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Bénéfices avérés et perspectives thérape Bénéfices avérés et perspectives thérapeutiques

Protection cardiovasculaire, prévention des infections digestives, endurance musculaire : voilà trois effets démontrés par la médecine anglo-saxonne.

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Grâce au flux nourri de publications scientifiques, il est maintenant prouvé que c'est via leur transformation en ions nitrite puis en NO (oxyde nitrique) que les nitrates alimentaires exercent des effets bénéfiques. Nombre d'études montrent ainsi – sans controverse – que nitrates et nitrites jouent un rôle de premier plan dans la protection du système cardiovasculaire (voir nos compléments web). Ils induisent notamment un relâchement des cellules musculaires entourant les vaisseaux sanguins, ce qui favorise la circulation sanguine et diminue la tension artérielle. Ils contribuent aussi au maintien de l'élasticité des artères, à la prévention de l'agrégation plaquettaire (en cause dans l'athérothrombose). D'où un rôle envisagé de prévention des risques d'infarctus, de thromboses et d'accidents vasculaires cérébraux.

L'autre grand rôle avéré des nitrates est leur action protectrice contre les agents pathogènes. C'est connu depuis la nuit des temps pour la protection des denrées (salaisons). C'est vrai aussi pour l'organisme humain, où ils contribuent à la prévention des infections digestives.

Dernier axe majeur : l'effet sur les muscles, la consommation en oxygène et l'endurance avec des choses bien comprises et d'autres qui restent à éclaircir. En tout cas, le monde sportif n'a pas attendu d'avoir toutes les réponses pour se saisir de la question (voir page 48). L'Institut australien du sport (AIS), une organisation dépendant du gouvernement, a réalisé en novembre 2011 une note de synthèse très instructive sur cette utilisation (voir nos compléments web).

« Contrastant avec les inquiétudes des dernières décennies, il y a maintenant des preuves que des bienfaits pour la santé sont associés à un régime riche en nitrates », estime l'Association australienne des diététiciens du sport (SDA). « Les effets bénéfiques liés au fait de manger des fruits et légumes l'emportent sur les risques potentiels pour la santé humaine d'une exposition aux nitrates à travers les légumes », reconnaissait, dès 2008, et sans trop « se mouiller », l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

APERCU DES RECHERCHES EN COURS

L'infographie de la page précédente montre que les recherches en cours sur les nitrates partent dans de nombreuses directions, la plupart du temps en liaison avec les effets déjà connus du NO. Et à l'évidence, la lutte contre l'hypertension est la piste la plus explorée. A la pointe de ces investigations, le William Harvey Research Institute de Londres recourt pour ses travaux... au jus de betterave rouge : une étude réalisée par l'équipe du Pr Amrita Alhuwalia et publiée en 2010 dans la revue Hypertension (de l'American Heart Association) – confirmée depuis par d'autres expériences – a montré que la pression sanguine est réduite dans les quelques heures qui suivent l'absorption de ce breuvage et que son effet dure 24 heures. Et que ce sont bien les nitrates absorbés à cette occasion qui sont à l'origine de cette diminution significative, grâce à l'augmentation d'oxyde nitrique dans le sang. « Nous avons prouvé qu'il suffit d'une petite dose (environ 250 ml de jus de betterave) pour agir et que plus la tension artérielle est élevée au départ, plus elle diminue grâce aux nitrates », commente le Pr Alhuwalia. Jusqu'à présent, les effets protecteurs des régimes riches en légumes ont été attribués aux antioxydants qu'ils contiennent, mais il se pourrait donc qu'une autre explication émerge... Ces recherches suggèrent aussi que l'on pourrait envisager de prévenir ou de traiter l'hypertension avec des moyens naturels et peu onéreux.

Les scientifiques veulent savoir à partir de quelle dose minimale de nitrates un effet intéressant sur la tension artérielle apparaît. Une étude de l'université de Reading (Royaume-Uni) a montré que 100 g de jus de betterave (soit 143 mg) produisaient un effet significatif. Des pains enrichis à la betterave rouge (et à la betterave blanche) ont également été testés avec succès. Considérant que les Anglais ne mangent pas assez de légumes mais qu'ils sont gros consommateurs de pain, les scientifiques se demandent s'il n'y aurait pas là un moyen astucieux de leur faire ingérer des nitrates à visée thérapeutique. L'université d'Aberdeen teste également des hamburgers enrichis à la betterave rouge. Reste à vérifier que ce qui s'observe chez le sujet non hypertendu s'applique aussi à un patient hypertendu.

Grâce à des mesures par IRM, le Science Center de la Wake Forest University (Etats-Unis) a montré chez des adultes de plus de 70 ans que l'ingestion de nitrates (jus de betterave) se traduisait par une augmentation du flux sanguin dans les régions du cerveau qui ne sont pas suffisamment irriguées lors du vieillissement et qui sont suspectées d'être impliquées dans la démence sénile et les troubles cognitifs. Ce centre va prochainement démarrer une expérience « nitrates » avec des malades atteints à la fois d'artériopathie des membres inférieurs et de diabète de type 2. Au Népal, une expédition médicale « Xtreme Everest 2 » est partie début mars pour procéder à une batterie d'expériences sur des volontaires afin de mieux comprendre l'adaptation du corps humain à l'altitude. Les phénomènes physiologiques liés au NO et au mal aigu des montagnes vont être scrutés de près. Le camp de base où ces volontaires vont séjourner pendant près de trois mois est situé à 5 300 m d'altitude. Une étude a déjà montré que des Tibétains vivant à 4 200 m avaient neuf fois plus de nitrates dans le sang que des Américains vivant à 260 m, ce qui interpelle les chercheurs.

DÉBAT CONCERNANT UNE UTILISATION PROLONGÉE

En Grande-Bretagne où l'intérêt du jus de betterave a été largement médiatisé (plus d'une centaine d'articles dans la presse grand public et sportive ainsi que des couvertures radio, télé...), le questionnement lié à une utilisation régulière des nitrates s'est vite posé. Dans le Daily Telegraph (30 avril 2012), le Pr John Dearden, toxicologue, s'inquiète du risque de cancer de l'estomac. Le Pr Nigel Benjamin (Peninsula College of Medecine, université d'Exeter), codécouvreur de la voie entéro-salivaire, lui répond deux semaines plus tard en expliquant que les autorités internationales, notamment l'OMS, se sont déjà penchées sur les risques liés aux nitrates des légumes et que « toutes sont d'accord pour dire qu'il n'y a pas de risque notable de cancer ». Il ajoute qu'« il y a tout lieu de croire que la forte concentration de nitrates dans des légumes comme la betterave contribue à leurs avantages considérables pour la santé ».

Un an plus tôt, en mars 2011, la diététicienne en chef du St George's Hospital de Londres s'inquiète, dans un article écrit pour le Daily Mail et consacré aux produits neutraceutiques, de l'arrivée du jus de betterave rouge concentré : « Je trouve préoccupant que cette petite bouteille de 70 ml procure 30 fois plus de nitrates que le maximum prescrit médicalement pour soigner l'angine de poitrine. »

Dans une réponse publiée par ce journal, le Pr Jon Lundberg du Karolinska Institute (Suède) fait valoir que son équipe a « récemment démontré une diminution sérieuse de la pression artérielle et les effets protecteurs sur les vaisseaux du jus de betterave. Les résultats ont été publiés dans des revues médicales de haute qualité, y compris le New England Journal of Medicine et Hypertension. »

« MÉLI-MÉLO » CHEZ LES SPORTIFS

Il fait remarquer que pratiquement rien n'a été ajouté dans le produit auquel cette diététicienne se réfère (Beet It Shot), contrairement aux neutraceutiques. « Ce produit est simplement un concentré de jus de betterave avec l'ajout d'un peu de jus de citron, rien d'autre ! Ce qui est encore plus alarmant, c'est que vous ne semblez pas être au courant de la différence entre « nitrate organique » et « nitrate inorganique ». Le nitrate qui se trouve naturellement dans la betterave et d'autres légumes est le « nitrate inorganique » qui est fondamentalement différent de la trinitrine et d'autres médicaments faisant partie des « nitrates organiques » que vous évoquez. Vous devez comprendre que des articles comme celui-ci créent pour nous, les scientifiques, de grandes frustrations. Car des avancées majeures ont été réalisées durant les cinq à huit dernières années et le potentiel thérapeutique est maintenant révélé. » Pour autant, l'équipe du Karolinska Institute n'en oublie pas de faire assaut de prudence : dans le Journal of Applied Physiology, en 2011, elle formule des mises en garde relatives à la grande confusion qui s'est instaurée chez les sportifs entre nitrates et nitrites. Et notamment vis-à-vis de produits du commerce comme les sels de nitrite qui peuvent à haute dose avoir des effets potentiellement dangereux. Le distinguo à faire entre nitrates de l'alimentation et nitrates « organiques » est aussi rappelé. Elle fait remarquer que la dose qui a permis dans les études de réduire le coût en oxygène pour les sportifs se situe dans la plage de 300 à 500 mg de nitrates et qu'il n'y a pas de preuve que des doses plus fortes amélioreraient les performances.

Ces chercheurs sont rejoints par ceux de l'université d'Exeter qui expliquent dans cette même publication qu'eux aussi n'ont jamais recommandé l'usage incontrôlé de sels de nitrate ou de sels de nitrite chez les sportifs et dans le reste de la population. Mais ils s'accordent à dire, comme l'équipe de Lundberg, « qu'avec des sources naturelles de nitrates comme les légumes ou les jus de légumes, ils n'entrevoient pas de risque aigu ». Le Pr Jason D. Allen du département cardiologie du Duke Medical Center suggère malgré tout la prudence aux patients atteints de maladies cardiovasculaires traités par des « nitrates organiques » ou encore aux sujets prenant du Viagra ou du Cialis. Y a-t-il des interactions entre ces médicaments et de forts apports en nitrate d'origine alimentaire ? Même si on n'a pas aujourd'hui toutes les réponses aux questions que pose l'utilisation de nitrates alimentaires, le faisceau de preuves déjà réunies montre en tout cas que les chercheurs sont sur une piste extrêmement prometteuse...

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