Une capitalisation sur le long terme Une capitalisation sur le long terme
L'implantation d'arbres sur une parcelle agricole engendre un faible coût. Toutefois, le retour sur investissement reste difficile à évaluer.
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Une majorité des systèmes agroforestiers ont été mis en place il y a moins de dix ans, ce qui rend leur analyse économique délicate. En outre, la valorisation des arbres aura lieu tardivement. Néanmoins, les investissements liés à leur plantation et à leur entretien sont relativement faibles. Sans prendre en compte les débouchés du bois, la marge brute de la culture intercalaire, calculée entre le semis et la récolte des arbres, représente environ 90 % de celle d'une parcelle agricole classique. Si l'on prend en compte la vente des produits issus de l'arbre, l'avantage économique est au rendez-vous.
INVESTISSEMENT MODESTE
L'investissement de départ pour installer un système agroforestier se situe autour de 700 € par hectare, d'après les agriculteurs rencontrés. Le tableau ci-dessous détaille les dépenses engendrées par la plantation des arbres, dont une grande partie pourrait être prise en charge par les aides (lire p. 34). Ensuite, les frais liés à leur entretien et à celui des bandes enherbées restent faibles. Pour l'agriculteur, une journée de travail par an et par hectare suffit.
Concernant la culture intercalaire, le manque de recul vis-à-vis des parcelles agroforestières rend difficile l'évaluation du coût des charges. D'un côté, on estime une légère baisse de la productivité à l'hectare, liée à une augmentation du temps de travail due aux manoeuvres en bout de champ et à des pertes d'amendements organiques sur les rangées d'arbres. De l'autre, dans de nombreux cas, le labour est abandonné et les intrants moins utilisés. Des travaux sont en cours pour chiffrer ces variations de charges.
Quoi qu'il en soit, avant d'entreprendre un projet d'agroforesterie, il convient de s'assurer que la trésorerie de l'exploitation puisse supporter ces éventuelles fluctuations, ainsi que la perte d'environ 3 % des revenus des cultures intercalaires (lire p. 36). Les plantations échelonnées sont fortement conseillées car elles limitent les impacts sur la trésorerie. Pour entrevoir son retour sur investissement, il est nécessaire d'intégrer les revenus issus de l'arbre.
La plantation de bois précieux reste préférable, afin de s'assurer un revenu. « Des bois tels que le noyer ou le merisier pourront être valorisés entre 100 et 1 000 €/m3 », explique Christian Dupraz, de l'Inra. Sur un hectare avec 50 arbres, l'exploitant dispose d'un potentiel de 40 m3 de bois d'oeuvre. Nous sommes sur des marchés de niche tels que l'ébénisterie, pour laquelle il y a aujourd'hui un réel manque de matière première. « En revanche, je ne conseille pas l'implantation de bois plus courants tels que le peuplier, qui bénéficie d'un prix de vente inférieur, autour de 30 €/m3 », poursuit-il. Par ailleurs, le bois issu de l'agroforesterie est apprécié car il présente des cernes plus larges et plus réguliers. Les arbres constituent une forme de capitalisation et le revenu dégagé par leur vente devrait compenser largement les baisses de celui sur les cultures intercalaires.
MARCHÉ DU BOIS PORTEUR
« Le bois a de l'avenir, certifie Jack Delozzo, agroforestier dans le Gers. On ne peut pas prévoir les prix et la conjoncture mais, a priori, il n'y aura pas de problèmes pour la commercialisation. » En effet, le bois est un matériau de substitution à de nombreux produits dérivés du pétrole. Une augmentation des prix est donc envisageable. En outre, « la demande française en bois précieux risque d'augmenter, explique Daniélè Ori, d'Agroof. Les importations provenant de l'exploitation des forêts dans les pays du Sud devraient diminuer, sous l'impulsion de politiques publiques de préservation des forêts et de l'augmentation du prix du pétrole. »
Des produits secondaires issus de l'arbre pourront également être valorisés par les agriculteurs, à plus court terme et plus régulièrement. Le bois issu de l'élagage est utilisable comme bois de chauffage ou comme élément fertilisant, pour faire du bois raméal fragmenté (BRF), par exemple.
La conjoncture du secteur du bois semble encourageante mais il est difficile de se projeter sur des pas de temps aussi importants. « La valorisation des arbres agroforestiers intervient des dizaines d'années après leur plantation, souligne Denis Flores. Nous sommes sur 40 ans pour le merisier et 60 à 80 ans pour le noyer. »
INCERTITUDES PERSISTANTES
D'une manière générale, le cumul des incertitudes portant sur les variations des charges de l'exploitation et du débouché bois rend difficile l'analyse économique. « Beaucoup d'éléments sont à prendre en considération pour établir une comparaison chiffrée entre les systèmes agricoles classiques et agroforestiers. Nous ne disposons pas encore de suffisamment de données », rapporte Alain Canet, directeur de l'Association française d'agroforesterie. Ce manque d'informations limite la diffusion de l'agroforesterie
En outre, les propos des agriculteurs laissent à penser que la filière du bois issu de l'agroforesterie est peu structurée. Pierre Gégu fait savoir qu'il « ne sait pas à qui vendre son BRF et son bois d'oeuvre, ni à combien ». Néanmoins, « il ne faut pas se focaliser uniquement sur les débouchés de l'arbre mais avoir une vision globale de l'exploitation intégrée dans son territoire », tempère Daniélè Ori. D'autant que les arbres ont un rôle d'épargne et peuvent faciliter la transmission de l'exploitation. Les avantages environnementaux et liés au paysage sont également une forme de valorisation économique.
La construction d'une filière agroforestière et sa labellisation sont aussi envisageables. Les prix de vente pourraient alors être revalorisés et la commercialisation mieux structurée. Si les politiques publiques s'engagent dans cette voie, les arbres s'enracineraient- ils plus dans les cultures ?
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