Accord sur la Pac Place maintenant à la négociation franco-française
Un accord de principe entre les trois institutions européennes est intervenu mercredi sur la Pac 2014-2020. C'est maintenant à la France de choisir le dispositif qu'elle retient. Verdict en septembre.
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La Commission, le Conseil (les Etats) et le Parlement européens sont parvenus à un accord sur la Pac dans la douleur, le mercredi 26 juin 2013 à Bruxelles, à l'issue de troisjours et deuxnuits d'âpres négociations. Ce vote de principe clôt un dialogue engagé il y a deux ans.
La satisfaction du travail accompli mais aussi le soulagement se lisaient sur les visages des ministres, des parlementaires et du commissaire européen, qui ont redouté jusqu'aux derniers instants un échec politique.
La codécision à l'épreuve du terrain
Pour la première fois, la négociation s'est déroulée dans le cadre de la codécision. Les Etats membres, déjà divisés, ont dû tenir compte de l'avis des eurodéputés. Pourtant, José Bové, d'Europe Ecologie Les Verts et vice-président de la commission agricole, acteur de toutes les négociations, estime que « le Parlement européen s'est couché ».
Quelques semaines plus tôt, l'institution avait pourtant menacé de ne pas donner son accord sur la réforme.
Pression des Etats ou des partis politiques les plus libéraux au sein du Parlement ? Toujours est-il que les eurodéputés ont cédé face à un Conseil intransigeant jusqu'au bout sur les derniers sujets en débat. Le plafonnement des aides sera facultatif, la dégressivité s'appliquera seulement à partir de 150.000 euros pour une exploitation et les quotas sucre prendront fin en 2017 (pas plus tard).
La gestion de l'après-quotas lait est repoussée à une réunion ad hoc en septembre. Les décisions relatives à la gestion des crises et, par exemple, à la fixation du prix d'intervention, sont réservées au Conseil, alors que le Parlement réclamait la codécision sur ces questions.
« C'est symptomatique de l'état d'esprit du Conseil. Il n'accepte pas la codécision », constate José Bové, qui se désolidarise de ses collègues.
Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont opposé un veto catégorique sur ces dispositifs.
Une Pac à la carte
Au-delà de cette guerre de pouvoir, les observateurs s'accordent à dire que c'est une Pac à la carte qui vient d'être entérinée, chaque pays prenant dans chaque paquet (aides couplées, verdissement, convergence...) les mesures qui l'intéressent.
Stéphane Le Foll a déjà montré son inclination. Voici les éléments essentiels de la réforme qui impacteront les aides des agriculteurs français à partir de 2015 :
• Aides directes (premier pilier)
En 2019, tous les paiements de base devront avoir convergé vers un montant représentant au minimum 60 % de la moyenne nationale de l'aide à l'hectare, sans que cela puisse entraîner une perte de plus de 30 % pour chaque agriculteur.
A ce paiement de base (1) s'ajoutera le paiement « vert » (30 % des aides directes), versé à condition de respecter trois mesures élémentaires : la diversité des cultures, le maintien des prairies permanentes et des surfaces d'intérêt écologique (5 % en 2015, puis 7 % en 2017).
Les conditions d'application de ces trois mesures se sont nettement assouplies depuis la première proposition de la Commission européenne à la fin de 2011.
Tous les agriculteurs bénéficieront d'un troisième paiement dit « redistributif », qui correspond pour la France à une surprime (dont le montant est à définir) des cinquante premiers hectares de chaque exploitant.
Des aides couplées pourront être octroyées aux productions déjà éligibles aujourd'hui à ce dispositif (bovin viande, veau sous la mère, ovin, caprin...) dans la limite de 13 % de l'enveloppe nationale des aides directes.
Pour la première fois, les protéagineux accèdent aussi à ce Graal avec une enveloppe de 2 %.
Enfin, les jeunes agriculteurs verront leur paiement de base majoré dans la limite de 2 % de ce même budget.
• Soutiens au développement rural (second pilier)
L'ICHN (indemnité compensatoire de handicaps naturels) sera plafonnée à 450 euros par hectare, contre 300 euros aujourd'hui.
Paris souhaite également la fusionner avec la PHAE (prime herbagère agroenvironnementale), par souci de simplification et d'efficacité.
Les MAE (mesures agroenvironnementales) vont être revisitées pour ne pas empiéter sur les mesures de verdissement et éviter ainsi que les agriculteurs perçoivent deux aides pour la mise en oeuvre d'une seule pratique « vertueuse ».
Le dispositif relatif à l'installation perdure dans le second pilier, comme les aides à l'investissement (mises aux normes), mais le ministère de l'Agriculture pourrait l'adapter à sa vision de l'agriculture, tournée vers l'agroécologie.
Par ailleurs, 30 % au minimum du budget de développement rural devra être consacré à des mesures favorisant la biodiversité, préservant la qualité de l'eau et tenant compte du changement climatique.
Dans cette enveloppe est compris le soutien spécifique aux zones à contraintes naturelles dont la mise en oeuvre est reportée à 2018.
De nombreux autres dispositifs (quotas, assurance, interprofessions et organisations de pro- ducteurs...) du second pilier (cofinancés par l'Europe et l'Etat, ou ses collectivités territoriales) sont dans le texte européen.
Concertations françaises
Place maintenant à la négociation franco-française (lire l'encadré). Les agriculteurs devraient connaître toutes les règles du jeu en septembre. Il reste tout de même encore une incertitude : le budget global de l'UE pour 2014-2020 et la part réservée à la Pac.
Les négociations patinent encore et le Parlement européen ne donnera pas son aval définitif pour l'agriculture avant.
Dans l'état actuel du débat, la France préserve son budget, avec 7,7 milliards d'euros pour le premier pilier et 1,4 milliard pour le second, avec des possibilités de transferts de l'un vers l'autre.
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1) De façon caricaturale, ce paiement correspond à peu près au DPU moins la valeur du verdissement, soit un peu moins 90 €/ha en moyenne nationale.
Un été studieux en perspective
Le ministre français ne cache pas sa joie. « Nous avons négocié ce que nous voulions pour la France », s'est félicité Stéphane Le Foll lors de sa présentation mercredi en début d'après-midi, heureux d'apprendre que le Parlement venait juste d'adopter l'accord du Conseil des ministres européens.
Le nouveau cadre européen pour 2014-2020 permettra, selon lui, à la France de construire une Pac « plus juste envers les éleveurs , plus verte, plus régulatrice et tournée vers les jeunes ».
Les discussions avec les organisations professionnelles représentatives vont pouvoir commencer dans une quinzaine de jours (début de juillet) pour fixer les règles du jeu françaises.
Stéphane Le Foll espère que cette concertation sera finalisée en septembre, pour tenir compte de certains dispositifs (Gaec, organisation de producteurs, etc.) dans la prochaine loi d'avenir (débattue au Parlement français au début de 2014).
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