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Dégâts de gibier Une procédure sens dessus dessous

Les règles d'indemnisation des dégâts causés aux cultures vont changer. Elles se fondent sur un protocole signé par la FNSEA, l'APCA et la FNC, qui provoque des remous dans les régions.

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Le législateur a adopté, le

, vieille de quarante ans.

 

Certaines dispositions doivent encore faire l'objet d'un décret avant d'être applicables (1). Agriculteurs et chasseurs sont suspendus aux décisions de la nouvelle majorité présidentielle.

L'enjeu est de taille : en 2011, la mesure a coûté 30 millions d'euros aux chasseurs. Un montant en hausse constante du fait de la flambée du prix des denrées qui servent de références dans les barèmes.

Selon les simulations de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) sur les six dernières années, les dégâts eux-mêmes n'explosent pas. En légère hausse sur les céréales, ils sont stables sur les prairies.

S'entendre pour éviter le pire

Auditionnés il y a un an, les représentants des agriculteurs et des chasseurs ont décidé de « s'entendre pour éviter le pire ». La commission « chasse » de l'Assemblée nationale, composée de nombreux chasseurs, avait décidé de raboter les indemnisations en relevant le seuil d'intervention, aujourd'hui de 76 e par exploitation et par campagne.

De leur côté, les chasseurs redoutaient de se voir imposer l'indemnisation aux dégâts occasionnés aux forêts, comme le recommande un rapport d'ingénieurs généraux des ponts, des eaux et des forêts, mandaté par Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l'Environnement.

Cette « entente » historique a abouti à la signature d'un

le 8 janvier, sur lequel repose la loi. « C'est un accord équilibré. L'idée n'était pas de tordre le cou à l'un ou à l'autre », souligne Thierry Chalmin, président du groupe de travail « dégâts de gibier » de la FNSEA.

 

Alain Belloy, son homologue à la FNC, ne dit pas autre chose : « Nous avons travaillé dans un esprit d'écoute et d'apaisement. » La FNSEA et l'APCA ont tout de même posé un préalable à la négociation : la reconnaissance par les chasseurs de la mauvaise gestion du sanglier et l'adoption de mesures suffisantes pour diminuer leur population (lire l'encadré ci-dessous).

Le sanglier provoque 85 % des dégâts aux cultures et prairies. Les chasseurs ont admis leurs responsabilités. La loi en prend acte dans son article 11. Pour les agriculteurs, cela se traduit par deux avancées (qui doivent être confirmées voire précisées par le décret).

La franchise de 5 % (instaurée en 1968) qui frappe tous les dossiers de demande d'indemnisation est ramenée à 2%. «Cela représente près de 900 000 e d'indemnités supplémentaires, selon FNC.

La pose, la surveillance et l'entretien des clôtures seront de la responsabilité exclusive des chasseurs dans les secteurs identifiés « points noirs ». Dans ces zones, les agriculteurs ne subiront plus d'abattement lié à leur responsabilité supposée. Cela pouvait aller jusqu'à 80 % de leur indemnité.

Le problème reste entier en dehors de ces zones, où les agriculteurs devront accepter d'être impliqués et donc responsables. Ce qui est gagné d'un côté pourrait être perdu de l'autre...

En contrepartie, la FNC a demandé aux agriculteurs de faire le ménage dans leurs rangs. « Le seuil de 76 € par exploitation et par campagne est trop bas. Il pousse les exploitants à déclarer le moindre coup de nez de sanglier », juge Alain Belloy. Ancien estimateur de dégâts de gibiers, il juge que tous les déplacements d'experts ne sont pas nécessaires.

Selon la FNC, « le système est pollué par quelque 40 000 dossiers par an » : un quart des dossiers est à moins de 300 euros d'indemnisation et représente 20 % des frais d'estimation, pour seulement 8 % des montants versés.

Le protocole propose de sanctionner ces « pollueurs » et de remplacer le seuil de déclenchement actuel par un seuil à double détente de 3 % de la surface de la parcelle culturale touchée (voir les simulations ci-contre) ou 250 € de dégâts.

Il reste à définir ce qu'est une parcelle culturale... Une exception est prévue pour les prairies (la FNSEA n'a pas réussi à l'obtenir pour les autres cultures) pour tenir compte des dégâts diffus sur plusieurs parcelles : dans le cas où elles sont toutes sous les deux seuils, elles pourront être indemnisées si l'ensemble des dégâts dépasse 250 € pour une même déclaration.

 

 

De nouveaux dégâts comptés

Ce nouveau système de seuil – et non de franchise – montre une volonté claire de mieux prendre en compte les gros dégâts. Dans cette logique, les prairies seront davantage prises en compte, avec l'instauration d'une nouvelle méthodologie d'estimation pour mieux valoriser le foin.

De nouveaux dégâts seront indemnisés : la remise en état des interbandes des cultures viticoles et fruitières, ainsi que les frais de remise en place des filets de récolte (pour les noix, olives, etc.). « Plusieurs FDC se sont insurgées contre ces avancées », avoue-t-on à la FNC.

Elles sont pourtant très limitées du point de vue des agriculteurs : la casse du matériel, sur prairie en particulier, les pertes d'exploitation sur les produits transformés (vin, huile d'olive, etc.), ou encore la destruction des filets de récolte ou des murs de soutènement ne sont pas pris en compte.

« C'est du folklore, regrette Jean-Philippe Frère, oléiculteur et membre de la Commission nationale faune sauvage. Les frais de remise en état des murs dans les Alpes-Maritimes s'élèvent à 250.000 €/an, à comparer aux 160.000 € de dégâts indemnisés dans le département l'an passé. Leur chute entraîne des pertes de surfaces exploitables au-dessus comme en dessous car nous n'avons plus les moyens de les remonter. »

Même crainte en Indre-et-Loire pour Dominique Barat, suppléant FNSEA de la commission dégâts de gibiers : « Toutes ces mesures ne feront qu'accentuer la déprise agricole dans les zones les plus fragiles du territoire. »

Chez lui, 13 des 15 parcelles indemnisées l'année dernière ne l'auraient pas été avec le nouveau système, soit 550 € d'indemnités, au lieu de 1.730 €. Dans certains départements, des voix s'élèvent, tous syndicats confondus, pour peser sur la rédaction du décret. Le grand-Est s'inquiète particulièrement : « Vu la prolifération du gibier et le comportement de certaines FDC, si l'état d'esprit ne change pas, le protocole ne sera pas applicable », assure Thierry Besançon, membre de la Commission nationale dégâts de gibiers de la FNSEA.

Sa région, la Bourgogne, comptabilise plus de 5 millions d'euros d'indemnités en 2011. « Sans véritable plan de gestion de la faune sauvage, cette procédure se résume à de l'argent public jeté par les fenêtres », conclut-il.

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(1) Texte que n'a pas signé le gouvernement sortant au moment de notre bouclage. Il lui restait 4 jours pour éventuellement y remédier.

Une gestion des sangliers sous haute tension

« Le problème des dégâts de gibier ne peut pas se résumer à une indemnisation. Les agriculteurs n'ont pas à payer les pots cassés », estime Thierry Chalmin. Le plan de maîtrise du sanglier de 2009 oblige chaque département à établir une cartographie des « points noirs ».

Beaucoup n'ont pas joué le jeu, aucune méthodologie n'existe et l'appréciation des points noirs est trop fluctuante d'un département à l'autre. La FNC en a conscience et a affiché sa volonté de diminuer les populations de sangliers.

Le protocole prévoit d'arrêter au niveau national des critères précis et objectifs pour déterminer ces zones de dysfonctionnement. Dès qu'elles seront affinées au niveau local, des mesures coercitives imposant la destruction des sangliers en surnombre seront mises en place.

De nombreuses mesures ciblent le productivisme cynégétique, autrement dit les chasses commerciales : le gibier y est « élevé » pour rendre leurs chasses plus attractives. Le problème est saillant en Côte-d'Or, où s'ajoutent des difficultés sanitaires. Les troupeaux atteints de tuberculose sont abattus mais la maladie continue de se propager aux cervidés, qui contaminent à nouveau les troupeaux sains réintroduits.

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