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Un poulet peut en cacher un autre Un poulet peut en cacher un autre

Les sélectionneurs s'appuient sur la diversité de leurs lignées pour créer des produits répondant aux différents marchés.

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Tous les poulets standard blancs sont-ils identiques ? Vous donnez votre langue au chat ? Imaginez le rayon volailles d'une grande surface et faites abstraction des signes officiels de qualité. Alors ? Toujours rien ? Et pourtant, il y a des différences. Sortons des linéaires de la grande distribution et rapprochons- nous des assiettes.

« Chez McDonald's, vous ne voyez ni la peau ni les os lorsque vous consommez un plat à base de poulet, décrivait Frédéric Grimaud, le président du directoire du groupe Grimaud, le 10 décembre dernier à Paris, lors du colloque organisé par le RMT (1) Economie des filières animales. C'est le rendement en viande qui compte. Chez KFC, vous êtes dans la situation contraire. Il faut un petit poulet de 1,6 kg coupé en morceaux et frit. En termes de production, cela n'a rien à voir. »

Toujours pas convaincu ? Alors allons faire un petit voyage hors de nos frontières. Pas très loin, en Allemagne ou en Angleterre. « Dans les linéaires des grandes surfaces, la diversité des produits est moindre, observe Daniel Guémené, le directeur du Syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français (Sysaaf). En revanche, la gamme de poids est beaucoup plus large : elle varie de 600 g en Angleterre à 3, voire 3,5 kg en Allemagne. Chez nous, l'objectif est en moyenne 2,2 kg. » Derrière cette étendue de la gamme se cache la diversité génétique. D'ailleurs, les souches utilisées à l'étranger ne sont pas les mêmes que dans l'Hexagone. Même si, lorsque la télévision nous montre des élevages en Allemagne, aux Etats-Unis ou au Brésil, les poulets à croissance rapide sont tous blancs.

Le groupe Grimaud est un des poids lourds mondiaux de la sélection avicole mondiale. « Nous réalisons 80 % de notre chiffre d'affaires à l'international, détaille Frédéric Grimaud. Nous ne vendons pas à l'étranger des produits utilisés en France. Nous écoutons les demandes des clients brésiliens, américains… Croyez-vous qu'ils attendent des poulets français ? Pas du tout. »

Et ce qui prévaut pour l'exportation, est valable dans l'Hexagone. Comme dans les autres filières animales, c'est le marché qui décide. Les sélectionneurs utilisent la variabilité génétique pour mettre au point le poulet qui répond à la demande. Pour fabriquer des nuggets à un tarif compétitif, ce ne sont pas les souches à croissance lente qui sont choisies. « Il faudrait trois fois plus d'aliment, calcule Daniel Guémené. Et il y aurait trois fois plus d'effluents. »

LES CROISEMENTS QUATRE VOIES

A la différence des filières bovines, le monde avicole ne travaille pas en race pure. A l'exception des races locales (lire l'interview ci-contre). Les entreprises sélectionnent des lignées qu'ils croisent pour obtenir les poussins de 1 jour destinés aux élevages de production. « La plupart des sélectionneurs mesurent les phénotypes et nous transfèrent les données, poursuit le directeur du Sysaaf. Nous calculons la valeur génétique des animaux selon les objectifs de sélection que définissent les entreprises. C'est de leur ressort, en fonction de leur vision des marchés. Puis, nous établissons la liste des candidats pour la reproduction et le plan d'accouplement, en tenant compte des généalogies. Nous veillons ainsi à l'évolution de la consanguinité dans ces populations fermées. Une sélection massale, basée uniquement sur le phénotype, a toutes les chances d'évoluer vers la perte de diversité génétique. »

C'est grâce à ces lignées aux caractéristiques diverses que les entreprises arrivent à produire des poulets qui répondent aux différents marchés. Il y a celui du grand export : des poulets entiers et congelés. Le standard est destiné aux rayons des grandes surfaces, entier ou en découpe, ainsi qu'à la restauration hors foyer. Le certifié, plus lourd, sert à la découpe et à la transformation. Les filières label et bio, qui imposent une durée minimale d'élevage, travaillent avec des souches à croissance lente. Alors, revenons à notre question de départ. Pourquoi les poulets standard ont tous des plumes blanches ? « Parce que lorsque le consommateur voit des sicots sur un produit standard, il ne l'achète pas, reprend Daniel Guémené. A l'inverse, voir des sicots sur un produit label est apparemment jugé comme un signe de qualité. Cela a conduit les sélectionneurs à blanchir le plumage des lignées utilisées pour les filières conventionnelles. Mais toujours en préservant la diversité génétique. Les entreprises connaissent les conséquences d'une mauvaise gestion de ce paramètre. C'est leur capital. »

(1) Réseau mixte technologique.

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