Des pommes de terre dans tous leurs état Des pommes de terre dans tous leurs états

« Nous nous insurgeons contre le discours actuel consistant à dire que la sélection végétale appauvrirait la diversité : notre outil de travail c'est la diversité végétale, atteste Frédérique Aurousseau, responsable scientifique création variétale au Comité Nord. Tous les ans, au Comité Nord, nous effectuons des croisements à partir de 200 variétés qui donnent potentiellement naissance à 85 000 nouvelles variétés. » La recherche demande de maîtriser de multiples caractères pour répondre à toutes les attentes : celles des producteurs, des industriels, mais aussi des consommateurs. Un premier axe de recherche : proposer aux professionnels des variétés qui assurent un rendement, donc un revenu, tout en répondant aux nouvelles normes environnementales. Pour cela, le travail s'oriente vers des plantes tolérantes à la sécheresse, moins gourmandes en nitrates et plus résistantes aux virus, aux nématodes et aux maladies comme le mildiou… Le partenariat entre tous les sélectionneurs français, réunis au sein de l'ACVNPT (Association de créateurs de variétés nouvelles de pomme de terre), avec l'Inra de Ploudaniel, a ainsi permis de sortir dernièrement des variétés d'intérêt : Stronga, qui combine les résistances aux deux espèces de nématodes à kystes, et Passion, qui a obtenu une note de 8 sur mildiou du feuillage.

« Il faut aussi apporter au consommateur de la diversité en termes d'usage culinaire. Dans notre schéma de sélection, nous prenons en compte très tôt ce facteur », confie également la généticienne. Ainsi, la teneur en matière sèche est appréciée pour classer les hybrides. Au niveau des sucres réducteurs, chez les sélectionneurs des tests de chips ou de frites sont réalisés à la récolte, en cours et en fin de stockage à 6-8 °C. Mais en consommation, la température approche plutôt les 4 °C, une pratique qui ne garantit pas la qualité. Les sélectionneurs commencent donc à regarder de près l'aptitude de leurs hybrides à ne pas trop sucrer à ces températures. « Mais une autre façon de regarder les choses est de privilégier une bonne aptitude à la conservation. Cela évite de mettre des inhibiteurs de germination, tout en stockant à 8 °C », juge Frédérique Aurousseau.

200 VARIÉTÉS AU CATALOGUE FRANÇAIS

Ce travail a permis d'inscrire 200 variétés au catalogue français. Et au niveau européen, le nombre approche les 1 500. Même si certaines sont plus présentes que d'autres sur les étals ou chez les industrielles, cette diversité génétique aboutit à une multitude de couleurs et de formes de tubercules. Près de 45 variétés sont inscrites dans la catégorie des pommes de terre de consommation à chair ferme, 140 à 150 en consommation « classique » et le restant en féculière. « La première classe demeure une spécificité française, une sorte de label qui intéresse les obtenteurs étrangers », informe Jean-Michel Gravoueille, ingénieur chez Arvalis. Pour être inscrite en « chair ferme », il faut répondre à des exigences en termes de taille, de tenue de cuisson, avoir une forme allongée et présenter certaines caractéristiques culinaires. Cette catégorie se vend donc à un prix plus élevé. Longtemps dominée par Charlotte, près de 95 % approvisionnent le marché du frais. Cela représente environ 30 % des achats en GMS.

GRILLE DE SEGMENTATION

Les autres pommes de terre de consommation présentent un bel aspect mais peuvent être différentes sur le plan gustatif. Elles fournissent plusieurs débouchés. Environ 150 000 t sont pour le créneau primeur : des pommes de terre immatures, mises en marché avant le 15 août. Avec près de 1 million de tonnes, le marché du frais présente des prix attractifs. Enfin 1 à 1,5 million de tonnes sont destinés à la transformation, un autre débouché conséquent. 75 % de la production est sous contrat, notamment chez McCain (voir encadré) pour les frites surgelées. Mais d'autres débouchés comme les chips, les flocons ou les pommes de terre stérilisées sont également possibles.

Pour les pommes de terre de consommation (à chair ferme ou non), une grille de segmentation culinaire est depuis plusieurs années proposée par le CNIPT (Comité national interprofessionnel de la pomme de terre). Simplifiée en décembre dernier et s'appuyant sur les caractéristiques techniques des variétés, elle permet de proposer aux opérateurs les modes de cuisson (frites, four, vapeur, à l'eau, rissolées ou sautées) les mieux adaptés aux lots. Ainsi, de la sélection de nouveaux hybrides en passant par leur inscription, les tests de post-inscription d'Arvalis, leur production jusqu'à la grille de segmentation, toute la filière se démène pour proposer de la diversité dans l'assiette du consommateur.

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