Login

Les quotas à l'épreuve des bassins laiti Les quotas à l'épreuve des bassins laitiers

Les premières conférences de bassins laitiers se mettent en place. Le rôle principal de ces instances est aujourd'hui la gestion des quotas. Mais il reste quatre ans pour poser les bases du pilotage de la filière pour l'après-2015.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Les contrats ne sont pas la seule nouveauté de cette campagne laitière. Instituées par deux décrets publiés au Journal officiel du 11 mars 2011, les conférences de bassins laitiers font également leur apparition.

Leur rôle : définir « la politique de redistribution des quotas, pour l'optimiser, à un échelon plus large que le cadre départemental », expliquait Julien Turenne, du ministère de l'Agriculture, lors de l'assemblée générale de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), le 16 mars 2011 à Aurillac (Cantal).

Cette nouvelle structure, qui se substituera aux commissions départementales d'orientation agricole (CDOA), « rendra un avis sur la mise en oeuvre des quotas laitiers », notamment « pour fixer les critères pour la redistribution aux producteurs ».

La conférence de bassin pourra aussi « être consultée sur les politiques d'accompagnement de l'amont et de l'aval de la filière et participer à l'amélioration de la connaissance de la production et du marché des produits laitiers ».

Cette organisation est destinée à « anticiper l'impact territorial qu'aura la fin du régime des quotas, en prenant mieux en compte la réalité de l'activité de production, de collecte et de transformation, à une échelle pertinente ».

 

 

 

Agrandir

 

Nouvelle échelle de gestion des volumes

La Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL) est satisfaite. Elle réclame depuis longtemps de passer à une échelle supérieure au département pour la gestion des volumes.

La FNPL est elle aussi plutôt sereine. « Nous devons réfléchir dès maintenant aux outils et au périmètre d'action que nous voulons après 2015, le pilotage de la filière est en jeu », souligne Henri Brichart, son président.

Quatre ans avant la fin des quotas, il estime que « c'est le bon moment » pour adapter les règles. « Aller au-delà du niveau départemental a déjà du sens aujourd'hui, poursuit-il. Ce n'est pas destiné à ramener du volume d'un département à l'autre, mais à avoir une cohérence globale. Le Sud-Ouest a choisi d'élargir le pilotage des volumes à l'échelle de la région depuis plusieurs années. Il est ainsi plus efficace en termes d'utilisation des références laitières. Mais il faudra trouver un équilibre  comme il faut déjà en trouver un au sein d'un département  entre les zones en déprise et les autres. »

L'Organisation des producteurs de lait (OPL, Coordination rurale) n'est a priori pas opposée à cette nouvelle organisation. A condition que les règles de distribution des quotas tiennent compte des spécificités de chaque dossier : production AOC ou non, zone de plaine ou de montagne...

Christophe Voivenel, représentant dans le bassin normand, émet des réserves : « Les problèmes qui se posent dans un département, avec plusieurs zones différentes, se retrouveront tous, amplifiés, à l'échelle du bassin. Je crains que ce soit lourd à gérer. Par ailleurs, les attributions pour l'installation d'un jeune vont de 40.000 litres dans la Manche à plus de 100.000 litres dans l'Eure. » Un grand écart à combler.

La Confédération paysanne s'avère, elle, très critique. « Le bassin est un formidable outil de concentration de la production, prévient Yves Sauvaget. Il accélérera le départ du lait de zones déjà en déprise vers d'autres plus dynamiques. A l'intérieur d'un bassin, il y aura toujours une région en capacité de récupérer le lait d'une autre. Au niveau du bassin normand, par exemple, le lait de la Haute-Normandie pourrait migrer vers la Basse-Normandie. A terme, le risque est de voir des transferts d'un bassin à l'autre. »

Yves Sauvaget ne croit pas non plus à l'efficacité d'un éventuel Observatoire des volumes puisque la filière a choisi d'aller sur le marché mondial plutôt que d'ajuster la production à la demande intérieure. Il déplore également le manque de moyens. « Le système est plus simple et moins coûteux à gérer pour les pouvoirs publics, avec moins de moyens humains. La gestion des dossiers ne pourra pas être aussi fine qu'au niveau du département. »

Seuls points positifs selon lui : les « petits arrangements » au niveau des CDOA seront plus compliqués à mettre en oeuvre et il sera désormais possible d'attribuer des références aux producteurs sans quota initial.

Harmoniser les règles

Pour les quatre prochaines campagnes, les bassins laitiers auront avant tout en charge la redistribution des quotas. Or un bassin regroupe plusieurs départements, qui jusqu'à présent avaient chacun leur propre projet agricole départemental (PAD).

Il faudra harmoniser les règles d'attribution dans les prochains mois, en tenant compte des spécificités. Les bassins ont aussi la possibilité d'établir des critères spécifiques d'attribution des volumes pour les AOC et les signes de qualité, parmi lesquels le bio.

La Confédération paysanne regrette néanmoins l'absence de représentants spécifiques pour ces productions.

Aux neuf bassins laitiers se superposeront bientôt les interprofessions laitières régionales (Criel), qui ont déjà entamé leur réorganisation pour se calquer sur les frontières des bassins. « A terme, les bassins et les Criel auront sans doute vocation à fusionner », estime Henri Brichart. A moins que les pouvoirs publics préfèrent maintenir une structure dans laquelle ils continueront à siéger.

Des arrêtés pluriannuels fixeront les règles du jeu jusqu'en 2014-2015. Ensuite, le rôle des bassins reste à écrire. Les missions relativement larges – voire floues – qui leur sont attribuées laissent une grande latitude. Ce sera aux producteurs de se mobiliser pour initier les débats qu'ils jugent utiles au sein de ces instances et les faire vivre.

 

Les conférences de bassin

28 personnes au plus siégeront dans chacune de ces nouvelles instances, présidées par des préfets coordinateurs :

• 6 représentants de la production ;

• 3 représentants des coopératives ;

• 3 représentants des industriels privés ;

• 1 représentant des consommateurs ;

• 1 représentant du commerce et de la distribution ;

• 14 représentants au maximum des pouvoirs publics : préfets des régions concernées, représentants des collectivités territoriales, préfets des départements concernés, présidents des chambres d'agriculture.

Seuls le préfet coordinateur et les représentants de la filière posséderont un droit de vote.

Après consultation de la conférence de bassin, le préfet coordinateur arrêtera les catégories de producteurs retenues pour l'attribution de quotas ou de TSST au niveau du bassin laitier, ainsi que la liste des bénéficiaires, les règles de calcul adoptées et le montant attribué.

Dans un premier temps, les réserves de quotas de chaque département remonteront au niveau du bassin.

Par la suite, les quotas seront distribués dans les bassins selon leur « ratio ». Ce dernier est défini par le volume libéré dans le bassin, divisé par le quota du bassin. « La répartition de la hausse du quota national est effectuée de façon à réduire l'écart de ratio constaté d'un bassin à l'autre. »

Ce calcul devrait permettre à l'Ouest et à l'Est de récupérer la majorité des volumes issus de la hausse communautaire de 1 % par campagne jusqu'en 2012. 

 

 

Le Grand Ouest optimiste, le Grand Est hétérogène

• Pour le bassin du Grand Ouest, la première conférence s'est réunie le 11 avril 2011. Priorité annoncée, la construction de la nouvelle politique des quotas, avec des règles identiques pour tous les départements. « Nous avons un gros travail à réaliser en amont, notamment au sein de l'interprofession, pour trouver des orientations communes et établir un véritable projet de filière pour l'après-2015 », estime Frank Guéhennec, représentant de la FNSEA.

« Grâce à la nouvelle structuration en bassin et compte tenu de son dynamisme, l'Ouest devrait bénéficier d'un retour de 50 % de la réserve nationale alimentée par le 1 % d'augmentation du quota national, soit 120 millions de litres par an », explique Michel Cadot, préfet de la Bretagne.

La Confédération paysanne veillera cependant à la bonne répartition des quotas libérés à l'intérieur du bassin. « Notre crainte est de voir une concentration du lait en Bretagne, déjà en sureffectif d'animaux », souligne son représentant, Patrick Besnard.

• Le bassin du Grand Est a quant à lui suscité une levée de boucliers de la part de producteurs inquiets de sa grande taille. Il s'étend en effet de l'est de Paris à la frontière allemande, et de Reims à Dijon.

« C'est un grand bassin, très diversifié, reconnaît Denis Ramspacher, représentant de la chambre d'agriculture de l'Alsace. Il couvre dix-neuf départements aussi divers que l'Yonne et les Vosges, avec de nombreuses AOC.

Les quotas moyens et les densités laitières sont hétérogènes, tout comme les PAD et l'ampleur des attributions aux jeunes qui s'installent. Il faudra tenir compte de toutes ces différences pour mettre peu à peu en place de nouvelles règles communes.

Néanmoins, ce bassin n'est pas illogique : il correspond à peu près à l'interprofession régionale, qui a été élargie pour tenir compte de la taille des entreprises, dont certaines collectent de la Lorraine à la Côte-d'Or. »

Un avis partagé par Bernard Marmier, président d'une petite fruitière du Doubs, qui représente la FNCL.

« Dans tous les cas, avec la fin des quotas, nous n'aurions pas évité une réflexion régionale sur l'avenir de la filière », souligne-t-il. La première conférence se tiendra le 6 mai prochain. (Isabelle Lejas et Elsa Casalegno)

 

[summary id = "10022"]

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement