Choisir le bon système Choisir le bon système
La décision d'une exploitation agricole de se tourner vers l'agroforesterie découle de différents objectifs. Trois agriculteurs présentent leurs choix, en lien avec les spécificités de leurs productions et de leur territoire.
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Pierre Gégu souhaitait « innover » en produisant du blé, de l'orge et du chanvre sous des robiniers, des cormiers et des noyers. Agriculteur à Villiers-en-Désoeuvre, dans l'Eure, il a converti 7 ha sur les 137 de son exploitation, en 2010. Engagé dans un processus de « réduction des intrants », il aspire à un « retour de la biodiversité sur ses parcelles ». Et s'essayer à l'agroforesterie est une manière de « changer le regard des autres » sur son métier.
Jack Delozzo, agriculteur à Noilhan, dans le Gers, pratique l'agroforesterie sur 20 ha depuis 2007, avec des peuplements d'arbres plurispécifiques, des cultures associées et des couverts végétaux. Ce choix est en lien avec la conversion de son exploitation à l'agriculture biologique. « Mon objectif est de reconstituer un écosystème et d'être autonome. Et de transmettre une exploitation durable », explique-t-il, convaincu des bienfaits de l'agroforesterie pour l'environnement.
Quant à Denis Flores, son installation en agroforesterie a été le fruit du hasard. « Avec l'acquisition en 2010 d'anciennes parcelles de l'Inra consacrées à l'expérimention agroforestière, je me suis formé sur le tas, aidé par l'Inra et Agroof (1), et le livre « Agroforesterie, des arbres et des cultures » (2). » Il pratique le maraîchage biologique à Vézénobres, dans le Gard, sous une plantation de noyers. « Ce système offre de nombreux horizons à explorer. Les arbres tiennent le sol, le protègent et le fertilisent. Ils me permettent de cultiver une grande diversité de légumes. »
UNE TECHNIQUE ACCESSIBLE A TOUS
Comme en témoigne la situation géographique de ces trois agriculteurs, l'agroforesterie est possible du nord au sud de la France. De même, que l'on soit sur des systèmes agricoles conventionnels ou biologiques, l'implantation d'arbres dans les parcelles est valorisable. « La technique doit être accessible à tous. L'agroforesterie est une démarche vertueuse, elle ne doit pas être élitiste. L'approche agriculture biologique est un sujet plus large », assure Christian Dupraz, chercheur à l'Inra et spécialiste en agroforesterie.
Aujourd'hui, le nombre de projets en France est difficile à chiffrer. Il se situe autour de 8 000 et a doublé en dix ans. D'après Daniélè Ori, responsable formations et projets chez Agroof, « de plus en plus d'agriculteurs se lancent. Cependant, il n'y a pas de solution type, chaque cas est différent et nécessite l'acquisition de références pédoclimatiques et technico-économiques. » Quoi qu'il en soit, « l'agriculteur doit adopter une vision à plus long terme, comme le ferait un forestier », poursuit-il.
DES ESSENCES ADAPTÉES
L'agriculteur passe donc d'une vision d'avenir reposant sur le temps de sa rotation, à celle du temps de culture de l'arbre. Les espèces plantées sont principalement des bois précieux et seront valorisées sous forme de bois d'oeuvre et de biomasse (lire p. 38). Certaines associations arbres-cultures s'avèrent plus intéressantes mais il existe peu de références. Afin d'introduire l'arbre sans modifier le système de culture, il suffit de choisir les essences adaptées à l'environnement de l'exploitation en intégrant différents paramètres.
Le premier est l'ensoleillement : « Des essences sont prédisposées au contexte agroforestier, c'est-à-dire des arbres de plein soleil, comme le noyer, explique Daniélè Ori. D'autres, comme le merisier, peuvent souffrir de la lumière estivale. » Le choix de l'arbre va également dépendre de l'assolement. Son cycle végétatif doit être décalé par rapport à la culture intercalaire (celle entre les rangées d'arbre). Les arbres à débourrement tardif laissent le temps à la céréale d'hiver de fleurir avant qu'ils ne soient complètement feuillés. Des programmes de recherche sur la sélection d'essences agro-forestières sont en cours à l'Inra d'Orléans, dans le Loiret. Les chercheurs souhaitent promouvoir une sélection participative pour obtenir des espèces adaptées aux divers contextes pédoclimatiques. Au final, des analyses de sols préalables sont indispensables. Ainsi, Pierre Gégu a planté du cormier et du robinier adaptés à ses sols calcaires.
Chez Denis Flores, il s'agit de parcelles expérimentales mono-spécifiques de noyers datant de 1996. Pour lui, « un peuplement plurispécifique serait plus intéressant. Et la densité est trop importante, avec 100 arbres à l'hectare », du fait de l'ombre provoquée par le houppier. L'agroforesterie de « deuxième génération » préconise la plantation d'espèces locales à des densités faibles et des peuplements plurispécifiques. C'est le cas chez Jack Delozzo, avec 50 arbres par hectare, en mélange sur les parcelles. On trouve du cormier, de l'alisier, du noyer, du frêne, du chêne, etc. Ces espèces locales ont l'intérêt d'être moins sensibles aux maladies et nécessitent moins d'entretien. Quant à la diversité d'espèces, la variété de leur rythme de croissance permet d'échelonner la récolte des arbres dans le temps et d'atténuer les risques vis-à-vis du climat et des bio-agresseurs.
(1) Bureau d'étude spécialisé dans l'agroforesterie. (2) De Christian Dupraz et Fabien Liagre, Editions France agricole.
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