Télématique et le tracking « Depuis six ans, la moisson c' est devant mon ordinateur »
Conrad Waydelin améliore la logistique et les performances des machines en utilisant la télématique et le tracking.
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Conrad Waydelin ne conduit plus de moissonneuses-batteuses ni de tracteurs durant les moissons. Il va dans son bureau, allume son ordinateur et ouvre le logiciel Telematics, le programme télématique de Claas.
« Je surveille les machines et leurs performances grâce à ce logiciel. Il me permet d'anticiper les tâches et de gagner du temps », explique-t-il.
Le temps, c'est le principal ennemi de ce dirigeant d'une ferme de 1.800 hectares à Wöpkendorf, près de Rostock (nord-est de l'Allemagne).
Affiner la logistique
« Le climat de la région n'offre qu'une fenêtre très réduite pour les moissons. Nous devons extraire la récolte des champs le plus vite possible, toute perte de temps est préjudiciable pour la qualité du grain ! »
En plus de la surface que son père a achetée en 1990, Conrad moissonne 500 ha pour un voisin. Il récolte des céréales et du colza au mois d'août et du maïs en octobre. Pour cela, il déploie dans une même parcelle trois moissonneuses-batteuses, deux transbordeurs, quatre ensembles tracteurs-bennes et recourt à deux camions.
Dans cet ancienne exploitation est-allemande, la surface des parcelles atteint 59 ha. « Notre plus grande pièce cumule 140 ha, soit la taille de notre ancienne ferme près de Hambourg ! Dans de telles parcelles, toute erreur de déplacement et de réglage se paie cher, insiste l'exploitant. Grâce à la télématique, je suis en temps réel les travaux des machines et analyse leurs performances en quelques clics. Il me suffit de téléphoner aux chauffeurs pour leur donner des conseils afin d'améliorer les résultats. »
Sur son écran, Conrad consulte vingt-trois paramètres de ses moissonneuses. « J'observe les pertes au batteur, au rotor et aux grilles, la charge du moteur, la consommation instantanée, la vitesse d'avancement... Mais, surtout, j'organise la logistique du chantier en regardant le volume de carburant dans les réservoirs, la surface restant à récolter et le temps estimé pour le faire. »
Ce système lui épargne de nombreux coups de téléphone et de réponses évasives de la part de ses chauffeurs. Grâce à une vue globale du chantier, il anticipe et rationalise les déplacements de chaque machine. « Dans de grandes parcelles, un aller-retour inutile d'une moissonneuse-batteuse coûte cher ! justifie Conrad. Contrôler le niveau de carburant permet d'organiser les ravitaillements sans trop diminuer le débit de chantier. Les chauffeurs peuvent se concentrer uniquement sur leur conduite. »
Il limite aussi les déplacements au champ : « Avant, je passais mon temps derrière chaque machine pour évaluer ses performances. Désormais, je me rends dans les parcelles une à deux fois par jour, donne des préconisations de réglage, puis je rentre suivre les travaux depuis mon ordinateur », sourit Conrad. La télématique réduit les charges de mécanisation, non seulement en rationalisant la logistique, mais aussi en optimisant les réglages des moissonneuses.
Lien avec la gestion de l'exploitation
« Le temps de retour sur investissement est difficile à calculer, mais je suis convaincu qu'une amélioration mineure des paramètres entraîne des gains importants », estime Conrad. Si l'analyse d'un échantillon de récolte met en évidence une teneur trop importante en impuretés, l'exploitant retrouve le mauvais réglage incriminé grâce à la télématique et ajuste le tir en téléphonant à ses chauffeurs.
La télématique communique avec le logiciel de gestion de l'exploitation, ce qui accélère l'enregistrement de données et leur traitement. Parfois, les informations transmises par le système submergent Conrad : « Le programme m'envoie trop de données pour que je puisse les analyser. Je me borne à utiliser la géolocalisation et la vingtaine de paramètres actualisés en temps réel. »
C'est l'un des points que Conrad aimerait bien voir Claas améliorer sur son programme de télématique : « J'ai toutes ces informations dont je ne peux rien faire, ça présente un côté frustrant. J'aimerais pouvoir comparer mes performances à celles d'autres structures, pour trouver des pistes d'amélioration. C'est la même chose pour les cartes de rendement : elles sont là mais, pour le moment, je n'en fais rien. Je suis persuadé qu'il y a quelque chose à en tirer, mais j'ai besoin d'une interface qui me simplifie la tâche. »
Conrad et ses chauffeurs attendent d'ailleurs avec impatience la mise en place du « Challenge moisson », qui compare les performances de tous les pilotes de moissonneuses-batteuses équipés de la télématique Claas.
Les tracteurs à la trace
L'utilisation de la télématique ne s'arrête pas à la moisson. Les Waydelin ont aussi investi dans une solution de tracking (traçage) sur les tracteurs. « Nous avons sept chauffeurs et sept tracteurs, indique Conrad. Chaque engin est équipé de son système de traçage. Je peux donc suivre en temps réel l'évolution de mon parc sur Google Maps. »
Fait intéressant, le système est celui de Claas mais il est compatible avec les autres marques. Ce qui tombe plutôt bien puisque l'exploitation travaille avec trois Fendt, deux Case IH Puma et deux Case IH STX à chenilles. Le dispositif est en fait un petit boîtier qui se place à l'intérieur du tracteur et se relie à l'antenne GPS.
« Pour le moment, je me contente de tracer le parcours des tracteurs, précise Conrad. Il n'y a aucun transfert des informations de l'ordinateur de bord du tracteur. C'est une étape qui n'est pas encore totalement au point et qui demanderait des investissements difficiles à rentabiliser. La seule option qui me paraît intéressante, c'est l'utilisation de capteurs sur les bras de relevage pour savoir quand l'outil travaille. Mais comme nous travaillons essentiellement avec des matériels traînés, nous n'en n'avons pas l'utilité. »
Pendant que ses chauffeurs sont en train de traiter, semer ou fertiliser, Conrad peut suivre leur évolution sur la carte des parcelles. Cela présente pour lui un double avantage : « Je peux anticiper sur la fin d'un chantier sans avoir à déranger sans arrêt le chauffeur au téléphone. Ensuite, j'ai une trace de tous les passages, ce qui permet de regarder si un problème de levée et de croissance est dû à un défaut de traitement ou s'il faut chercher la cause ailleurs. Ce carnet de champ électronique en temps réel est vraiment une aide précieuse sur une telle surface. »
Aides à la conduite
L'avantage du tracking est son absence de contrainte pour le chauffeur, puisqu'il n'a rien à faire pour le mettre en route. Et heureusement, car les salariés de Conrad peuvent avoir jusqu'à quatre boîtiers en cabine.
« Tous les tracteurs sont équipés de l'autoguidage puisque nous pratiquons le trafic contrôlé (passage toujours dans les même traces), détaille Conrad. Il y a aussi l'ordinateur de bord du tracteur et puis un ou deux terminaux pour l'outil. Même si nos tracteurs et nos outils sont compatibles Isobus, je préfère conserver les boîtiers d'origine des matériels car mes chauffeurs y sont habitués et ont intégré l'évolution de ces derniers par petites étapes.
De plus, nous sommes équipés en Amazone de la tête aux pieds, donc tous les terminaux sont identiques. L'avantage du guidage, c'est que les chauffeurs n'ont pas à s'occuper de tenir le volant. Ils peuvent donc se concentrer sur les réglages et ont le temps de bien maîtriser les boîtiers. »
Convaincre les salariés
Ses chauffeurs sont justement la préoccupation de Conrad. Parce que personne ne conduit de la même façon, il se sert du Telematics pour ajuster les performances de cha- cun et tirer l'ensemble de l'équipe vers le haut. Les premiers pas dans la télématique ont été compliqués pour ce jeune chef d'exploitation venu de l'Ouest, confronté à des chauffeurs ayant débuté leur carrière dans l'ex-RDA, avec un rapport au travail très différent.
« Lorsque j'ai introduit ces techniques, mes chauffeurs ont clairement pris ça pour un manque de confiance et une volonté de contrôler tous leurs faits et gestes, confie Conrad. Mais auparavant, je les appelais plusieurs fois par heure pour savoir où ils en étaient, quels étaient leurs réglages, leur niveau de carburant... et, à la fin de la journée, je sentais bien que cela les énervait. Sans compter le fait que, pendant que nous étions au téléphone, ils n'étaient pas en train de surveiller la machine. Maintenant, je n'appelle que lorsqu'il y a un réglage à changer. »
Chez les Waydelin, les chauffeurs sont ultraspécialisés et ne pilotent qu'un seul outil, en plus des moissonneuses-batteuses. « Celui qui s'occupe de la pulvérisation traite 50.000 hectares par an, précise Conrad. Autant dire qu'il maîtrise totalement sa machine. Mais il a plus de 50 ans et les arborescences du terminal lui posent parfois des problèmes. Avec le recul, il apprécie d ‘avoir une aide à distance.
C'est la même chose pour la moisson. Maintenant que les chauffeurs sont habitués au système, ils ne peuvent plus s'en passer et cherchent toujours à obtenir des informations pour optimiser leurs réglages par rapport à leurs collègues. »
Repères : l'exploitation
• Surface : 1 800 ha + 500 ha à façon.
• Productions : blé, colza, maïs, betteraves sucrières.
• Personnel : deux dirigeants (MM. Waydelin père et fils), une assistante, sept chauffeurs
• Matériel : sept tracteurs, trois moissonneuses-batteuses, un transbordeur, deux semoirs de 6 m, deux pulvérisateurs 5.200 l, deux distributeurs d'engrais, bennes. Location d'un transbordeur et de deux camions pour les moissons.
Un boîtier aide à régler la moissonneuse
La télématique permet d'ajuster les réglages de la moissonneuse seulement après analyse d'un échantillon de la récolte. Il existe des équipements beaucoup plus réactifs qui aident le chauffeur à régler au mieux sa machine. Conrad Waydelin envisage d'équiper ses Lexion hybrides du système Cemos. Ce dernier propose d'améliorer les préréglages d'usine. Le conducteur demande au système de lui fournir des suggestions de réglage pour, par exemple, réduire les pertes de grains, les ôtons, augmenter le débit, la qualité du grain...
Le Cemos lui fait une proposition de réglage que le chauffeur accepte ou non. Le Cemos propose alors d'autres solutions, jusqu'à ce que l'opérateur soit satisfait du résultat. Après les changements, l'ordinateur compare les résultats obtenus avec les anciens et les nouveaux paramètres.
Une aide électronique existe aussi chez New Holland. Les CR 9000 peuvent recevoir l'Automatic Crop Setting. Le système peut aider le conducteur si des paramètres dépassent des seuils programmés. Via l'écran de bord, il propose des modifications de réglage, que le conducteur valide ou refuse.
Peu motivé pour l'agriculture de précision
Conrad Waydelin n'est pas prêt à s'investir totalement dans l'agriculture de précision. Il a pourtant tous les matériels à disposition puisque ses pulvérisateurs utilisent déjà la coupure de tronçons pour les bordures et que les distributeurs d'engrais sont adaptés à la modulation. Pour autant, le jeune chef d'exploitation ne souhaite pas faire des analyses de sol sur 1.800 hectares.
« Pour espérer un retour sur investissement, il faudrait faire des analyses vraiment poussées, affirme Conrad. Compte tenu de nos contraintes climatiques, je pense que la seule information sur la teneur des sols en K ou P ne serait pas suffisante. Ce que j'attends d'un tel investissement, c'est qu'on me dise quel est le pH optimal pour mon type de sol et ma culture à tel endroit de la parcelle, par exemple. Pour le moment, seuls des laboratoires autrichiens et nord-américains sont capables de fournir de telles informations. Pour un prix prohibitif. »
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