Transmission-reprise Recherche associé pour transmettre en douceur (22-02-2013)
Les sociétés peinent à trouver un associé pour remplacer les départs à la retraite. Pourtant, l'association offre nombre d'avantages aux cédants et aux repreneurs.
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Entre 30 et 50 % des offres des répertoires départementaux à l'installation (RDI) sont déposées par des sociétés alors que l'essentiel des demandes concerne des porteurs de projets individuels.
Les conseillers des RDI du Poitou-Charentes ont imaginé une façon originale de faire se rencontrer les jeunes porteurs de projets et les exploitants en quête d'associés : le « farm dating », concept inspiré des « speed dating » amoureux.
La première édition s'est déroulée en décembre 2012 et a réuni 25 candidats à l'installation « aux motivations diverses » et une quinzaine d'exploitants. « Nous avions cerné que la principale difficulté de ces derniers était de réussir à se vendre », explique Jean-Pierre Charron, conseiller dans les Deux-Sèvres.
Ils ont tendance à penser qu'ils offrent ce qu'il y a de mieux sans réellement prendre en compte les souhaits des jeunes. A l'inverse, le conseiller admet que « les porteurs de projet manquent parfois de maturité et d'ouverture ».
Lors de ces rencontres « ils sont souvent restés campés sur leur projet initial, sans chercher à s'ouvrir sur d'autres situations plus vivables et avantageuses financièrement ».
Toutefois, une dizaine de rendez-vous ont été programmés sur des exploitations, « autant de possibilités nouvelles d'envisager une collaboration et un futur projet d'association », se félicite Jean-Pierre Charron.
L'ensemble des participants a apprécié l'initiative qui doit se renouveler cette année. Associer un tiers dans une société familiale est possible.
Jacques, Ludovic et Romain, trois agriculteurs de générations différentes, le prouvent. Au Gaec de la Girarderie, à Gouville-sur-Mer dans la Manche, on produit du lait (740.000 litres de quotas).
Cet outil familial, créé par Jacques Hedouin et son frère Henri à la suite de leur père, s'est récemment ouvert à un « hors-cadre », Romain, jeune agriculteur de 23 ans.
Concession familiale
« Depuis 2005, nous cherchions un associé pour remplacer mon oncle Henri, qui devait partir à la retraite en 2012, se souvient Ludovic, 39 ans, le cadet des associés. Nous étions au RDI mais ça n'a rien donné. »
Selon lui, beaucoup de jeunes y sont inscrits pour s'installer en individuel avec des projets bien précis qui ne sont pas envisageables sur les exploitations à transmettre.
« J'avais d'abord dû faire une croix sur un rêve de gosse. Renoncer à travailler avec mon frère qui ne souhaitait pas s'installer et le remplacer par un tiers », évoque Ludovic avec une certaine nostalgie.
« Pour mon père qui a construit cet outil économique dans un objectif de transmission familiale, ça a aussi dû être dur de voir quelqu'un d'extérieur s'y installer », présume-t-il.
Car Romain, en plus d'être devenu associé du Gaec en juillet 2012, a acquis la maison familiale dans laquelle plusieurs générations de Hedouin ont été élevées.
« Mon grand-père tenait à ce que je reprenne la maison, continue Ludovic, mais j'avais mon foyer ailleurs et c'est avec beaucoup de plaisir que je l'ai laissée à Romain. Cela lui a donné une véritable place au sein de l'exploitation. »
Support contre les difficultés
« J'ai toujours voulu devenir éleveur », affirme Romain. Après des études en lycée agricole, il est embauché dans une entreprise de travaux agricoles et travaille comme vacher de remplacement. C'est ainsi qu'il a rencontré Ludovic, en travaillant un week-end sur deux avec lui.
« Je voulais m'installer en individuel, avoue Romain. Mais après de multiples expériences en tant qu'agent de remplacement, l'association m'est apparue comme un support contre les difficultés, pourvu que l'on soit ouvert et que l'on ait envie de s'adapter. »
Ce soutien nécessaire à une installation hors cadre familial, Romain l'a trouvé auprès de Jacques et Ludovic. « Nous lui avons dit qu'il avait le droit d'avoir peur et que nous étions une équipe. La ferme tourne et il n'y a pas de raisons pour que ça ne marche pas », convient le cadet des associés.
Romain n'était pas issu du milieu agricole, mais il voulait devenir agriculteur « coûte que coûte ». Cette motivation a séduit Jacques dès le début, « il a apporté un second souffle au Gaec », reconnaît-il. Le père et le fils ont proposé à Romain de prendre ses marques sur l'exploitation grâce au contrat de parrainage.
Après sept mois de « test », les trois hommes sautent le pas. Romain entre dans le Gaec, une société qui offre une reconnaissance individuelle à chaque associé et une clé de répartition proportionnelle au travail, ce qui a aussi séduit Romain.
L'entente entre chaque associé et leur complémentarité de caractère est confortée par l'étude sur « l'optimisation du potentiel relationnel » (OPR), réalisé par le conseiller du CER du Gaec.
Pour les trois hommes, la réussite de leur association tient surtout à leur philosophie du travail en agriculture. « Etant jeune, j'ai beaucoup souffert de la place que prenait l'exploitation dans notre foyer », indique Ludovic.
Pour remplacer son père, il voulait une personne qui comprenne qu'avoir « une vie en dehors de la ferme était primordial ». Il pense d'ailleurs que les hors-cadre sont plus ouverts sur cette question.
Communiquer
La société permet de déléguer à ses associés et de prendre des congés. Une idée partagée par tous et notamment par Jacques : « Un associé doit pouvoir faire le boulot du jour si les deux autres sont absents. C'est une méthode à laquelle il faut se tenir pour ne pas exploser. »
Pour Ludovic et Jacques, réussir à associer un hors-cadre, « c'est lui donner les moyens de s'approprier l'outil et veiller au dialogue entre associés ».
Chaque matin à l'heure de la traite, les trois associés échangent sur les travaux à venir et les échéances importantes. Les réunions, qui se faisaient auparavant à la maison, ont désormais lieu dans un local à part et propre à l'exploitation. Le « bureau », comme ils l'appellent, est dorénavant le centre du Gaec, « là où sont rangés les documents de gestion et où chacun peut recevoir », confirme Ludovic.
Les deux plus jeunes parient aussi sur l'informatique avec les synchronisations d'agenda via les smartphones, par exemple. « Mais rien ne remplace le dialogue », assure Jacques. Après une vie à travailler sur l'exploitation, « l'ancien », comme son fils s'amuse à l'appeler, prendra sa retraite dans quelques mois.
L'idée d'un nouvel associé fait son chemin, « et pourquoi ne pas en parler à l'un de nos anciens stagiaires ? », souffle Ludovic.
Les sociétés agricoles en chiffres
Depuis le début des années 1980, le nombre d'exploitations individuelles ne cesse de baisser. Paradoxalement les formes sociétaires augmentent, de 3,9 % par an en moyenne. En 2010, 29,7 % des exploitations ont un statut sociétaire.
Ce qui représente 56,7 % de la surface agricole utile (SAU). On dénombre 37.000 Gaec, 79.000 EARL, 35.000 sociétés civiles ou commerciales (type SARL), soit plus de 246.000 agriculteurs en association (recensement de 2010).
Aujourd'hui, près de deux installations aidées sur trois se font sous forme sociétaire, soit 65 % des installations en société. Les projections démographiques agricoles montrent d'ailleurs que les statuts sociétaires seront majoritaires en 2020 (« Le Monde agricole en tendances », CEP, 2012).
Sur 69.000 EARL, 87 % sont familiales (55 % unipersonnelles et 32 % constituées entre deux conjoints). Quant aux Gaec, ils ont tendance à se développer entre tiers. Dans les années 1980, on constituait un Gaec pour favoriser la transmission parent-enfant. En 2007, 41 % des Gaec constitués échappent à ce modèle.
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