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Des normes et des griefs fragiles Des normes et des griefs fragiles

Voilà sur quoi repose l'acte d'accusation des nitrates et les principales réglementations qui les encadrent.

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Durant les cinquante dernières années, les nitrates ont été perçus comme une menace potentielle pour la santé humaine et les normes édictées ont renforcé cette conviction dans l'opinion. Deux griefs leur ont été principalement imputés : le risque de maladie bleue (lire l'encadré page 41), qui a abouti à la réglementation sur l'eau de boisson, et le risque de cancer.

Les preuves se sont désormais accumulées pour montrer qu'une eau nitratée ne peut être dangereuse pour le nourrisson que si elle contient une très grande quantité de bactéries (un million de bactéries par ml). Ce sont des conditions que l'on pouvait avoir il y a soixante ans, quand les puits desquels on tirait l'eau de boisson pouvaient être pollués par des écoulements provenant de tas de fumier ou de fosses d'aisance trop proches. Mais ce n'est plus possible maintenant, à moins d'être extrêmement négligent en matière d'hygiène.

Les autorités sanitaires européennes et internationales planchent depuis des décennies sur le risque théorique de cancer. Sans jamais parvenir à faire la démonstration d'un lien avéré chez l'être humain. En 2003, le comité d'experts de l'OMS et de la FAO (JECFA) concluait que « les études épidémiologiques n'ont pas montré d'augmentation consistante de risque de cancer avec l'accroissement d'une consommation de nitrates » et que celles-ci « ne fournissent pas la preuve que le nitrate est carcinogène pour l'homme ». Et, en 2008, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) statuait dans des termes très voisins : « Rien n'indique que l'apport en nitrates provenant de l'alimentation ou l'eau potable est associé à une augmentation du risque de cancer. »

PEUR DES NITROSAMINES

La logique de suspicion est la suivante : les nitrites qui se forment à partir des nitrates ingérés pourraient réagir avec des amines secondaires pour donner dans l'estomac des nitrosamines, des composés réputés carcinogènes à fortes doses chez l'animal. Des nitrites peuvent aussi être absorbés directement via des viandes transformées. Si cette transformation nocive, dite de « nitrosation », a été montrée au laboratoire, en éprouvette et avec certaines espèces animales, chez l'homme, les quantités de nitrosamines formées à partir des nitrates et des nitrites alimentaires sont infimes. Elles seraient insuffisantes pour avoir une toxicité chronique.

Pour autant, la communauté scientifique n'est pas unanime et le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), pourtant membre de l'OMS citée plus haut, persiste à faire entendre sa différence. Dans un avis de 2006, réitéré dans la monographie finale publiée en 2010, il a classé « l'ingestion de nitrates et nitrites alimentaires dans des conditions résultant d'une nitrosation endogène » comme « probablement carcinogène pour l'homme » (voir nos compléments web), tout en estimant qu'il n'existe pas de preuves suffisantes chez l'homme concernant la cancérogénicité des nitrates dans l'eau de boisson et les aliments. Dans une publication parue dans Food and Chemical Toxicology (octobre 2012), le Pr Bryan et son équipe du Texas Health Institute font valoir que le CIRC appuie ses conclusions sur des articles de qualité défectueuse et que les études de cohorte, connues pour apporter les informations les plus fiables et sorties depuis 2006, « n'orientent nullement vers une augmentation du risque de cancer de l'estomac ». Contrastant avec cette controverse scientifique, de nombreuses études médicales montrent que mettre l'accent sur la consommation de fruits et de légumes réduit le risque de former dans l'organisme des composés nocifs. Si nitrates et nitrites étaient dangereux, on devrait voir en toute logique une augmentation des cancers chez ceux qui suivent de tels régimes alors que c'est l'inverse qui se produit. Les distributeurs d'eau ne sont pas sans ignorer cette réalité sanitaire : dans un dépliant destiné au grand public (voir nos compléments web), Veolia Eau reconnaît, dans une pirouette édifiante, que « les nitrates ne sont pas un problème de santé publique, mais leur présence est un signe de pollution humaine et de dégradation du milieu naturel ». Autrement dit, cela ne change rien pour nous, opérateurs...

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