Login

2. Jouer la carte du désherbage dans la 2. Jouer la carte du désherbage dans la rotation

Arvalis et le Cetiom préconisent l'alternance des modes d'action dans toutes les cultures de la rotation. Une façon de prévenir les phénomènes de résistances.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Si les nouveaux herbicides de postlevée annoncés en 2012 sur colza sont plus efficaces pour contrôler certaines adventices difficiles, il n'en reste pas moins qu'ils appartiennent au même groupe d'action que les inhibiteurs de l'acétolactate synthase (ALS), déjà largement employés sur d'autres cultures, notamment sur céréales à paille mais aussi sur maïs. Ils se développent également sur protéagineux, betterave, tournesol et soja.

Cette multiplication des inhibiteurs de l'ALS, notamment les sulfonylurées, va rendre plus difficile l'alternance des modes d'action et risque d'aggraver la sélection d'adventices résistantes. Car l'utilisation massive d'un même mode d'action est une pratique génératrice de résistance. Le phénomène est connu depuis plusieurs années sur graminées dans les céréales à paille (vulpin, ray-grass, folle avoine, brome, agrostis) mais il touche désormais les dicotylédones (lire l'encadré ci-dessous).

ADVENTICES COMMUNES À PLUSIEURS CULTURES

Il faut faire d'autant plus attention lorsque les adventices sont communes à plusieurs cultures. L'éthametsulfuron- méthyl (DPX-A7881) sur colza et le tribénuron-méthyl (Express SX) sur tournesol sont des antidicotylédones stricts. « En cas d'utilisation, les risques d'apparition de résistance portent donc sur les dicotylédones communes aux céréales et à chacune de ces cultures oléagineuses, soit les crucifères, les ombellifères et les géraniums », avertissent Arvalis et le Cetiom, qui communiquent sur le sujet avec des positions techniques communes « pour une prise de conscience des agriculteurs ».

Les solutions contre ces mauvaises herbes sont parfois limitées dans les autres cultures. C'est le cas avec les ombellifères. Le recours aux mélanges dans toutes les cultures est donc à privilégier. Par exemple en colza, il est possible d'appliquer un herbicide de prélevée suivi par un mélange de DPX-A7881 + métazachlore. En revanche, la situation est différente avec les herbicides à base d'imazamox, qui agissent à la fois sur dicotylédones et graminées. S'ils sont utilisés seuls sur colza, en plus de l'utilisation systématique d'autres inhibiteurs de l'ALS sur céréales par exemple, « le risque de voir apparaître des populations de ray-grass, vulpins, folles avoines et bromes résistants est très élevé », estiment les instituts techniques, qui vont jusqu'à proscrire l'utilisation de l'imazamox sur colza dans les parcelles à forte densité de graminées. « L'impasse de ce mode d'action reste le meilleur levier contre la pression de sélection tant qu'une technique alternative fonctionne (prélevée, puis Kerb Flo ou Légurame PM), soulignent Arvalis et le Cetiom. En revanche, dans cette situation infestée en graminées, la solution à base d'éthametsulfuron est envisageable compte tenu de sa pression de sélection nulle sur graminées. »

INQUIÉTUDE DES OPÉRATEURS

Sur le terrain, le mot d'ordre reste la prudence. « On va étendre au colza les problèmes observés sur céréales », craint un responsable agronomique d'une coopérative picarde. « C'est un réel sujet d'inquiétude, notamment sur graminées, renchérit un conseiller dans le Centre, car en céréales, ce sont les inhibiteurs des ALS qui marchent le mieux. Sur les dicotylédones, il y a d'autres modes d'action qui fonctionnent : les hormones, le bifénox et le DFF sur céréales ou encore les tricétones sur maïs. »

Selon les opérateurs, ces nouveaux produits de postlevée doivent être utilisés seulement dans des situations très infestées en géraniums et crucifères, avec un encadrement précis et un changement de pratiques. Notamment pour la technique Clearfield, qui ne sera pas préconisée dans les zones betteravières et linières par exemple. « Nous craignons l'apparition de repousses de colza résistantes dans les betteraves. Cela pourrait être réglé avec du Safari mais c'est encore un inhibiteur des ALS ! », précise-t-on en Picardie.

STRATÉGIES DURABLES

Pour limiter la pression de sélection et retarder l'apparition de résistances, Arvalis et le Cetiom proposent cette année des stratégies pour différentes rotations intégrant, pour toutes les cultures, d'autres substances actives que les inhibiteurs de l'ALS. Mieux vaut privilégier un programme d'automne sur céréales avec des spécialités racinaires puis un passage en sortie d'hiver, et en colza un programme classique de prélevée en l'absence de flore problématique.

Dans les rotations colza/blé/ orge, les instituts techniques proposent la stratégie suivante : propyzamide/ carbétamide pour les colzas, DFF/urées/fl ufénacet/prosulfocarbe pour les céréales (voir le tableau ci-dessus). Après les applications de Cléranda ou de BAS 798H, s'il reste des graminées dans la parcelle, elles devront systématiquement faire l'objet d'un rattrapage avec Kerb Flo ou Légurame M. « Afin de limiter la pression de sélection sur géranium ou sanve, l'alternance des modes d'action doit également jouer sur céréales avec les programmes d'automne à base de DFF/ioxynil/ bromoxynil/bifénox par exemple », précise Arvalis.

Dans les rotations colza/blé/ tournesol/blé, où l'ammi-majus peut être largement présent, les inhibiteurs de l'ALS sont quasiment l'unique moyen de la contrôler. Sur oléagineux, le quinmérac (BAS 798H, Novall) peut être une alternative contre ombellifères et coquelicots.

Dans le cas d'un assolement tournesol/blé, en présence de ray-grass, l'inhibiteur de l'ALS Pulsar 40, efficace sur cette mauvaise herbe, doit être complété avec Mercantor Gold. Dans la céréale suivante, l'utilisation d'un inhibiteur de l'ALS antigraminées est possible, à condition d'intégrer un programme à l'automne (urées/prosulfocarbe/ flufénacet…). Contre l'ambroisie, le Cetiom conseille un programme avec Nickeyl.

« Si nos recommandations sont suivies, l'arrivée des ALS sur colza sur le marché ne présentera a priori pas plus de risque de propagation des résistances, informe Franck Duroueix, spécialiste du désherbage au Cetiom. Mais comme nous en sommes au préambule, il sera toutefois nécessaire d'évaluer la pression de sélection de ces spécialités sur le long terme. »

AGRONOMIE INCONTOURNABLE

L'utilisation de ces stratégies ne doit pas non plus faire oublier l'agronomie afin de réduire en amont la pression d'adventices sur la rotation. Car plus la population est élevée, plus le risque de sélectionner un individu résistant puis une population est grand. D'où l'intérêt de ne pas se laisser déborder par les adventices. Pour cela, l'alternance des cultures d'automne et de printemps, et les rotations longues donnent de bons résultats, notamment sur brome et gaillet (voir le tableau ci-dessus). « Ces préconisations peinent parfois à trouver un écho sur le terrain car les sols ne sont pas toujours propices à un allongement de la rotation et les cultures de printemps sont généralement moins rentables », prévient Christian Huygue, directeur scientifique adjoint du secteur agriculture de l'Inra.

Le labour occasionnel, les techniques simplifiées, le déchaumage et les faux semis en interculture sont d'autres leviers limitant la quantité de mauvaises herbes dans la parcelle. Le labour est un moyen surtout efficace pour gérer les infestations de graminées. Il convient de le positionner après une forte infestation, l'année d'un échec de désherbage, mais au maximum tous les deux à trois ans pour éviter de remonter des graines viables. Le faux semis est bien adapté contre les adventices dont la période de lévée coïncide avec l'intervention. Début août, cela permet de faire lever le ray grass ou l'ambroisie. Un déchaumage début septembre peut jouer sur vulpins, crucifères, véronique de Perse... Décaler la date d'implantation de la culture complète les effets du faux semis. Le stade des adventices au moment de l'application des produits a aussi son importance : plus il est avancé, plus le spectre d'un herbicide se réduit. Les semis précoces doivent donc être désherbés dès l'automne et les semis tardifs dès la sortie de l'hiver.

Enfin, pour limiter le risque de sélectionner un individu tolérant à l'origine d'une population résistante, les instituts techniques conseillent de compléter le désherbage chimique par une intervention mécanique (binage), pour le rattrapage et la gestion des repousses.

[summary id = "10022"]

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement