1. Aux petits soins avec l'eau 1. Aux petits soins avec l'eau
Face au stress hydrique, Israël limite la consommation d'eau, crée des retenues collinaires et, surtout, mise sur la recherche pour améliorer la génétique des plantes et les techniques d'irrigation.
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Produire plus avec moins » : voilà ce que pourrait être la devise d'Israël. Grand comme la Bretagne, le pays fait de l'agriculture une priorité. Il s'est fixé un objectif : l'autosuffisance alimentaire. Aujourd'hui, la production intérieure satisfait la majeure partie (95 %) des besoins du pays et les importations, largement financées par les exportations agricoles, ne portent que sur quelques produits comme les céréales, les oléagineux, la viande, le café, le cacao ou le sucre. L'agriculture d'Israël est le fruit d'une longue lutte contre des conditions extrêmes et le résultat de l'utilisation maximale des rares ressources en eau et en terres arables.
Lorsque les Juifs arrivent en Israël, à la fin du XIXe siècle, leurs premiers efforts portent sur la transformation des friches en terres fertiles. Depuis l'accession du pays à l'indépendance en 1948, la superficie totale cultivée a plus que doublé, pour atteindre 420 000 ha, et celle des terres irriguées couvre désormais près de 160 000 ha. Le pays n'entend pas s'arrêter là. Dans un contexte géostratégique compliqué, la conquête du désert est une question de « survie ». La pénurie d'eau est au centre des préoccupations. Plus de la moitié du territoire reçoit moins de 100 mm, voire moins de 30 mm de précipitations par an (voir la carte). Israël exploite l'intégralité de ses ressources de surface disponibles. Le pays met donc l'accent sur de nouvelles techniques anti gaspillages telles les retenues collinaires et l'irrigation par goutte-à-goutte (lire l'encadré).
QUOTAS D'EAU
Dans le même temps, il agit sur la consommation : « Les quotas sont le meilleur moyen d'avoir une utilisation rationnelle de la ressource », souligne Itzik Ben David, directeur général adjoint du ministère de l'Agriculture. Aussi, le gouvernement a entrepris, en 1989, de diminuer de moitié le volume d'eau douce octroyé à l'agriculture, passant de 1 000 à 530 millions de mètres cubes au profit d'eaux recyclées (le pays récupère presque 70 % de l'eau de premier usage), saumâtres (salées) ou dessalinisées (quatre usines ont été mises en service depuis 2005). Sur la même période, le volume d'eau global utilisé a lui aussi baissé de 1 560 à 1 164 millions de mètres cubes, alors même que le secteur était lancé dans une course à la productivité. « Nous avons une agriculture extrêmement efficace, qui tire le maximum d'un mètre cube d'eau et d'un hectare, et permet de produire plus et à meilleur marché. La productivité agricole israélienne par habitant équivaut aujourd'hui à celle de la France », se félicite le fonctionnaire.
Petit à petit, le désert se peint en vert. Le pays doit ce miracle à une science au service de l'agriculture. Israël consacre 4,6 % de son PIB à la recherche, notamment en matière agronomique. Région montagneuse avec des amplitudes thermiques importantes, 360 jours de soleil et moins de 30 mm de précipitations par an, le désert rocailleux (surtout calcaire) du Néguev, au sud du pays, est devenu un laboratoire à grande échelle où la génétique des plantes est sans cesse améliorée pour lutter contre la salinité, les pics de chaleur ou le manque d'eau, les trois stress importants des cultures.
RECHERCHE CIBLÉE
Le centre d'expérimentation pour l'agriculture en région désertique Ramat HaNegev teste par exemple l'irrigation à l'eau saumâtre. L'eau est puisée à 700 mètres de profondeur (entre 600 et 1 000 mètres sous le Néguev, les scientifiques considèrent qu'il y a un « océan » qui contient seulement 10 % de plus de minéraux que l'eau potable) à une température de 38 °C, puis elle est envoyée dans les bains de Neve Midbar et dans les piscines d'élevage de poissons et de crevettes qui l'enrichissent d'excréments. Elle est ensuite dirigée vers des serres qu'elle réchauffe en hiver et la nuit. Lorsque sa température est redescendue à 25-30 °C, elle est envoyée pour l'arrosage des plantes...
« Ainsi, la même eau est utilisée plusieurs fois. Elle s'enrichit au fur et à mesure et favorise un environnement écologique », explique Michal Amichai, agronome, responsable de la recherche sur les tomates. La rentabilité n'a pas encore été trouvée en blé, seigle, betteraves, maïs ou asperges. En revanche, les essais sont concluant pour les poivrons, melons, dans les oliveraies et pour les tomates cerises sous serres (produit phare des exportations israéliennes, avec 70 % du marché mondial). Paradoxalement, l'irrigation à l'eau salée leur confère un goût sucré et une meilleure odeur.
C'est là une autre force d'Israël : les scientifiques travaillent en étroite collaboration avec les agriculteurs. Pas moins de huit centres d'expérimentation, dispersés dans le pays, permettent de tester des techniques en condition réelle (altitude, sol, pluviométrie…). Aussitôt imaginées, elles sont utilisées chez les agriculteurs. Les autorités fondent sur ce déploiement de moyens l'espoir de peupler la région, aujourd'hui habitée par seulement 550 000 à 660 000 personnes. Un moyen aussi d'accueillir les Juifs du monde entier qui font leur « aliyah » (retour en terre promise) mais aussi de ne pas tenter les pays voisins avec des terres inexploitées.
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