2. « Les jeunes ont des stratégies de co 2. « Les jeunes ont des stratégies de couple »
Céline Bessière, maître de conférences en sociologie à Paris-Dauphine, étudie la famille agricole.
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La France agricole : Jusqu'en 1946, le célibat paysan était à l'image de la population. D'où vient le décalage ?
Céline Bessière : La nouveauté relevée par le sociologue Pierre Bourdieu (1) en 1962, c'était l'extension du célibat aux aînés héritiers des exploitations. Il était déjà connu chez les fils cadets écartés de l'héritage. Et là, les aînés aussi devenaient « immariables ». La question de la reproduction de la paysannerie se posait. Ce célibat frappait surtout la petite paysannerie et aurait dû s'éteindre dans les années soixante-dix.
Pourquoi progresse-t-il encore ?
Selon Guenhaël Jegouzo (2), le célibat des plus de 40 ans régresse à partir de 1975, mais pas celui des 30-40 ans. La crise économique est passée par là, qui a retenu davantage de garçons que de filles à la terre. La montée du célibat dans toute la société a touché aussi l'agriculture. En 1988, le taux de célibat agricole atteint 23 %. En 2000, il passe la barre des 26 %.
Y a-t-il toujours des différences entre les agriculteurs et les autres catégories socio-professionnelles ?
La crise du couple atteint moins le milieu agricole, selon l'étude de l'histoire familiale réalisée par l'Insee et l'Ined (chiffres de 1999). Quand les agriculteurs se mettent en couple, ils se séparent moins, se marient davantage et divorcent moins (4 % seulement). Mais, les jeunes agriculteurs suivent le mouvement général : ils se marient moins, plus tardivement, divorcent davantage. Avec toujours une nuance : en couple, ils ont un risque de se séparer de 37 % inférieur aux autres catégories socioprofessionnelles et les agricultrices de 60 %.
Pourquoi dites-vous que la préservation de l'entreprise joue sur la stratégie des jeunes couples d'agriculteurs ?
J'ai réalisé une longue enquête de terrain dans le Cognaçais (3). Pour les jeunes viticulteurs, la séparation de leur couple n'est plus une situation improbable. Cela conduit certains à refuser le travail ensemble au cas où, à rester en union libre, à signer des contrats de mariage. Certains pères qui se séparent font jouer les nouveaux dispositifs pour obtenir la garde de leurs enfants. Dans tous les cas, la préservation de l'entreprise familiale est une constante.
Comment les jeunes interrogés vivent-ils le célibat ? Le sujet reste délicat : la majorité aspire à vivre en couple, à avoir des enfants. Les célibataires agricoles habitent souvent avec leurs parents. Ils évitent la solitude. Mais, ils s'interrogent : comment avoir de l'autonomie, négocier des week-ends libres, éviter le contrôle des parents sur leurs allées et venues ?
(1) « Le bal des célibataires », Le Seuil. (2) « L'évolution après 1975 du célibat agricole masculin », « Population », 1991. (3) « De génération en génération, arrangement de famille dans les entreprises viticoles de Cognac », Raisons d'agir, 2010.
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