De multiples indemnités à négocier De multiples indemnités à négocier
Les indemnités d'expropriation sont censées couvrir les préjudices directs, matériels et certains subis par les propriétaires et les exploitants.
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La seule présence d'une activité agricole ne suffit pas à remettre en cause un projet reconnu d'utilité publique.
Il reste aux propriétaires et aux exploitants victimes d'expropriations à se défendre sur le terrain des indemnités.
Celles-ci peuvent être fixées à l'amiable ou, à défaut d'accord entre les parties, par le juge de l'expropriation.
Dès l'ouverture de l'enquête publique, l'expropriant peut formuler des propositions d'indemnités.
Une fois son offre notifiée, les expropriés ont un mois pour signifier s'ils l'acceptent ou non. « C'est un délai très rapide pour constituer un dossier de référence, avec des éléments de comparaison », prévient Claudine Coutadeur, avocate à Paris, qui conseille de préparer son dossier à l'avance, « dès l'enquête publique. »
Les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité des préjudices directs (pertes de fermages, frais de déménagement...), matériels (pas d'indemnisation du préjudice moral) et certains (immédiatement chiffrables).
Elles sont versées pour la perte de propriété d'une part et pour la disparition de l'activité agricole d'autre part : le propriétaire bailleur perçoit une indemnité foncière et son fermier une indemnité pour préjudice agricole.
Le propriétaire exploitant peut toucher les deux.
Perte du foncier
Le préjudice qu'un propriétaire subit en voyant partir ses terres ou ses bâtiments lui donne droit à une indemnité principale correspondant à la valeur vénale des biens perdus augmentés des frais de remploi.
Pour être considérée comme « terrain à bâtir », la parcelle doit être située en zone constructible et être desservie par des réseaux suffisants (eau, électricité, assainissement).
Est pris en compte l'usage effectif des parcelles à la date de référence qui est, selon les cas, un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique (DUP), à la date de création de la ZAD (zone d'aménagement différé) ou au dernier document d'urbanisme approuvé.
Cela signifie que même si le terrain est promis à une urbanisation prochaine, il sera indemnisé selon son usage effectif de terre agricole.
« Cette règle d'évaluation est injuste s'agissant de terrains situés à proximité des zones habitées et ayant une vocation à urbanisation future, considère Marie-Odile Lux-Ruhard, avocate à Strasbourg. La Cour de cassation a atténué sa rigueur en créant la notion de “terrain privilégié”, c'est-à-dire un terrain non situé dans une zone constructible ou insuffisamment équipé mais dont la situation privilégiée lui confère une valeur supérieure à la valeur agricole. »
Ces terrains privilégiés bénéficient d'une indemnisation plus avantageuse que celle accordée pour les terres agricoles.
L'indemnité principale peut être complétée par une indemnité de « remploi » destinée à couvrir les frais de rachat de nouvelles terres (frais notariés, droits de mutation, de timbres...).
Perte d'activité
Le fermier a droit à une indemnité d'éviction pour la rupture anticipée de son bail et la perte du droit au renouvellement.
Il existe des protocoles départementaux permettant d'évaluer la perte économique subie. Elaborés par les organisations agricoles et les services fiscaux, ces barèmes favorisent les règlements amiables en posant un cadre minimal d'indemnisation.
En cas d'action judiciaire, le juge ne s'en éloignera que rarement.
Pour aller plus loin que les protocoles, il faut constater l'existence de préjudices particuliers, selon les types d'exploitations agricoles et les types d'atteintes : présence de drainage sur les parcelles expropriées, dépréciation des terres, licenciement de salariés, destruction de récoltes, suppression de la voirie d'accès...
Il reste à les faire accepter par l'expropriant ou, à défaut, à les faire reconnaître par le juge. « C'est le rôle de l'avocat de faire une demande particulière pour un préjudice particulier, explique Claudine Coutadeur. En matière d'expropriation, on avance par jurisprudence et selon les cas particuliers. »
Par ailleurs, si l'emprise compromet gravement l'équilibre de l'exploitation, le fermier peut réclamer les indemnités auxquelles il aurait pu prétendre dans le cas où la totalité de l'exploitation aurait été expropriée.
De même, le propriétaire exproprié peut demander au juge l'emprise totale. Le « grave déséquilibre » est constitué lorsque des bâtiments indispensables disparaissent ou encore que les terres expropriées représentent une valeur de productivité supérieure à 35 %.
Attention, les demandes de réquisition d'emprise totale doivent être faites dans le mois de la notification des offres, à peine d'irrecevabilité.
Analyser l'impact d'une expropriation sur la productivité de son exploitation peut nécessiter l'assistance de professionnels. Surtout pour constater les préjudices particuliers.
Pour Marc Van Isacker, expert foncier et agricole auprès de la cour d'appel d'Amiens, le recours à l'expert et à l'avocat permet de « disposer d'un historique complet, de s'appuyer sur des références fiables et de peser face aux juges de l'expropriation ».
L'essentiel étant d'avoir un dossier techniquement solide.
- L'avis de Marie-Odile Lux-Ruhard : « Faire reconnaître le préjudice professionnel agricole »
- Le témoignage de Bruno Bahin, exploitant dans la Seine-et-Marne : « Face à l'expropriant, la solidarité est notre force »
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