagineux qu'elle continue d'importer des Amériques. Ce qui est encore vrai aujourd'hui.

A cet égard, Nicolas Ferenczi affirme que « si les transferts entre le premier pilier et les politiques complémentaires (paiement redistributif, etc.) se renforcent comme annoncé, les droits à paiement de base et paiement vert atteindront 85 €/ha de moins qu'en Allemagne en 2019. Ce qui va poser un problème de compétitivité en France et créer une distorsion de concurrence au sein même de l'Europe ».

Se perfectionner en protéines

La qualité est un des critères fondamentaux dans la fabrication du pain. Mais c'est aussi une donnée identifiable pour exprimer des besoins et comparer les diverses origines sur un marché. Les taux de protéines français fluctuent entre 10,7 % et 12,5 % depuis 1996. Et l'objectif de 11,5 n'est pas toujours atteint », expose Perrine Moris, d'Arvalis.

Certes, on assiste à une dégradation « mais même si la France n'a pas une qualité exemplaire, elle répond à la demande de ses clients », nuance Patrick Garnon, chef du service marchés à FranceAgriMer. Améliorer la teneur en protéines reste une des priorités de la filière. D'autant que nous sommes concurrencés : les teneurs des blés allemands oscillent entre 12,5 et 13,5 %. Les pays de la mer Noire prennent aussi les devants. 

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(1) Considéré comme un pays dans les statistiques.

(2) Assemblée permanente des chambres d'agriculture.

(3) Association générale des producteurs de blé.

L'Allemagne et le Danemark : antonymes sur la protéine

Le climat tempéré de l'Allemagne est le facteur expliquant des taux de protéines supérieurs à 1,2 % à ceux des blés français. « Cependant, les réglementations en termes de fertilisation sont plus souples : le fractionnement est élevé, précise Nicolas Ferenczi, de l'AGPB. Par ailleurs, le plafonnement des doses totales d'azote est réfléchi à la rotation et pas à la culture, ce qui permet à l'agriculteur de se rattraper sur la culture suivante s'il a trop fertilisé son blé. »

L'exemple contraire se situe au Danemark, qui a mis en place des mesures ambitieuses en matière d'environnement. En imposant aux agriculteurs un quota en azote, le taux de protéine a chuté de 11,5 à 9 %. Le pays a réorienté sa production céréalière vers l'alimentation animale et importe du blé meunier, à hauteur de 300.000 t, sur les 5 Mt de blé fourrager qu'il produit. Ces importations ont un coût. Mais le pays a réduit de 56 % en quinze ans les excédents d'azote. Il faudrait évaluer le gain lié à la moindre utilisation d'azote et à la réduction des pollutions avant de juger nos voisins…

En chiffres : blé, pétrole doré

• 210.000 agriculteurs produisent du blé en France.

• 169 coopératives et négoces assurent sa commercialisation, emploient 35 000 personnes et dégagent un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros.

• Le blé français représente 28 % des exportations de produits agricoles français et 61 % de celles de céréales, ainsi qu'un excédent de l'ordre de 4 milliards d'euros en 2014 (source : ministère de l'Agriculture).

• Le commerce mondial du blé représente 50 milliards de dollars. Ces gains ne profitent qu'à une petite dizaine de négociants privés qui orchestrent 80 % du commerce. Le chiffre d'affaires de Cargill, la plus grande firme américaine, atteint 140 milliards de dollars.

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