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La pénurie de phosphate n'aura pas lieu La pénurie de phosphate n'aura pas lieu

Le phosphate minéral est une ressource non renouvelable. Il devient donc primordial de raisonner son utilisation et de développer d'autres pistes.

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La question de la durabilité de la ressource en phosphate est une problématique pour notre agriculture. En effet, cette substance non renouvelable est indispensable pour assurer les rendements des cultures. Depuis l'industrialisation, à la sortie de la guerre, les quantités apportées sont bien plus importantes. On observe une décroissance des stocks mondiaux, et il devient légitime de se demander si ceux-ci seront suffisants pour les décennies à venir.

Pour comprendre cet enjeu, il faut distinguer le phosphate organique du phosphate minéral, qui représentent respectivement 70 et 30 % des apports. La consommation de phosphate organique est stable, car il provient principalement des effluents d'élevage, le cheptel français évoluant très peu. Cependant, ceux-ci présentent des taux de phosphate bien plus faibles que les amendements élaborés à partir de phosphate « roche ».

Les engrais minéraux proviennent de l'industrie minière, et la ressource est inégalement répartie sur la planète, comme l'indique la carte ci-contre. « Le Maroc a de loin le plus gros stock de phosphate, avec 50 milliards de tonnes, commente Gilles Poidevin, délégué général de l'Unifa (1). Puis vient la Chine, avec 3,7 milliards de tonnes. La Jordanie, l'Afrique du Sud, les Etats-Unis et la Russie ont des ressources situées entre 1,3 et 1,8 million de tonnes. »

UNE RESSOURCE INÉGALEMENT RÉPARTIE

En découlent deux éléments fondamentaux pour comprendre la hausse des prix des engrais phosphatés sur les marchés internationaux. Le premier provient de la raréfaction de la matière première et pose la question de sa durabilité. Les experts sont partagés et deux théories coexistent. La première émane d'une étude de l'USGS (2) datant de 2009, qui évoque un pic de production en 2030, suivi de risques de pénuries d'ici 125 ans. Toutefois, l'IFA (3) a jugé les connaissances actuelles sur les mines de phosphate obsolètes, et la quantité disponible, sous-estimée. De même, l'USGS a revu à la hausse les réserves de phosphore, de 15 à 65 milliards de tonnes. D'après Gilles Poidevin, « le pic de production de phosphore ne devrait pas avoir lieu avant 300 à 400 ans ».

Le second élément est la présence de cette ressource dans peu de pays. Ainsi, même si les perspectives de durabilité sont encourageantes, leur gestion échoit à quelques Etats, pouvant entraîner des problèmes géopolitiques. D'autre part, l'accroissement de la population mondiale induit une hausse de la demande en engrais phosphatés, qui pourrait être de plus de 40 % d'ici 2030. La loi de l'offre et de la demande fixant le prix de cette denrée, son coût devrait continuer à augmenter.

UNE HAUSSE DES PRIX

« Le prix des engrais phosphatés est indexé sur le marché mondial des céréales, commente le délégué général de l'Unifa. On observe une forte augmentation de leur coût depuis 2006. » A cela s'ajoute la volatilité des prix. L'année 2008 a, par exemple, vu le coût du phosphate augmenter de 700 %. Et même si les années suivantes ont connu un recul, « les prix restent élevés et devraient se stabiliser pour les années à venir. Ils permettent des investissements pour l'extraction du phosphore. C'est une industrie très intensive en capitaux ».

Le marché européen ne devrait pas connaître de grande instabilité, car son principal fournisseur est le Maroc, avec qui elle entretient de bonnes relations politiques. C'est le seul pays à pouvoir ajuster ses exportations et influencer structurellement les niveaux de prix mondiaux. La Chine et les Etats-Unis sont également de grands producteurs de phosphate, mais leurs minerais sont destinés en grande partie à leur marché intérieur.

Quant à la demande, elle est principalement déterminée par l'Inde. Ne possédant pas de gisement du minerai, le sous-continent pèse pour la moitié du marché mondial. Il est le premier importateur et le deuxième consommateur. Son influence sur le marché est très grande, notamment à travers sa politique de subventions.

L'UNION EUROPÉENNE VEUT DÉVELOPPER LE RECYCLAGE

En mars 2013, l'Union européenne a organisé la « première conférence européenne pour une gestion durable du phosphore », pour faire face au manque de gouvernance mondiale concernant cette ressource. La deuxième édition aura lieu en 2015. Les professionnels de la filière étaient réunis pour discuter de la création d'un marché européen du phosphore recyclé.

A l'issue des débats, il en est ressorti trois axes d'action pour augmenter l'efficience des apports de phosphore. Le premier concerne l'amélioration des pratiques culturales. Le second, l'innovation variétale, à travers des plantes ayant une meilleure absorption racinaire (lire l'encadré p. 39). Le troisième vise la mise en place d'une filière de recyclage du phosphore. Elle permettrait une plus grande indépendance des pays de l'Union européenne, par l'utilisation plus massive de phosphore organique. Un encadrement de l'utilisation des fertilisants phosphatés semble également inéluctable pour une gestion durable. La question est de savoir si ces volontés entreront en vigueur dans une future réforme de la politique agricole commune.

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