LA TENTATION DU MODÈLE ALLEMAND LA TENTATION DU MODÈLE ALLEMAND
La France jalouse la réussite de l'Allemagne et lorgne son modèle économique. À juste titre, au regard de l'excellence des résultats obtenus. Mais il ne faut pas perdre de vue les différences culturelles entre les deux pays, ni certaines dérives constatées de l'autre côté du Rhin.
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En ces temps de crise, la réussite économique de l'Allemagne fascine. Cette grosse cylindrée résiste aux « crashs tests » des marchés et conforte sa place de première puissance économique européenne. Elle profite cette année encore d'une croissance de 3 %, quand la France peine à garder la tête hors de l'eau (lire l'interview page 29).
OBSESSION
L'Allemagne excellait déjà dans l'automobile, l'outillage et la chimie, la voici florissante dans le secteur de l'agroalimentaire. Elle est devenue en 2007 le premier exportateur agricole européen, volant la place à la France. Dans les fermes allemandes, les chefs d'exploitation affichent leur sérénité : ils ont été 54 %, selon le baromètre FNSEA-Ifop réalisé en octobre 2011, à déclarer ne pas avoir rencontré de difficultés dans les trois mois précédant l'enquête, contre seulement 27 % en France.
À Paris, le gouvernement de François Fillon semble obsédé par l'idée d'une convergence économique et sociale franco-germanique. Cette fascination cache l'aveu d'une « vraie difficulté avec la concurrence allemande », selon les termes du député de la majorité UMP Marc Le Fur. Les organisations agricoles françaises dénoncent les déséquilibres réglementaires et les facilités offertes à leurs cousins germaniques : politique sociale libérale, main-d'oeuvre peu onéreuse venue de l'Est, fiscalité avantageuse avec notamment un système jalousé de défiscalisation des investissements, soutien aux énergies renouvelables garantissant des revenus complémentaires… Et en matière environnementale, une application des textes européens jusqu'à présent moins zélée qu'en France (voir nos articles ci-après).
LES SYNDICATS DE SALARIÉS DÉPLORENT DES DÉRIVES SOCIALES
Les distorsions de concurrence n'expliquent pas tout. Paris et Berlin présentent des modèles agricoles très différents. Pour schématiser : une production diversifiée dans l'Hexagone, avec plus de valeur ajoutée, contre le choix d'une production massive et standardisée outre-Rhin, à l'image des grands élevages porcins ou laitiers. « D'où une plus grande facilité pour gagner en productivité et investir », résume Régis Wallet, de la chambre de commerce et de l'industrie française en Allemagne. Le rapport à l'alimentation diverge lui aussi, puisque les consommateurs allemands ne sont pas attachés au terroir, retenant le prix comme seul critère d'achat. Depuis les dernières crises sanitaires toutefois, ils sont nombreux à se tourner vers les marchés de proximité qui gardent leur confiance. Mais on est encore loin des chiffres français : moins de 10 % des exploitations pratiquent la vente directe (entre 20 000 et 30 000) alors que le dernier recensement en France en compte 18 % (90 500 exploitations).
La tentation est grande de marcher dans les pas de l'Allemagne, mais l'excellence des résultats cache mal les dérives sociales. Les syndicats de salariés déplorent une couverture inégale, « l'exploitation » des migrants en provenance de l'Est ou encore le nombre de « travailleurs pauvres ». Il n'existe pas de salaire minimum légal de l'autre côté du Rhin. Par ailleurs, l'Allemagne a pris beaucoup d'avance sur la France en matière d'énergies renouvelables. Mais le développement du biogaz entraîne une augmentation du prix du maïs, et aussi de celui du foncier dans un pays où il est devenu une ressource rare. Quant aux éleveurs, ils peuvent s'inquiéter de leur forte dépendance aux importations d'aliments… Bref, il n'y a pas de modèle économique parfait. Fût-il allemand…
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