Une solution complémentaire à la lutte c Une solution complémentaire à la lutte chimique
Principalement utilisés en arboriculture et en cultures légumières, les produits d'origine naturelle entrent peu à peu dans le champ des grandes cultures.
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Le bio-contrôle a le vent en poupe. Encouragé par la législation européenne comme moyen de diminuer l'usage des pesticides, il repose sur l'utilisation de produits d'origine naturelle pour contrôler les bio-agresseurs. On distingue quatre principales familles de produits : les macro-organismes auxiliaires (insectes, acariens, nématodes), les microorganismes (bactéries, champignons, virus), les médiateurs chimiques (phéromones) et les extraits de substances naturelles (d'origine végétale, animale ou minérale). Loin d'être cantonnée à l'agriculture biologique, la méthode se développe depuis de nombreuses années dans les vergers ou les cultures sous serre. Dans le domaine des grandes cultures, en revanche, les produits de bio-contrôle homologués se comptent sur les doigts de la main et leur utilisation est rare.
Pressentant un marché grandissant, lié au durcissement des réglementations environnementales et sanitaires, les entreprises s'intéressent de plus en plus à cette méthode de protection des cultures (lire p. 42). Une orientation qui demande un investissement important, la procédure d'homologation étant la même que pour les spécialités chimiques.
LUTTE ALTERNATIVE CONTRE LES MALADIES
Substances naturelles. Les propriétés fongicides de produits d'origine minérale comme le cuivre et le soufre étaient connues avant l'arrivée des produits chimiques et ils sont encore utilisés en agriculture biologique. Mais l'usage de ces substances a montré ses limites en raison de leur toxicité pour les microorganismes du sol (l'apport de cuivre est limité à 6 kg/ha/an). Autre produit issu du minéral, le bicarbonate de potassium (Armicarb) est homologué contre l'oïdium de la vigne et sur des cultures fruitières et légumières. Des produits à base de substances végétales ont également une action fongicide, mais beaucoup sont en attente d'homologation. La laminarine, issue d'extraits d'algues et substance active d'Iodus 2 Céréales, est homologuée contre l'oïdium, le piétin verse et la septoriose du blé. Des essais initiés par Arvalis contre la septoriose ont cependant montré que l'efficacité n'égalait jamais celle d'une pleine dose de fongicide. Iodus 2 Céréales cède sa place à Vacciplant Grandes Cultures, qui s'utilise en association avec une dose réduite de fongicide. Particularité de la laminarine, c'est un stimulateur de défenses des plantes (SDP).
Des molécules ayant un effet similaire sont connues depuis trente ans, mais le développement des produits a été mis en sourdine. Aujourd'hui, des travaux de recherche sont en cours pour caractériser d'autres molécules d'origine naturelle et mesurer leur efficacité au champ (lire l'encadré p. 38). De nombreux fertilisants revendiquent un effet sur la « vitalité des plantes » et des produits possèdent une homologation « stimulateurs de défenses naturelles ». Tous ne sont pas issus de substances naturelles et n'entrent pas dans le cadre du bio-contrôle : Bion WG, homologué contre l'oïdium du blé, contient un analogue de l'acide salicylique, tandis que trois produits à base de phosphanate de potassium sont autorisés sur vigne et plusieurs cultures légumières.
Microorganismes. Un fongicide à base de bactéries, Cerall, est le seul traitement de semences naturel autorisé contre les caries, fusarioses et septorioses du blé. Selon Arvalis et le Cetiom, il est efficace à des niveaux de contamination modérés. Plusieurs spécialités à base de champignons ont également des effets fongicides. C'est le cas de Contans WG, utilisé contre le sclérotinia en traitement de sol (lire ci-dessus). Recommandé par le Cetiom, il permet de diminuer le potentiel infectieux du sol, ainsi que les attaques à long terme sur colza mais aussi sur tournesol et soja, pour lesquels aucune lutte fongicide n'est possible contre cette maladie.
AUXILIAIRES ET PHÉROMONES CONTRE LES RAVAGEURS
Macroorganismes. Les insectes auxiliaires représentent la part la plus importante des produits de bio-contrôle. Ils sont surtout utilisés en production hors-sol et sous abri, les conditions semi-contrôlées permettant une meilleure efficacité qu'en plein champ. Plus de 1 600 ha de cultures légumières sous abri sont protégés par les macroorganismes. Outre les insectes prédateurs (qui tuent leurs proies) et parasitoïdes (dont les larves se nourrissent d'un seul individu hôte) qui luttent contre les pucerons, les cochenilles ou les cicadelles, certains acariens font aussi office d'auxiliaires. Ainsi, les typhlodromes sont des prédateurs d'acariens phytophages, naturellement présents dans les vignobles mais aussi dans les vergers. En favorisant ces populations, le niveau d'acariens ravageurs est maintenu très bas (1). Sur fruits, légumes et cultures ornementales, ils sont utilisés contre les aleurodes et les thrips. En grandes cultures, un seul exemple de lutte à l'aide d'insectes auxiliaires existe : l'utilisation de trichogrammes contre la pyrale du maïs, qui représente environ 120 000 ha, soit 25 % des surfaces traitées contre la pyrale (lire l'encadré p. 41).
Enfin, certains nématodes entomopathogènes (qui infectent les insectes) peuvent parasiter les larves de certains ravageurs comme les otiorhynques sur cultures fruitières, les charançons sur cultures légumières et les chrysomèles sur maïs. Plusieurs spécialités commerciales à base d'Heterorhabditis bacteriophora se présentent ainsi comme des alternatives à la lutte chimique dans les zones à risque de chrysomèle.
Phéromones. Bien qu'intrants de synthèse, les phéromones ne sont pas comptabilisées dans le calcul de l'IFT (indice de fréquence de traitement) et sont autorisées en agriculture biologique. Utilisée dès les années 1990, la confusion sexuelle a permis une diminution des traitements, notamment en production fruitière. Cette technique est utilisée contre le carpocapse des pommes et des poires et contre la tordeuse orientale du pêcher dans plus de 40 % des cas. Elle est aussi utilisée contre les tordeuses de la vigne mais son coût élevé est un frein à son adoption : en France, moins de 3 % des surfaces sont protégées par cette méthode, principalement dans les vignobles à haute valeur ajoutée, contre 80 % en Allemagne, où les agriculteurs reçoivent des subventions pour cette utilisation. Les phéromones sont également utilisées sur plusieurs cultures dans des pièges, soit pour détecter la présence des ravageurs et optimiser les traitements, soit pour effectuer un piégeage de masse.
Microorganismes. Des insecticides biologiques sont également utilisés lorsque la confusion sexuelle n'est pas autorisée ou pour en renforcer l'efficacité. L'exemple le plus connu est l'utilisation des toxines de la bactérieBacillus thuringiensis (Bt), homologuée contre les lépidoptères en arboriculture fruitière et sur certains légumes. Une souche de Bt est par ailleurs spécifique aux larves de doryphores et homologuée sur pommes de terre et aubergines (Novodor FC). Ces bactéries présentent aussi une efficacité contre la pyrale mais ne sont pas autorisées sur maïs en France.
Trois spécialités à base de champignons sont également utilisées pour leur action insecticide sur cultures légumières et ornementales. Parmi elles, Met 52, à base de Metarhizium anisopliae, infecte les coléoptères et a montré une bonne efficacité contre les otiorynques du fraisier. Selon Arvalis, ces produits pourraient être prometteurs en grandes cultures, notamment contre les taupins sur maïs et pommes de terre.
COMPLÉMENTARITÉ DES ACTIONS
Spécialistes et utilisateurs s'accordent sur ce point : le bio-contrôle n'est pas le pendant biologique de la lutte chimique. L'efficacité de ces produits n'étant pas aussi spectaculaire que celle des pesticides, ils n'ont pas vocation à les substituer mais sont un des moyens à combiner pour gérer la pression des bio-agresseurs, avec le choix des variétés, la rotation, les pratiques culturales... A ce titre, le bio-contrôle entre pleinement dans le cadre de la protection intégrée. « La protection des cultures doit bénéficier d'une gamme élargie de solutions, et le bio-contrôle est un des leviers », analyse Nathalie Verjux, d'Arvalis. Outre la diminution de l'IFT, on peut y voir la possibilité de pallier le manque de spécialités chimiques pour certains usages, d'apporter une alternance dans les modes d'action et de limiter les phénomènes de résistances. Ces produits peuvent s'avérer également utiles dans les zones d'alimentation de captage ou pour éviter les résidus de pesticides lorsque les spécialités chimiques présentent des restrictions sur les délais avant récolte.
Si ces produits de bio-contrôle ont souvent des avantages en matière de respect de l'environnement et de santé humaine, des limites restent à lever avant que leur adoption se généralise. Ils sont plus souvent « monocibles » et peuvent poser des problèmes de logistique (durée et modalités de conservation à la ferme). Leur efficacité en plein champ peut aussi être variable selon les conditions d'application (météo) et leur coût est souvent élevé. Les projets collaboratifs entre recherche, instituts techniques et entreprises se sont multipliés ces dernières années. Pour certaines utilisations, comme le désherbage, aucun bioherbicide n'est encore homologué. Sur pommes de terre, Arvalis a mené des essais de défanage mécanique combiné à l'usage d'un produit d'origine naturelle qui ont montré des résultats intéressants, comparables à l'efficacité des défanants chimiques. D'autres produits sont en attente d'homologation et les firmes comptent sur une avancée de la réglementation, permettant d'obtenir une procédure allégée.
(1) Lire « La France agricole » n° 3469 du 11 janvier, page 26.
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