Haut de gamme Un créneau s'ouvre
Et pourquoi pas ? Les consommateurs peuvent être séduits par des propositions haut de gamme soignées.
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« Le client des produits fermiers est dit « éduqué ». Ce consommateur est sensible à l'économie sociale et solidaire, mais aussi au haut de gamme. Il a souvent plus de 45 ans, analyse Gilles Moreau, consultant en marketing, bon connaisseur de la vente directe. Aujourd'hui, la consommation se développe en sablier : on consomme du pas cher et du haut de gamme en délaissant la moyenne gamme. Les produits fermiers pourraient entrer dans le haut de gamme parce qu'ils intègrent un savoir-faire local, combiné avec une sécurité sur l'origine et un contact avec le producteur. Mais les agriculteurs sont encore trop producteurs. Ils devraient devenir davantage commerçants et utiliser les techniques de vente connues. »
UN UNIVERS SOIGNÉ
Une telle démarche se pratique sans complexe en Amérique du Nord : les producteurs vendent à la ferme en créant de beaux espaces de vente, des étals avenants avec des jeux de couleurs, des volumes de produits, des associations qui incitent à acheter sur place de quoi faire, par exemple, une salade complète. L'accueil est attentif. « Leurs prix sont supérieurs de 30 % aux magasins et pourtant ils vendent toujours plus. » Selon le consultant, « l'univers autour des produits doit être nickel : le packaging mais aussi la cour de ferme et la boutique. La présentation peut être théâtralisée ou mise en scène. »
PARADOXE
Michèle Aribaud, installée à Férolles (Loiret), vend des volailles prêtes à cuire dans un magasin très soigné situé dans sa ferme impeccable (voir p. 49). Elle s'interroge : « On peut dire que nous sommes dans le haut de gamme : nous nourrissons nos poulets à la main tous les jours avec nos céréales bio. Nos volailles sont sur des parcours enherbés. Nous avons planté des haies. Le stade ultime serait de mettre les poulets dans des épinettes et de les finir avec des produits laitiers ! Mais haut de gamme cela veut dire cher. Or, nous tenons à notre clientèle qui va de l'ouvrier au retraité aisé. C'est elle qui, par le bouche-à-oreille, a assuré nos débouchés. Nous ne voulons pas resserrer l'entonnoir. » Paradoxe fréquent que commente Virginie Thouvenin, conseillère valorisation des produits fermiers à la chambre d'agriculture de l'Isère. « Le contrat de base, qu'ont intégré les agriculteurs depuis longtemps, est de nourrir tout le monde. La plupart hésitent à se lancer sur un créneau qui réclame des produits rares et chers. Pour eux, un yaourt est un yaourt. Même si leurs produits ont des qualités peu communes, même s'ils critiquent le goût des yaourts ordinaires, ils sont tentés de s'aligner sur le prix de la GMS. Ils parlent du temps de travail nécessaire mais l'intègrent peu dans leur prix final. Ils se disent qu'à ce prix-là, eux-mêmes ne l'achèteraient pas. »
JOUER SUR LA GAMME
Pourtant, reconnaît Virginie Thouvenin, « les agriculteurs ne vendent pas seulement un produit alimentaire, ils vendent de la sécurité, de la proximité, de l'économie locale, du plaisir. Et parfois du haut de gamme. Mais on n'est plus sur un produit démocratique. Et tout doit suivre. » Le hautement qualitatif part du produit, en passant par la recette, le packaging, la disponibilité commerciale et le site internet. Pour exemple, un producteur de noix s'est engagé sur ce créneau, suite à un accident climatique qui lui avait fait perdre 95 % de sa production. Il a travaillé une petite gamme avec une présentation soignée pour épicerie fine.
Pour Anne Manach, conseillère à la chambre d'agriculture de la Manche, « le haut de gamme peut fonctionner. Je l'associe à des produits plus rares, comme la gelée de roses ou la confiture de fleurs. Avec une présentation réfléchie ; des petits pots en verre, des verrines de traiteur ou des bûches glacées. Mais s'il y a un haut de gamme, cela voudrait dire qu'il y a un bas de gamme ! Le sujet est complexe. » Une partie de la solution se cache dans la réponse de François Moinet, spécialiste des circuits courts (voir encadré expert) : « Dans haut de gamme, il y a gamme. Il peut être une niche qui tire vers le haut tout l'étal du producteur : un légume rare, une variété ancienne, une confiture d'exception. » Le tout, proposé avec une présentation soignée et une explication attentive du producteur. Un banc d'essai dont bénéficierait, ensuite, le reste de l'exploitation.
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