Décortiquer la logique des financiers po Décortiquer la logique des financiers pour anticiper les prix
Les fonds d'investissement interviennent sur le marché des grains selon des raisonnements étrangers à la filière et déconcertants.
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« Aujourd'hui, les financiers ont autant d'impact sur les marchés agricoles que la filière elle-même », martèle Jean-Loïc Begue-Turon, responsable marché et dérivés pour l'union de coopératives Invivo.
Depuis l'arrivée massive des fonds d'investissement en 2006 sur les marchés à terme, il est de plus en plus nécessaire de regarder à l'extérieur de la filière et de se plonger dans l'univers complexe de la finance.
Ce qui change : nouvelle logique et nouvelle temporalité
Les financiers ne raisonnent pas à l'échelle de la campagne de production, comme le font les opérateurs de la filière. Ils interviennent en suivant une autre temporalité qui correspond à leurs propres objectifs de gestion.
Les spéculateurs restent sur les marchés parfois à très court terme pour profiter d'une tendance. Au contraire, d'autres fonds peuvent rester plusieurs années. Les financiers bousculent ainsi les repères en introduisant une autre échelle de temps et des logiques différentes sur le marché.
Poids : mesurer leur présence
L'autorité américaine de régulation et de surveillance des marchés à terme publie tous les mardis les positions prises par les différents acteurs dans ses rapports « Commitments of Traders » (1). Les financiers sont surtout présents sur le marché à terme de Chicago, aux États-Unis, les marchés européens étant jugés trop petits pour eux.
Fonds indiciels : observer l'évolution des indices
Les fonds indiciels investissent dans des paniers de biens appelés « indices », aux proportions bien déterminées (par exemple 60 % de pétrole, 20 % de maïs et 20 % de blé). Au travers de la composition des indices, ils cherchent la formule gagnante pour protéger les capitaux du risque de change ou d'inflation. Les sommes investies dans ces fonds sont colossales, comparées à la taille des marchés à terme agricoles.
Lorsqu'ils interviennent, ils peuvent aisément emporter le marché.Suivre de près la composition de ces index et l'évolution des produits qu'ils contiennent permet d'anticiper leurs décisions.
Si le prix du baril de pétrole augmente, alors les fonds ayant investi dans l'or noir seront contraints d'acheter du maïs et du blé pour que l'indice soit toujours composé dans les mêmes proportions. Par ricochet, cela peut entraîner une hausse des céréales.
Fonds spéculatifs : repérer les niveaux d'entrée et de sortie
« Les spéculateurs réagissent en fonction de lois mathématiques, avec des niveaux d'entrée et de sortie et des limites maximales de pertes. Une fois ces règles repérées, les mouvements peuvent être en partie anticipés », note Benoît Labouille, directeur d'Offre et demande agricole.
Ecarts de prix : déceler si les financiers emportent le marché
En théorie, le prix du blé sur le marché à terme européen (Euronext) et celui du blé rendu Rouen devraient être identiques pour la même échéance de livraison. En effet, les contrats Euronext prévoient la livraison au port de Rouen, lorsque les contrats n'ont pas été débouclés avant la fin de l'échéance (concerne environ 1 % des lots traités). Or des écarts parfois dépassant 10 €/t peuvent apparaître.
Ces épisodes de déconnexion traduisent la forte présence des financiers. Un producteur peut tirer parti de ces écarts pour vendre sur les marchés à terme lorsqu'il constate un « excès de hausse » et déboucler en cas « d'excès de baisse ».
Compétitivité : taux de change euro-dollar
Le change euro-dollar influe sur la compétitivité des grains européens. Ces derniers mois, le dollar se raffermit, ainsi les denrées payées en billet vert se retrouvent moins compétitives et les produits négociés en monnaie unique peuvent s'accorder une hausse.
Le taux de change est intimement lié aux comportements des financiers qui décident de miser sur telle ou telle zone géographique, impactant les monnaies. Tous les indicateurs macroéconomiques qui peuvent faire varier les taux de change sont bons à regarder de près (taux d'intérêt des banques centrales, taux de chômage, crise financière grecque...).
Environnement : déceler les perturbations
Les financiers agissent en fonction de perturbations de leur environnement économique (voir ci-dessus). Crise des subprimes, crise du crédit et aujourd'hui prêts des banques centrales à taux quasi nul sont des épisodes qui ont animé le comportement des fonds ces quatre dernières années sur le marché des grains. Observer l'évolution de l'environnement dans lequel opèrent les financiers permet de comprendre leurs modes de fonctionnement.
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(1) Rapports « Commitments of Traders » publiés tous les mardis sur le site du CFTC : http://www.cftc.gov
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