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2. En FRANCE naviguer dans le tourbillon 2. En FRANCE naviguer dans le tourbillon des règles

Voici un panorama des textes d'initiatives européenne et française qui régissent la protection de la ressource en eau et qui ont un impact direct sur l'activité agricole.

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Au cours des vingt dernières années, les agriculteurs ont vu pleuvoir une multitude d'exigences environnementales. Cette réglementation vise essentiellement à garantir « un bon état écologique des eaux ». Si la profession agricole est d'accord sur cet objectif et a consenti des efforts considérables, les relations sont tendues avec l'administration. Les agriculteurs doivent lutter pied à pied pour obtenir des mesures adaptées à leur territoire et aux productions, avec des compensations financières pérennes. La viabilité de certaines exploitations en dépend. Au niveau européen, deux directives fixent un cap important : d'une part, la directive nitrates, du 12 décembre 1991, qui concerne la réduction de la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole et, d'autre part, la directive-cadre sur l'eau (DCE), du 23 octobre 2000, qui impose à tous les Etats membres d'atteindre un bon état écologique des eaux à l'horizon 2015.

L'EAU, « PATRIMOINE COMMUN DE LA NATION »

En France, l'eau est une ressource commune à tous, une res communis qui relève en son entier de la chose publique. Trois lois visant à préserver la ressource en eau s'appliquent aux exploitations agricoles.

La loi du 16 décembre 1964 fonde le système français de l'eau, organisé en six bassins hydrographiques (Loire-Bretagne, Seine-Normandie, Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse, Adour-Garonne), dotés chacun d'un comité de bassin et d'une agence chargée d'une politique incitative de protection de la ressource.

La loi du 3 janvier 1992 reconnaît la ressource en eau comme « patrimoine commun de la nation » et adopte des mesures de protection des eaux superficielles et souterraines et des eaux de mer (dans la limite des eaux territoriales) à partir d'un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), décliné en schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) au niveau local.

La loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema) renforce les fondements de la loi sur l'eau de 1992, notamment la gestion par grand bassin versant et l'application du principe pollueur payeur (celui qui pollue doit payer). Elle décrit les moyens à mettre en oeuvre pour établir le « bon état écologique » de l'eau d'ici à 2015, en accord avec la directive-cadre européenne sur l'eau du 23 octobre 2000.

A cela s'ajoute le Grenelle de l'environnement, qui fixe l'objectif de 100 % des masses d'eau en bon état à terme, dont les deux tiers en 2015 et 90 % en 2021. D'ici à 2012, environ 500 captages d'eau potable les plus menacés par les pollutions diffuses doivent être identifiés et leurs aires d'alimentation délimitées.

Autre grand programme prioritaire retenu : le plan Ecophyto 2018, qui vise à réduire de 50 % l'usage des produits phytosanitaires d'ici à 2018, si possible. Ce plan traduit aussi certains points de la réglementation européenne (le « paquet pesticides » adopté en 2009), qui doit s'appliquer à partir de juin 2011.

UNE ORGANISATION À DOUBLE NIVEAU

Pour mener cette politique de l'eau, la France s'appuie sur un dispositif à double niveau : les Sdage et les Sage. Les Sdage définissent les politiques de l'eau dans chaque grand bassin hydrographique et les objectifs de reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques. De nouveaux Sdage viennent d'être approuvés pour la période 2010-2015. Selon Odile Gauthier, directrice de l'eau et de la biodiversité au ministère chargé de l'Ecologie, le coût des mesures adoptées par l'ensemble des Sdage 2010-2015 est estimé à 25 milliards d'euros (prioritairement destinés à l'assainissement et aux réseaux d'eau potable). Au niveau local, les Sage permettent une application opérationnelle du Sdage. En 2010, on compte en France 168 Sage (53 actifs et 115 en cours d'élaboration), qui couvrent les deux tiers du territoire.

UN DISPOSITIF COMPLEXE

Dans la pratique, les agriculteurs sont soumis à une réglementation complexe et dense. Elle concerne l'implantation des bâtiments d'élevage, le stockage, le traitement et l'épandage des effluents, la fertilisation azotée ou encore l'utilisation des produits phytosanitaires. Par exemple, le respect de la zone non traitée (ZNT) le long des cours d'eau, indiquée sur l'étiquette des bidons phytosanitaires. Pour les irrigants, s'ajoute le respect des autorisations de prélèvement de l'eau.

Depuis le 1er janvier 2005, les agriculteurs doivent en outre respecter des exigences environnementales, sous peine de réduction des aides Pac. S'agissant de l'eau, la conditionnalité repose sur des directives européennes (« eaux souterraines » et « nitrates ») et une liste de « bonnes conditions agricoles et environnementales » (BCAE) : une bande tampon le long des cours d'eau et des prélèvements à l'irrigation.

Les agriculteurs peuvent percevoir des aides financières (valables jusqu'en 2013) via le programme de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE), les mesures agroenvironnementales (MAE) et le plan végétal pour l'environnement (PVE, un des outils d'intervention du plan Ecophyto 2018).

Chaque année apporte son lot de « batailles de l'eau » entre la profession agricole et l'État. Les négociations s'annoncent serrées en 2011 en particulier pour l'irrigation, la protection des captages d'eau potable et le respect de la directive Nitrates.

IRRIGATION : DÉTERMINER LES VOLUMES

De nombreuses manifestations d'irrigants, surtout dans le bassin Adour-Garonne, ont marqué l'année 2010. En cause : la définition de volumes d'eau prélevables (lire en page 55). Jusqu'à présent, les autorisations pour irriguer étaient données en fonction de la demande, et des restrictions d'irrigation étaient appliquées au coup par coup. D'après la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, plus aucune autorisation temporaire de prélèvement ne doit être délivrée en zone de répartition des eaux (ZRE), là où le déséquilibre entre les prélèvements et les ressources est chronique. Les autorisations seront délivrées en fonction du volume disponible sur le bassin versant. Cette disposition devait s'appliquer à partir du 1er janvier 2011, mais un délai supplémentaire d'un an a été accordé en raison du mécontentement des irrigants. Ces derniers dénoncent la baisse des volumes de 30, 50, voire même 100 % dans certains bassins versants. Le maintien de l'année quinquennale la plus sèche comme référence pour le calcul des volumes prélevables crée des tensions. Une solution pour sécuriser la ressource serait de développer la politique de stockage. Mais cette piste reste pour l'instant bloquée (lire l'interview en page précédente).

CAPTAGES : NÉGOCIER DES MESURES AIDÉES

L'inquiétude gagne face à la pression grandissante autour des captages d'eau potable. La mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement a entraîné l'identification de 507 captages d'eau potable les plus menacés en France. Le but : établir des plans d'action d'ici à 2012 pour protéger les aires d'alimentation des pollutions diffuses. Celles-ci peuvent représenter dans certains départements plus de la moitié de la SAU. Ce programme s'ajoute à celui des périmètres de protection. Si aucun compromis n'est trouvé, un dispositif réglementaire pourra être mis en place : les zones soumises aux contraintes environnementales (ZSCE). Autrement dit, des obligations, mais sans aide financière. La concertation est donc cruciale pour aboutir à des mesures volontaires (MAE, baux ruraux environnementaux, échanges de parcelles...) et éviter les ZSCE. Un soutien sur le long terme (au-delà des cinq ans d'engagement pour les MAE) est aussi demandé par la profession.

NITRATES : LA COUVERTURE TOTALE DÉCRIÉE

Autre point de blocage : la couverture totale des sols en hiver. Voici deux campagnes que le quatrième programme d'action de la directive nitrates a débuté en zone vulnérable, sur près de la moitié du territoire. Il a pour nouveauté la mise en place de cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan). L'objectif est de couvrir 100 % des sols en hiver en 2012. La profession conteste depuis le début cette volonté de parvenir à 100 %. Elle estime que « cette mesure n'apporte aucune garantie de réduction des nitrates dans l'eau » et qu'elle « n'est pas réaliste, compte tenu des particularités agronomiques des sols, des climats et des pratiques culturales ». Reste à savoir si les dérogations accordées dans certains départements en 2010 seront reconduites.

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